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SUJET Thierry Maulnier écrit dans son Racine (p. 70, Galli­ m ard, édit.) : « Montrer sur la scène des...

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« SUJET Thierry Maulnier écrit dans son Racine (p.

70, Galli­ m ard, édit.) : « Montrer sur la scène des monstres ou des meurtres, montrer du sang, montrer de brillants costumes ou des foules où.

des batailles, tout cela est bon pour des pri­ mitifs, des romantiques ou des enfants.

La grandeur et la gloire de l'homme sont d'avoir cessé de montrer _parce qu'il a appris à dire.

L'a� le plus affiné et le plus complexe ·est nécessairement l'art où le langage - hon­ neur des hommes, dit le poète - a la place éminente et le rôle royal.

» Expliquez et discutez à la lumière de ce - que vous savez sur l'évolution du théâtre en France. RÉFLEXIONS PRÉLIMINAIRES 1.

Texte en apparence très esthétique, très général et bien tentant pour une discussion de dramaturgie; mais il doit être d'abord considéré comme polémique et plein d'allusions à l'histoire littéraire : monstres : - du théâtre primitif (Le Cyclope). - du théâtre r_omantique (Triboulet dans Le Roi,s'amuse). - du théâtre enfantin (L'Ogre;- Frankenstein). ID;Onstres moraux : Lucrèce Borgia. meurtres : - pour les classiques, ne pas ensanglanter la scène est un précepte impératif (c'est dans la « coulisse » que Camille est poignardée, que Britannicus est empoisonné, etc.). - pour les romantiques, la mort constitue un spectacle (c'est depant les spectateurs que Dona Sol et Hernani se suicident, que Triboulet traîne le cadaPre de sa fille, etc.). - on pourra comparer de ce point de Pue l'empoisonnèment général qui termine Lucrèce Borgia à la cc grande tuérie » finale de Bajazet. brillants costumes : goût de la couleur locale (Espagne, I(alie, Alle­ magne).

Sans doute les acteurs class_iques ont une garde­ robe somptueuse, mais beaucoup plus conPentionnelle et notamment insoucieuse de reconstitution fidèle. foules : - les conjurés dans Hernani, - les courtisans dans Le Roi s'amuse, etc....

Le classi­ cisme épite au contraire de multiplier : Corneille ne pré­ sente qu'un Horace, qu'un Curiace. batailles : Shakespeare en offre dés exemples pariés.

Et l'on peut songer au Cyrano de Bergerac et à L'Aiglon de Rostand. - primitifs, romantiques; enfants : hostilité de Th.- Maulnier, disciple de Maurras, au romantisme; mais l'état d'esprit roman­ tique lui semble déborder de beaucoup le romantisme, historiquement parlant.

Il attaque le goût moderne du primitif, de l'enfantin qui nous fait soupent trouPer plus admirable une scèn•e de folklore qu'une œuPre intellectuelle. Le rapprochement des trois termes se Peut, à lui seul, impertinent. 2.

Problème - d'esthétique, - assez général sans doute, mais surtout technique.

Quel est le matériel fondamental de l'art théâtral : les mots ou le spectacle? Ce grand choix se pose aux gens de métier et on tend Pers_ deux limites suiPant les tempéraments des auteurs, des acteurs, des metteurs en scène : le mime, la grande parade de foire d'une part; la conversation, la discussion d'autre part.

Si le théâtre nè sait pas être à la fois spectacle et discours, il risque de mourir, , comme il mourut à Rome où l'on aPait renoncé à cette synthèse : on produisait plutôt des repues à grand spectacle (on se rappelle les _ plaintes de Cicéron : trop de statues, de tapisseries!) et pendant ce temps les tragédies de Sénèque n'étaient pas ., représentées, mais ly,es dans les « recitationes n. 3.

Il ne faut pas s'orienter trop çite Yers une critique générale.

Le texte çise manifestement une certaine conception un peu schématique du théâtre classique dont Th.

Maulnier se fait un idéal.

On reconnaît ici le culte de la raison en art qui caractérise le néo-classicisme moderne (Valéry, Benda, Maurras, la critique d'Action française), lequel oppose çolontiers les littératures méridionales et classiques repr_ésentant la pure Raison, d'une part, et, d'autre part, les litté� .

ratures nordiques, brumeuses, accordant un rôle excessif à la sensation et à l'irrationnel (politiquement, certains de ces critiques aspirent à l'ordre, qui leur semble classique et combattent l'esprit réçolutionnaire, qûi leur semble romantique).

Pratiquement il sera bon de déterminer l'atmosphère de cette citation et de se demander dans quelle mesure théâtre classique et théâtre romantique ne sont pas plutôt.

pris par Th.

Maulnier comme des références que comme des réalités histo­ riques.

La tragédie est beaucoup plus un spectacle qu'il ne le pense et une sérieuse étude historique du rôle qu'y joue le discours deçra s'attacher à préciser ce point. 4.

On n'oubliera pas que la citation est extraite du Racine de Th.

Maul­ nier, où le but de l'auteur est de démontrer que la tragédie classique est tout entière orientée çers l'action, non pas, bien entendu, que celle­ ci tienne du mélodrame, mais parce izu' elle est très fortement centrée, parce qu'elle.

a une unité très intense.

Le langage y est comme une somme de rapports intellectuels tendus Yers le drame : ni psychologie, ni dis­ cours gratuits.

Mais Th.

Maulnier méconnaît la part de cc pompe n,· d: ornementation oratoire et il faudra être plus près que lui des réalités historiques. 5.

De même sur le romantisme, il conYiendra d'apporter quelques réserYes. Le théâtre romantique est coulé dans des moules classiques beaucoup plus que ne le croyaient les romantiques eux-mêmes.

Notamment en ce qui concerne le langage, il reste oratoire, utilise la cc titade n.

La çérité est peut-être qu'il çeut renoncer aux beautés d'ornementation qui caractérisen_t la tragédie classique, à la > dans les cc peintures n de Racine : le sérail de Bajazet, l'écroulement de Mithridate, le camp d'Agamemnon, le temple de Jérusalem dans Athalie.

On n'oubliera pas la présence des foules.

Andromaque \ se termine par une ré11olution dans Buthrot, Narcisse est lynché à la fin de Britannicus, dans Mithridate le peuple gronde aux portes du palais, Iphigénie est retentissante de rumeurs militaires, Atp.alie est presque une pièce à grand spectacle (au 4énoùement « les troupes » sont en scène).

Bref, il ,ne faut pas, pour -les besoins d'une cause, faire du théâtre racinien un théâtre intellectuel.

Sans doute tout· n'est pas montré par Racine, mais ce sont les fameuses« bienséances» qui semblent soiwent s'opposer au spectacle direct. PLAN DÉVELOPPÉ , Introduction. Le théâtre a.

toujours exercé sur les intellectuéls un curieux mélange d'attrait et de répulsion.

Art du spectacle, parlant aux sens plus qu'à l'esprit, ne connaissant de vrai succ�s que sous la forme populaire, il relève souvent, aux yeux des gens cult1vés, des accusations portéès contre l'imagerie facile, la ) montre bien l'importance du discours : ainsi' dans les moments les plus passionnés, il y a comme une convention entre les personnages · pour se laisser terminer leurs tirades; celles-ci sont elles-mêmes logiquemen_t organisées et articulées, quelle que soit la violence 'de la scène.

Nulle contradiction du reste entre ces longues tirades et l'action.

L'abbé d'Aubignac écrit : > En effet, explique Marmontel, il suffit« de bien savoir quel.

est celui qui parle, quels sont ceux qui l'écoutent, ce qu'on veut que l'un persuade aux autres et de régler sur .ces rapports le langage qu'on lui fait tenir ».

Le discours est donc l'essentiel de l'action, si l'on peut dire: c'est l'action d'un plaidoyer. D'après les contemporains, c'est à ce moment-là qu'on faisait silence p�ur écouter le morceau de bravoure. 2.

Le rôle du discours est encore plus net dap.s les récits.

C'est surtout à eux que pense 'Fh.

Maulnier; > : c'est le spectacle, « dire n : c'est faire· un récit.

Ici aussi les règles de la dramaturgie, classique semblent lui donner raison : le récit n'est en général · pas un ornement, il est .pour ainsi dire une action qu'on ne peut point représenter sur la scène.

Racine dit (Préface de Britannicus) : « Ne mettre en récit que les choses qui ne se peuvent passer en action.

>> Il faut donc que le récit s'introduise avec précision dans ce.

système de rapports intellectuels qu'est une tragédie. Celui qui raconte doit avoir « une raison.

puissante pour raconter 1 et.... »

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