Synthèse littéraire «Je me suis nûs à traduire tous mes rêves, toutes mes émo tions, je me suis attendri à...
Extrait du document
«
Synthèse
littéraire
«Je me suis nûs à traduire tous mes rêves, toutes mes émo
tions, je me suis attendri à cet amour pour une étoile fugitive
qui m'abandonnait seul dans la nuit de ma destinée, j'ai pleuré,
j'ai frémi des vaines apparitions du sommeil.
Puis, un rayon
divin a lui dans mon enfer ; entouré de monstres contre les
quels je luttais obscurément, j'ai saisi le fil d'Ariane, et dès lors
toutes mes visions sont devenues célestes 1 .
»
VOYAGE INTÉRIEUR, VOYAGE INITIATIQUE
Aurélia ou le Rêve et la Vie; encore un sous-titre qui est un
quasi-anagramme significatif du titre.
Après le voyage au pays
de l'enfance et des ancêtres dans Sylvie, c'est surtout ici un
voyage dans les profondeurs intérieures qui va nous être relaté.
On l'a dit, Nerval a pu envisager de relier les deux nouvelles.
L'atmosphère de la rêverie marque d'ailleurs les premiers cha
pitres de Sylvie.
Et de fait, l'ouverture d'Aurélia peut être com
parée aux deux premiers paragraphes de Sylvie.
L'apparition
d'Aurélie sur la scène d'un théâtre est très proche des visions
que connaît le rêveur à son entrée dans l'univers onirique.
Nerval se propose donc d'explorer, dans Aurélia, un autre
versant de la réalité ; le schème vertical qui structure l'espace
onirique (soit que le héros descende ou monte) est le symbole
de l'accès à un état originaire.
(Il accèdera ainsi, dans les Mémo
rables, à l'innocence de la genèse.) Ces rêves sont polarisés sur
quelques obsessions premières: le double, les dilatations mor
phologiques, les visions cosmiques, la volonté de connaissance
syncrétique, et surtout la quête de l'archétype féminin qui
l.
Cf la préface des Filles dufeu.
marque l'univers de tout le récit.
Il y a en fait trois descentes
aux Enfers:.
la série des divisions I à VIII se termine par l'espoir
de revoir la bien-aimée.
Les divisions IX et X évoquent la reprise
des crises dix ans plus tard à la suite d'un accident, et se
concluent sur une nouvelle perte del' être aimé.
La Seconde partie s'achève sur le sentiment de la quête victorieuse de la Femme.
LA FEMME-GUIDE
Le fil directeur de cette exploration est bien la quête féminine.
L'amour terrestre condamne, mais on ne peut le renier; comme
Sylvi,e l'a montré, il est toujours double, complexe ; et il est vrai
qu'Aurélia commence encore par l'histoire d'un double amour,
avant de s'achever, après amplification, dans la révélation d'un
être féminin archétypal.
L'hésitation qui s'exprimait dansSylvw, où le héros se demandait « si c'était la même?» (chap.
m,
«Résolution»), semble devenir une certitude: « Je suis la même
que Marie, la même que ta mère, la même aussi que sous toutes
les formes tu as toujours aimée.» «Aurélie», en devenant «Aurélia», peut se modeler au gré de tous les avatars fémirrins; comme
l'actrice pouvait jouer tous les rôles ...
Mais pour en arriver
là, sans recourir à l'illusion théâtrale, il fallait que l'amour fût
purifié et permît alors à la femme de devenir une médiatrice et
non de demeurer une idole.
La question qui se pose au narrateur, est le problème du sens de l'existence et de ses valeurs.
Nerval est tenaillé par une angoisse métaphysique qui n'est que
le revers d'une angoisse morale (c'est la dialectique de la faute
et du pardon).
Ce qu'il demande à la Femme, c'est d'éclairer les
voies de son destin.
Ce qui explique que son syncrétisme religieux accorde une telle place aux personnages féminins.
La quête de la femme est celle d'un indispensable complément.
Après Sylvw, où Nerval montre qu'il est impossible de
ressaisir le passé perdu, c'est-à-dire la femme perdue, Aurélia
voudrait assurer la quête victorieuse de l'éternel féminin, c'està-dire fonder sur elle l'assurance d'un avenir éternel.
LA FOLIE: UNE « MALADIE»
OU UNE RAISON SUPÉRIEURE?
La postulation fantaamatique de ce récit ne doit pas faire
oublier qu'il est une protestation angoissée contre ce que
l'on a coutume d'appeler la maladie.
Nerval ne revendique
pas sa folie en tant que folie, il la valorise dans son rapport
irréductible à la raison.
Il y a une volonté de conquête cri
tique et lucide du songe.
Il refuse l'inconscient dès lors que
ce dernier n'est plus dominé par les repères de la conscience.
Il ne cesse jamais de vouloir captiver les visions nocturnes par
l'usage de la réflexion.
De ce fait, on peut remarquer que le
fantastique et l'illusion l'emportent dès que le dialogue cesse
d'être étroit entre le rêve et la vie.
Attentif à la nature exacte
du réel, Nerval ne peut se révolter profondément contre ses
déterminations, car il ne renie pas sa condition d'homme; et
d'ailleurs, il finit son récit sur une dénonciation des leurres de
l'illusion, même s'il n'a pas tu les débordements dont il fut le
sujet et s'il sut jouer/et se jouer par exemple d'une nouvelle
perception de l'espace, de la durée, dans le rêve (que l'on pense
à l'importance des variations d'ombre et de lumière).
Cette conscience aiguë du réel chez Nerval n'apparaît jamais
mieux que dans son indéfectible humour, souvent désabusé,
mais qui fait toujours merveille.
NERVAL: LE GRAND CONCILIATEUR?
On a donc à la fois affaire, avec Aurélia, à une chronique de
la folie, et à une (auto)biographie romancée qui tend bien sou
vent au poème en prose.
Nerval s'avance ici dans la voie de la
vie bien comprise, c'est-à-dire la vie recomposée; voie où
ne manquent jamais les menaces, les exaltations, les angoisses,
les espoirs, les recherches et les promesses.
La grandeur de cet
itinéraire est de chanter haut les vertus de la charité immédiate
et constructive, et de tenter de concilier les postulations et les
catégories les plus diverses : le passé, les générations, les peuples,
l'exigence du présent et de l'avenir, le Temps et l'espace.
Le
récit s'achève par cet hymne à la joie, ce chant du monde que
voudraient être les Mémorables...
Mais on ne peut ignorer le
suicide de son auteur quelques mois plus....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓