SUJET Vous expliquerez et discuterez, s'il y a lieu, les for mules suivantes de Gide (Nouveaux Prétexte,s, De l'im• portance...
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SUJET
Vous expliquerez et discuterez, s'il y a lieu, les for
mules suivantes de Gide (Nouveaux Prétexte,s, De l'im•
portance du public, pages 37-39, passim, conférence
prononcée le 5 août 1903 devant la Cour de Weimar) :
« Panem et circenses », criait la populace latine : du
pain d'abord; les jeux ensuite ..Le libre jeu de l'art
n'est pas goûté quand l'estomac est vide.
C'est après
le repas qu'on appelle l'artiste en scène, Sa fonction
n'est· pas de nourrir, mais de griser....
L'œuvre d'art
est une flatterie....
Le public...
doit ne plus avoir faim,
doit être cultivé ....
Le danger de la foule, hélas! c'est
aussi qu'elle a faim.
Elle demande qu'on la nourrisse.»
RÉFLEXIONS PRÉLIMINAIRES
1.
L'expression est semi-métaphorique, mais sans ambiguïté : l'ar,t n'a
pas comme but deJ : au cours d'un bon repas, la griserie ne 's'oppose
pas à la nourriture, mais lui donne une sorte de caractère exal
tant qui lui enlève sa pesanteur.
De même, l'art ne $Cra pas une
sorte de vin pour un homme à jeun, mais plutôt ce qui permet à
un homme lourd de valeurs et de vérité la glorification de ces
valeurs qu'il porte en lui.
2 ....
pas
davantage d'art nourrissant....
Mais l'artiste, tenté par
cette glorification dont il détient le secret, peut vouloir imposer
à son public d'autres valeurs que celles qu'il porte en lui : d'après
Gide ce serait là aussi une grave erreur, car l'art ne doit pas
nourrir, en d'autres termes il ne doit pas poser - et surtout
renouveler - dé question morale ou de question sociale, il doit
éviter la pièce à thèse.
Sans -que Gide en parle expressément, on
sent l'inquiétude qu'il éprouve à l'idée que l'art puisse sortir
de son rôle propre.
S'il s'agit de modifier la société ou de prêcher,
il y a des spécialistes, hommes d'État, hommes d'Église.
L'a�tiste
ne fait pas de traité de morale, mais il bâtit Versailles.
3....
mais un art qui impose un style à des valeurs admises.
Si l'art
ne peut être ni gratuit ni _nourrissant, il lui reste la ressource,
ce qui est son domaine propre, de conférer style et forme à ce
qui est sans écl�t et sans joie dans un public « dont l'esprit quiet
repose dans l'acceptation d'une religion ou d'un dogme ».
Gide·
lui-même cite l'exemple des artistes de la Renaissance qui se
voient imposer par leur public la religion chrétienne, mais qui
l'exaltent et la glorifient en lui donnant le style si particulier de
la sensualité païenne de leur tempérament.
Bien entendu, il n'y
a pas grande sincérité en tout ceci, mais Gide, si intéressé en
d'autres endroits par la sincérité, semble n'en tenir ici qu'un
compte fort secondaire.
Somme toute, les perspectives de cette
page sont résolument classiques (au sens large du terme) et c'est
dans cette direction qu'il faut les expliquer et les discuter.
II.
L'autonomie de l'art aux époques classiques.
-Gide a surtout la nostalgie des époques où un public homogène
soutient l'artiste.
Ne pas bouleverser cette homogénéité.
La première faute\ que
commettrait un artiste en voulant « nourrir », c'est-à-dire en
voulant répondre à des besoins moraux ou sociaux, ce serait
précisément de remettre en question l'homog�néité d'un public
sur lequel il s'appuie.
Il saperait par là les hases mêmes de
l'art.
Ainsi, par ses inquiétud�s, un La Bruyère commence à ébranler
l'unité de l'édifice classique en provoquant parmi ses lecteurs
quelques remous peu favorables à l'harmonie de l'art.
Peut-être
est-ce pol.j-r cette raison qu'on.
a signalé.
dans sa manière un· commencement de décadence.
2.
Ne pas sortir du rôle assigné.
En effet dans l'harmonie de l'édifice
classique, !'écrivain et, d'une f'açon générale, l'artiste ont leur
rôle bien déterminé, à la fois modeste et assez large.
Ce rôle est
modeste, parce que l'artiste n'est au fond qu'un technicien avec
d'autres, qui concourt à cette harmonie et qui laisse à des spécia
listes de la pensée morale ou politique le soin de méditer sur
les valeurs éthiques ou sociales.
Un Racine n'aurait jamais eu l'idée
de consciUer sur la façon de régir l'État un Louis XIV et ce der
nier aurait été fort étonné d'entendre celui qui fut un moment
son historiographe sortir du rôle de panégyriste officiel qu'il
lui assignait.
Inversement Louis XIV aimait à dire aux artistes
ou aux écrivains avec qui il discutait : « Vous connaissez ces choses
-(les problèmes littéraires) mieux que moi.
»
3, L'artiste m'aître de danse.
En même temps un tel artiste a un rôle
plus large que ne pourrait le laisser croire cette spécialisation
où on l'enferme : il est essentiellement celui qui mène la grande
parade, une sorte de maître de ballet, de ce hàllet dont les époques
classiques aiment....
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