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SUJET A la fin de la prennere partie de Psyché, deux des « Quatre Amis » dont La Fontaine nous...

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« SUJET A la fin de la prennere partie de Psyché, deux des « Quatre Amis » dont La Fontaine nous rapporte les propos, engagent un déb,at sur les mérites respectifs de la tragédie et de la comédie. A Ariste qui affirme que « la comédie touche moins les esprits que la tragédie », Gélaste finit par répondre : « Comme la tragédie ne nous représente que des aven­ tures extraordinaires et qui, vraisemblablement, ne nous arriveront jamais, nous n'y prenons point de part et nous sommes froids, à moins que l'ouvrage ne soit excellent....

La comédie, n'employant que des aventures o rdinaires· et qui peuvent no us arriver,.

no us touche toujours, plus ou moins, selon son degré de perfection.

» Ces -propos de Gélaste vous semblent-ils rendre un compte exact et ,suffisant des différences qui séparent la tragédie · et la comédie? .

(Ce sujet a été, sous d es formes légèrement différentes, proposé plusieurs fois au baccalauréat et à d ivers concours.) RÉFLEXIONS PRÉLIMINAIRES '.l.

Il est indisp ensable de relire toute la fin de la première partie de Psyché à l'occasion de ce dePoir.

Les études de diPers critiques, celles notamment de Messieurs Bray et Demeure, ont démontré que les cc Quatre Amis» ne peuPent être, comme on l'a cru longtemps, La Fon­ taine, Boileau, Racine, Molière.

DiPerses identifications ont été pro­ posées, mais elles ne sont pas absolument certaines; il est même pos­ sible que La Fontaine ,:,,•ait Poulu mettre en-scène aucun de ses amis, mais qu'il 'ait seulement personnifié des tendances, des ·goûts littéraires. Ce qu'il y a de sûr, c'est que Gélaste, qui soutient, touchant la comédie, l'opposé de ce que soutient Molière dans La Critique de l'École des .

Femmes, ne saurait être Molière (R.

Bray). 2.

Il paut mieux éPiter de consacrer une première partie à la comédie et une deuxième à la tragédie ou inPersement, car il serait à peu près impossible de sauPegarder l'unité de composition et on aboutirait sans doute à deux essais juxtaposés.

Puisque les indications qui accom­ pagnent le texte de La-Fontaine pour cc poser» le sujet offrent un plan, en attirant l'attention sur lés propos de Gélaste (un compte exâct et suffisant), le mieux est de les suiPre pour étudier les différences qui séparent la tragédie et la comédie.

Il sera assez aisé, à l'intérieur de chacune de ces deux grandes parties, de parier la présentation des faits · et des arguments. 3.

Vu l'ampleur d'un tel sujet, nous ne_poueons guère offrir ici qu'un cadré -général pour une étude d'ensemble.

Ce sera pour l'étudiant un _exercice des plus utiles que de reprendre chacun des points que nous signalons, de le creuser et de l'élargir, en le précisant, en le nuançant, en· le discutant à l'occasion; autrement dit,· chaque paragraphe esquissé pourra lui.fournir le point de départ d'un long paragraphe soigneuse-­ ment rédigé et généreuseme�t nourri de cc preupes ».

S'il se donne la peine de repenser et de refondre ainsi tout ou partie de étude à son usage personnel, il se sera préparé, tout en réfl,échissant sur un thème extrêmement fécond, à aborder sans être surpris la plupart des depoirs qui appellent une comparaison entre la tragédie et la comédie. f 4.

On prendra prétexte du présent dePoir pour -relire le suggestif ouPrage de Bergson: Le-Rire, essai sur la signification du comique (P.

U.

F., édit.).

Quoique certaines de ses conclusions soient contestées par quelques critiques, il est indispensable de le connaître et imp_ossible · de ne pas lui demander des idées pour discuter du problème proposé. PLAN DÉTAILLÉ Introduction.. De nos jours, on 'écrit des « pièces de théâtre >), sans chercher une appellation plus précise pour caractériser les œuvres.

Au xvn° siècle, la séparation des genres était admise comme une vérité et une nécessité esthétique indiscutables : des théoriciens (Boileau, Fénelon...) s'attachent à préciser la nature exacte de fa tragédie et de la comédie.

Molière, si conscient de son art et de ses exigences, aborde la question dans La Critique de l'École des Femmes.

La Fontaine y consacre plusieurs pages de Psyché, sous la forme d'une discussion entre les « Quatre Amis· l> qu'il met en scène.

Ariste défend la tragédie et estime qu'elle touche bien plus les esprits que Ia comédie; Gélaste, défenseur de la comédie, lùi répond : « Comme la tragédie ne nous représente que des aven­ tures extraordinaires et qui, vraisemblablement, ne nous arrive­ ront jamais, nous n'y prenons point de part et nous sommes froids, à moins que l'ouvrage ne soit excellent....

La comédie, ·n'employant que des aventures ordinaires et qui peuvent nous arriver, nous touche toujours, plus ou moins, selon son degré de perfection._» Ces propos semblent donner des limites singulièrement étroites aux différences qui séparent tragédie et comédie : en somme, ce ne serait qu'une _question du plus ou du moins de distà.nce qui sépare le speétateur de c_e _qu'il yoit représenter devant lui.

Ainsi po�ée, la 9-ifférence apparaît même très discutable.

_ I.

L'affirmation de Gélaste n'est exacte qu'en partie. A.

Pour la tragédie. n e�t exact qu'en apparence la tragédie ne représente que des aventures extraordinaires.

Les conventions les plus extérieures de la tragédie exigent en effet qu'il en soit ainsi : a) Pour les sujets : ils sont empruntés, soit à la légende (Andro­ maque, Phèdre), soit à)'histoire, profane (Nicomède, Mithridate) ou religieuse (Polyeucte, Athalie).

Si le sujet se rapproche dans le temps, la distance apporte l'éloignement nécessaire (Bajazet, cf.

la Préface).

Les succès obtenus par Voltaire et de Belloy avec des cc sujets nationaux » furent éphémères.

c1·,1w b) Pour les personnages : nécessité de personnages : • dont les actes ont _été purifiés par le temps et se prêtent ainsi plus aisément à la .transposition esthétique, parce qu'ils sont devenus ,peu à peu des cc symboles » (Andromaque et la fidélité conjugale, Phèdre et l'amour interdit...

) et sont déjà plus ou · moins familiers au spectateur; • dont les.

actes échappent aux contingences de la vie ordinaire �t mettent en question des> importants (sort de 'tout un 1. "ï peuple).

Aussi ce sont des grands de' toute sorte .(rois, généraux, princes).

Si on les remplace· par de simples, bourgeois doni la conduite n'affecte qu'une famille,.

on aboutit au .

drame du xvn1 ° siècle. c) Pour les.

éYénements : ils dépassent l'individu pour intére_sser la c·ollectivité et· ils provoquent des catastrophes funestes (meurtres, suicides; cf.

le àestin des familles illustres de la légende grecque, et !'-histoire).

Déjà en 1572 Jean de la Taille demandait pour la tragédie de grands malheurs collectifs (cc bannissements, guerres , pestes, famines »).

Bérénice fait exception, mais il y est traité du destin de l'Empire romain, et cc l'action en est grande » autant que cc les acteurs en sont héroïques ».

(Racine, Préface de Bérénice.

Lire toute cette préface tt .méditer en particulier sur le passage consacré à la « tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie ».) - Transition : Telles sont les apparences; s'il en est de même en profondeur, il y a de grandes.

chances pour que la tragédie, sau_f .

'réussite exceptionnelle (et encore!), nous laisse c< froids ». 2.

Mais en réalité la tragédie représente des aventures ordinaires .. II.

est ici nécessaire d'opérer la transpo�ition sur laquelle tout tragique est en droit de compter_ de la part du spectateur : or, si nous dépassons, comme il se doit, le cadre extérieur pour considérer le tableau véritable, que trouvons-nous? _ · a) _Des sujets qui sont cèux de la réalité quotidienne : jeux éternels des sentiments et des passions, aussi bien l'ambition ( Britannicus : A moi la première place!) que l'amour et la jalousie (Andro maque: Aime-moi ou je te tue!).

Cela est tellement vrai que le même sujet peut aussi bien être du domaine tragique que du ·domaine comique, selon les circonstances (le vieillard amoureux dans L'École des Femmes et dans Mithridate).

Cela est vrai même pour les détails (Néron écoutant Junie et Britannicus - Orgon, sou_s sà table, écoutant Tartuffe.

Cf.

aussi Nlithridate, acte III, scène v, et L'AYare; acte IV, scène 111). · ' b) Des personnages tourmentés par ces sentiments et ces passions·, des bons et des mauvais, des volontaires et des irrésolus ....

Les uns· et les autres luttent sans cesse contre des obstacles,' contre ·des résistances venues d'eux-mêmes ou de l'extérieur et que symbolise le Destin, la Fatalité.

N'en est-il pas de même dans la vie quotidienne? Quand nous nous écrions : «.

Qu'est-ce ·que j'�i fait au• Bon Dieu? � ou c< ·J'en ai assez!.

Je renonce! » nous répétons,· _, inconsciemment et sous une autre forme, le cri d'Oreste : « Je me livre en ·aveugle au De'stin qui m'entraîne! » Aussi un Polyeucte est-il moins un seigneur arménien qu'un homme qui doit 'choisir• entre sa famille et un devoir supérieur, et Néron est-il m:oins un empereur romain que le type du « monstre- naissant » qui hésite entre la vertu et le vice et qui finit par choisir le vice. c) Des éYénements qui sont tellement près de nous que les colonnes des journaux en sont remplie� quotidiennement : c�imes pas-· sionnels, catastrophes, carnages de toute sorte.�Il n'est pas de jour, hélas, qui n'apporte quelque tuerie semblable à celle qui termine Baiazet, et qui choquait tant Madame de Sévigné. Transition: L'opinion de Gélaste n'es.t donc exacte qu'en partie pour la tragédie; qu'en est-il �our la comédie, dont il affirme le caractère.... »

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