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Soi et les autres· Huis clos soulève le problème fondamental du rapport de l'individu à autrui. La question commande non...

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« Soi et les autres· Huis clos soulève le problème fondamental du rapport de l'individu à autrui.

La question commande non seule­ ment le sens, mais la structure de la pièce.

Pour bien la saisir.

il convient toutefois de rappeler quelques notions essentielles de la philosophie sartrienne, indispensables à la compréhension du texte. L'idée que Sartre se fait de la condition humaine est en effet inséparable de la conception de I' «enfer» que la pièce véhicule. LA CONDITION HUMAINE SELON SARTRE Qu'est-ce qu'un homme? Sa conscience, répond Sartre. Comprenons : la faculté que possède l'homme de se pen­ ser et de penser le monde.

L'objet, lui (une pierre, une table, par exemple).

n'en dispose pas : il ne sait pas qu'il existe, il ignore ce qui l'entoure, il est enfermé en lui-même. Il est «en-soi», traduit Sartre.

L'homme dispose donc d'un statut particulier et unique : il est capable de réflexion. Le devoir de liberté Ce statut impose à l'homme des responsabilités.

La pre­ mière de toutes est d'user de sa liberté.

Penser le monde signifie en effet le juger; et juger implique de poser des critères et de faire des choix.

Rien ni personne ne les éta­ blira à sa place : ni Dieu auquel Sartre ne croit pas.

ni une quelconque fatalité.

Choisir est le privilège de ce sujet pensant qu'est l'homme. En même temps qu'il juge le monde, l'homme se défi­ nit.

Par ses choix, il élabore un système de valeurs.

Il y ad­ hère.

Son action précise sa morale et dit qui il est.

Malgré tous les alibis qu'il se donne, Garein reste ainsi celui qui a fui.

Il est à jamais compris dans cet acte. L'homme ne saura évidemment jamais à l'avance le bien-fondé de son choix et de ses actes.

Aussi est-il libre et angoissé.

« Sa responsabilité lui apparaît d'autant plus nette qu'elle n'a plus rien qui la guide et qu'elle devient inquiète 1 .

» L'angoisse est inhérente au choix. Comme le montre toutefois Huis clos, on ne peut s'y soustraire sans risque : les personnages sont damnés pour n'avoir pas osé assumer la liberté que leur imposait leur situation d'homme.

Dans son essai intitulé L'Existentialisme est un humanisme, Sartre écrit : « L'homme n'est rien d'autre que son projet, il n'existe que dans la mesure où il se réalise, il n'est donc rien d'autre que l'ensemble de ses actes, rien d'autre que sa vie2.

» Il est significatif que la phrase se retrouve presque mot pour mot dans la bouche d'Inès : « Seuls les actes décident de ce qu'on a voulu.

[ ...

]Tu n'es rien d'autre que ta vie» (p.

90). Liberté et responsabilité : telles sont les formules clés de la pensée de Sartre.

Huis clos expose le revers de la médaille, avec ses personnages lâches et veules, condamnables et condamnés. « Pour-soi » et « pour-autrui » Si l'homme était et vivait seul au monde, tout serait simple.

Nul ne le contredirait.

L'homme pourrait penser ce qu'il veut et agir à sa guise.

li serait une subjectivité pure : tout dépendrait de ses sentiments et réactions.

Il n'aurait aucun compte à rendre, ni vis-à-vis de lui-même, ni vis-à-vis d'autrui.

Il serait, commente Sartre, un« pour-soi» absolu. Mais cette hypothèse présente deux inconvénients majeurs.

D'abord, elle n'est pas réaliste.

L'homme n'est pas seul : il vit avec et au milieu d'autres hommes.

C'est de l'ordre de l'évidence.

Ensuite, à supposer même que cette hypothèse soit réalisable, elle ne permettrait pas à l'homme de se connaître complètement.

Oui lui apporterait la confirmation que ce qu'il sent, pense ou fait, est bien ou mal ? Personne, puisque par définition il serait seul.

Oui lui garantirait que ce qu'il pense de lui est vrai ? 1.

R.

M.

Albérès, Sartre (Éditions.

universitaires, 1964, p.

7). 2.

L'Existentialisme est un humanisme (Paris, Nagel, 1946, p.

55). 32 En termes plus généraux, l'homme construit lui-même le sens de son existence.

Celle-ci ne peut dès lors s'apprécier qu'en fonction de ce sens qu'il a préalablement établi et posé 1. Par intérêt ou par ignorance, on peut certes refuser d'exercer sa liberté, donc sa responsabilité.

Dans la terminologie sartrienne, on devient alors un « salaud » ou un «lâche».

Car on nie ce qui fait l'originalité et la spécificité de la condition humaine : la conscience. Mais si ne pas choisir est répréhensible aux yeux de Sartre, mal choisir l'est également.

L'homme ne vit pas en effet seul.

Il appartient à une collectivité.

Son choix doit prendre en compte les intérêts de cette collectivité (sa plus ou moins grande liberté, par exemple).

Ce n'est pas la même chose d'avoir vingt ans dans un pays en guerre ou en paix, prospère ou en voie de développement.

Les « situations» (historiques, politiques ...

) ne sont pas identiques. Les choix ne peuvent donc partout être les mêmes.

Leur validité dépendra et résultera des bienfaits qu'en tirera la collectivité.

Tant qu'il n'est pas en face de ses actes, Garein peut, par exemple, se mouvoir.... »

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