SUJET Commentez cette opinion d'André Gide:« II me semble que les qualitôs que nous nous plaisons à appeler clas siques...
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SUJET
Commentez cette opinion d'André Gide:« II me semble
que les qualitôs que nous nous plaisons à appeler clas
siques sont surtout des qualités morales et volontiers
je considère le classicisme comme un harmonieux fais
ceau de vertus dont la première est la modestie.
»
RÉFLEXIONS PRIELT1vIINA1RES
1.
Plw,ieurs contresens à é"iter:
a) croire qu'il s'agit des qualités morales des personnages, par
exemple des personnages du théâtre classique, alors que ceux-ci sont
soufJent nettement immoraux;
b) placer la morale dans le sern; général de l' œiwre.
Sans doute
les classiqnes répètent-ils dans leurs Préfaces qu'une œui,re doit
« instruire les spectateurs autant que difJertir », mais il y a lieu de dis
tinguer: s'ils Yeulent assurément cc instruire et plaire ll, ils ont beaucoup
trop le sens de l'autonomie de l'art pour jamais soumettre celui-ci à
la morale.
Dans Phèdre, par exemple, les grandes Yictimes sont beau
coup plus Thésée, Hippolyte et Arîcie, les innocents, que Phèdre, la
coupahle, qiû se tue sans doute, mais après une sorte de réhabilitation
morale > et celui d' cc humilité ll, l'adjectif
« harmonieux », qui souligne le caractère essentiel du « faisceau
de vertus », fournit la clef du texte.
1.
La notion d'harmonie morale implique en effet que la morale
n'est pas innovation, mais reconnaissance d'un certain ordre.
Le classique est donc moral et notamment modeste, non p·as.
parce qu'il doute de son œuvr.e, mais parce qu'il sent la littérature
comme un art profondément rattaché à un certain ordre tra di
tionnel; non pas, hfen entendu, qu'il n'y ait plus rien à faire,
mais il n'y a plus qu'à travailler au développement d'un certain
nombre de valeurs bien reconnues.
Tout se passe comme _ dans
un jeu où l'on se soumet à des règles et où l'on est forcément
modeste, tout en étant fier si l'on vient à gagner : « Qu'on ne
dise pas que je n'ai rien dit de nouveau: la disposition des matières
est nouvelle; quand on joue à la paume, c'est une même balle
dont joue l'un et l'autre, mais l'un la place mieux.
» (Pascal,
Pensées, éd.
Brunschvicg, I, 22.) •
2.
Dès lors, l'artiste ne peut guère être en opposition avec son époque
et il ne saurait jouer les incompris et les grands solitaires.
Tel un
joueur disputant une épreuve, il est à la fois limité et soutenu
par des règles connues du public - au m·oins dans leurs grandes
lignes - au nom desquelles on le juge.
En cas de contestation,
il y a contestation sur l'application des règles, mais non sur leurs
principes.
N,� nous laissons pas abuser, au surplus, par cctlt\ image
des règles, car cet accord profondément modeste de 1'6crivain
avec son public porte sur le fond même de l'art et chacun pren•
drait facilement à son compte le mot de La Bruyère : (< Je rends
au public ce qu'il m'a prêté.
i> Si le classi.que se refuse, par exemple,
n choquer, s'il se conforme aux bienséances, ce n'est pas par aca
démisme timo1·1\, par· goùt d'une littérature édulcorée, c'est.
parce
que l'on ne peut guère, littérairement parlant, bouleverser un
accord dont vit la littérature : si l'on écrit des sonnets libertins,
comme le fait Malherbe,....
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