Suffit-il de constater pour atteindre la vérité ? ■ Analyse du sujet - Se contenter d'un constat suppose que la...
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Suffit-il de constater pour atteindre la vérité ?
■ Analyse du sujet
- Se contenter d'un constat suppose que la vérité est présente dans les
faits eux-mêmes, tels qu'on peut les percevoir.
Or, les phénomènes dissi
mulent la loi auxquels ils obéissent.
- Le constat est une réception passive : l'esprit peut-il atteindre la
vérité sans être actif ? Expérimenter suppose par exemple que l'on pose
une question précise.
- Même le constat issu de l'expérience scientifique ne prend son sens
qu'en étant intégré dans un raisonnement.
■ Pièges à éviter
- Oublier d'analyser les implications d'un «constat», ou prendre le
terme dans une acception restreinte Ge constate qu'il vient de se produire
un accident, et c'est vrai).
- S'en tenir à la vie quotidienne, en négligeant l'importance de la
science dans la recherche de la vérité.
- Mélanger plusieurs domaines impliquant (ou non) la possibilité de
constater : la science, la religion, le quotidien.
CORRIGÉ
[Introduction]
Chacun effectue dans la vie quotidienne un nombre important de
constats.
Je constate qu'il pleut au moment où je dois sortir, ou que le prix
SUJETS CORRIGÉS
du pain a augmenté, ou que mon journal quotidien est mal imprimé...
et
sans doute de tels constats correspondent-ils à une certaine forme de
vérité: il est vrai qu'il pleut, que le prix du pain a augmenté, etc.
Dans de
telles situations banales, constater l'existence d'un phénomène coïncide
avec le niveau de vérité dont j'ai besoin.
On remarque aisément que tel
n'est pas toujours le cas.
Le sirriple «constat» que doivent rédiger deux
automobilistes après un accident peut être l'occasion de désaccords entre
eux : de quel côté se trouve alors la vérité? Et pour peu qu'un événement
mette en cause plùsieurs témoins,« constater» ce qu'il fut n'est pas chose
facile, tant les témoignages diffèrent.
Pour peu que l'on s'interroge sur
nos moy~ns d'accéder à la vérité lorsqu'on prend ce dernier mot dans son
sens le plus exigeant, on peut prévoir que constater n'y suffira pas.
[I.
Le constat est lié aux phénomènes apparents]
Lorsque Socrate interroge un jeune esclave dans Ménon pour lui faire
trouver la solution d'un petit problème de géométrie, il lui fait constater
par exemple que les côtés du carré qu'il trace dans le sable ont pour propriété d'être égaux.
Mais, puisque le problème posé concerne la duplication de la surface du carré, ce constat visuel semble ensuite influencer
l'interlocuteur, qui propose tout simplement de doubler chaque côté.
Socrate lui fait alors constater son erreur, en dessinant une surface quadruple de celle d'origine, et ce n'est finalement qu'en raisonnant et en
calculant même s'il continue à prendre appui sur les lignes que trace
Socrate - que l'esclave parvient à la solution.
Par définition, le constat est déterminé par la perception : il prend acte
des phénomènes (étymologiquement, ce qui nous apparaît).
Or, ceux-ci,
on le sait bien depuis Platon, sont peu fiables : ils ne cessent de se modifier et nous donnent l'image d'un monde soumis à de permanentes transformations.
Comment dès lors pourrions-nous accéder à la vérité, dont la
notion implique au contraire stabilité et universalité ? Ce que je constate
n'est «vrai» qu'au sens où le phénomène est présent devant moi, ici et
maintenant, mais cette présence, en admettant même qu'elle soit incontestable (après tout, je peux être victime d'un mirage, ou d'une hallucination), ne peut pas me donner accès à ce qui le détermine.
D'autre part, constater, c'est être dans une attitude mentale passive : on
accueille ce qui veut bien se manifester, et si l'on prétend atteindre la
vérité, il faut au moins admettre que celle-ci est précisément de nature à
se révéler, en quelque sorte de son propre mouvement.
C'est, en gros, ce
qu'admettait Aristote : la raison de l'homme, recueillant les faits tels qu'il
les constate, doit être capable de les classer et de les organiser pour élaborer les lois de la nature.
Ce qui l'entraîne à affirmer, puisqu'un caillou jeté
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en l'air retombe, qu'il y a dans ce caillou une sorte de mouvement naturel,
ou de tendance, lui permettant de retrouver son « lieu propre».
On peut
comprendre ce qui justifie le jugement de Russell : « L'esprit humain a
progressé dans la mesure où il s'est affranchi d'Aristote», qui affirme qÙe
l'accès à la vérité suppose que l'on renonce à pratiquer dans tout domaine
un raisonnement simplement déductif (qui déduit les conséquences de ce
qui a d'abord bien été constaté) pour privilégier le raisonnement inductif,
qui suppose un recours à l'expérimentation.
[Il.
Nécessité de l'interrogation]
.
Observer scientifiquement n'est pas synonyme de simplement
constater: l'observation scientifique se nourrit des théories disponibles, et
c'est pourquoi elle en perçoit les lacunes.
De son côté, le constat ordinaire, qui s'en tient au simple recensement des phénomènes, est dépourvu
de cadres théoriques : il risque donc d'ignorer même ce qu'il conviendrait de privilégier dans les éléments auxquels il a accès.
Rien ne le
prouve mieux que la visite d'un laboratoire : qui ignore les théories déterminant les recherches....
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