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Aux origines de la littérature espagnole on trouve, comme ailleurs en Europe, la chanson de geste (cantar de gesta) dont fa plus ancienne est celle du Cid,
héros de la lutte contre les musulmans (ci-dessous).
Plus évolué, plus raffiné, plus littéraire sera, deux siècles plus tard, le roman de chevalerie
(ci-dessus : miniature du Roman du chevalier Cifar, 1305).
861
MOYEN AGE ET RENAISSANCE
Des dialectes parlés dans la péninsule Ibérique avant
l'occupation romaine (dialectes préromans), il ne
reste que des toponymes (noms de lieux) et quelques
noms du vocabulaire usuel (vega = «plaine»;
manteca = «graisse» par exemple).
Le latin s'est
répandu à partir de l'arrivée des Romains (218 av.
J.-C.), comme il se répandra plus tard en Gaule; les
envahisseurs successifs de !'Ibérie (les Suèves,
les Alains et les Vandales en 409, les Goths en 414)
se sont laissé influencer par la langue et la culture
(supérieures) de leurs vaincus.
Les Arabes, par contre,
imposèrent leur civilisation à presque toute la pénin
sule à partir de 711.
Dans quelques régions monta
· gneuses isolées, où ils ne purent pas pénétrer, subsista
le latin vulgaire (dialectal) qui s'est transformé en
dialectes romans locaux qui émergent vers la fin du
VIII• siècle avec, d'ouest en est : le galicien, le dia
lecte du Le6n, le castillan, le navarrais, l'aragonais
et le catalan.
Lorsque, au XV• siècle, le Le6n et la
Castille fusionnent avec !'Aragon, le castillan devient
la langue officielle de toute l'Espagne, alors que le
galicien avait donné naissance au portugais.
A côté du castillan, langue officielle et littéraire, ont
subsisté de nombreux dialectes régionaux notam
ment ceux du Sud de la péninsule (extremeiio, an
dalou, murcien).
Dans le Nord-Est (Catalogne),
� le catalan (avec les variétés dialectales parlées aux
Baléares et dans la région de Valence) forme une
langue romane distincte, influencée par le provençal,
•
J
et possédant sa propre littérature (voir ci-des
sous, 861.2).
L'espagnol ou, comme on le dit plutôt outre-Atlan
tique, le castillan est la langue de toute l'Amérique
latine, à l'exception du Brésil où l'on parle le portugais.
Nous avons renoncé, dans ce chapitre, au mode
d'exposé utilisé jusqu'à présent pour les littératures
anglaise, allemande, française et italienne, c'est-à-dire
à la div�ion par grandes catégories littéraires (poésie,
théâtre, roman, etc.).
Il nous faut en effet étudier
simultanément ici trois littératures : la castillane
(espagnole proprement dite), la catalane et la portu:i; gaise.
Les panoramas parallèles que nous proposons
Cil permettront au lecteur de suivre dans son ensemble
d l'évolution littéraire de la péninsule ibérique.
r
general), couvrant l'histoire de l'Espagne depuis les
origines, la Grande Histoire générale (Grande e ge
neral Estoria), essai d'histoire universelle depuis la
création du monde; les Sept parties (Siete Partidas),
861.1 - LA LITTÉRATURE CASTILLANE
DES ORIGINES
AU RÈGNE DE JEAN Il.
livre juridique contenant un code civil et criminel.
On
doit aussi à Alphonse X l'établissement de tables
astronomiques {les Tables alphonsines) et des livres
Rappelons pour mémoire que les Espagnols ont
contribué à l'histoire de la littérature latine avec
Sénèque le Rhéteur, Sénèque le Philosophe, Lucain,
Martial et Quintilien (voir 871 ), tandis que les Juifs
et les Musulmans espagnols ont joué un rôle impor
tant dans l'histoire de la littérature arabe.
du savoir astronomique (libros del saber de astro
nomla).
En galicien, langue qui n'est utilisée alors
qu'en poésie, Alphonse X a écrit 420 poèmes en l'hon
neur de la Vierge (Cantigas de Santa Maria).
c) Le XIV• siècle.
A - Le Moyen Age.
C'est une période créatrice pour la littérature castil
lane, marquée par l'œuvre de deux personnalités de
premier plan - don Juan Manuel et Juan Ruiz -,
par l'apparition des premiers romans de chevalerie
et par le développement des tendances de la période
précédente {compilations historiques, traductions
d'œuvres orientales).
a) XI• et XII• siècle.
• le plus ancien texte de la littérature espagnole
est le Poème du Cid (Cantar de mio Cid), chanson de
geste (cantar de gesta; voir 842.1), de 3 730 vers,
composée vers 1140 et qui nous est parvenue dans un
manuscrit (imparfait) de 1307 publié lui-même en 1779.
Le Poème du Cid est un poème épique qui chante les
exploits du Castillan Rodrigo Diaz de Bivar, surnommé
le Sidi (Sayyid = Cid = « Seigneur ») par ses ennemis
arabes.
Le Cid vécut entre 1043 et 1099 et a été l'un
des artisans légendaires de la reconquête de l'Espagne
sur les Musulmans.
Il subsiste aussi quelques fragments, plus ou moins
longs, d'autres chansons de geste des XII• et XIII• siè
cles : la Geste des sept Infants de Lara (Gesta de los
siete Infantes de Lara), qui raconte le massacre de
sept frères par leur ennemi, le comte Ruy Velézquez
(épisode qui remonte peut-être au X• siècle); le Siège
de Zamora (Cerco de Zamora), relié aussi à l'histoire
du Cid; Bernardo del Carpio {héros national, adver
saire des Francs de Charlemagne).
• La prose castillane est née sous l'influence
arabe {Tolède centre de traduction des textes orien
taux).
Les premiers textes en prose furent d'abord
traduits en bas-latin (Disciplina clericalis par Pedro
Alfonso en 1120); premiers récits en prose castillane :
Cali/a et Dimna (1251) et le livre des sept sages
(libro de los engannos e assayamientos de las mujeres,
1253).
b) Le XIII• siècle.
• Le mester de clerecla.
Les XI• et XII• siècles
furent l'époque des jongleurs ambulants {juglares)
qui récitaient leurs chants en public.
A partir du
XIII• siècle apparaissent des poètes érudits, religieux
ou laïques, qui constituent une école de clercs appelée
mester de clerecla.
Cette école est influencée par la
tradition poétique française du temps {alexandrin
français, strophe de quatre vers monorimes).
Les
poètes du mester de clerecla traitent de sujets reli
gieux (vie des saints, invocations à la Vierge, etc.),
historiques, moraux ou didactiques.
le premier poète
castillan dont nous connaissons le nom appartient
précisément à cette école; il s'agit de Gonzalo de
Berceo, né à Berceo, petit village de la Rioja, mort
après 1264 (sans doute en 1268).
Il a écrit des Vies
de saints et des poèmes religieux {au total, quelque
13 000 vers).
A la même école appartiennent des romans « anti
ques » : Le Livre d'Alexandre (El libro de Alexandre;
vie d'Alexandre le Grand); le livre d'Apollonius (libro
de Apolonio; 2 642 vers, par un clerc aragonais, sur
Apollonius, roi de Tyr), refonte d'une légende, d'ins
piration épique orientale; le Poema de Fermfo Gon
çalez.
Toutes ces œuvres sont du XIII• siècle.
• Alphonse X le Sage, roi de Castille de 1252 à
1284, est le grand animateur du mouvement intel
lectuel espagnol à la fin du XIII• siècle.
A cette époque,
la Reconquête n'a laissé aux Musulmans que le
royaume de Grenade et les premières universités sont
déjà fondées (à Palencia, en 1208; à Salamanque
vers 1243).
C'est une période d'intense activité
culturelle et de brassage des cultures chrétienne,
arabe et juive {Averroès, le commentateur arabe
d'Aristote, est mort en 1198).
Alphonse X peut être considéré comme le père de
la prose castillane.
Il a imposé cette langue dans les
chancelleries (à la place du latin) et entrepris la publi
cation d'ouvrages juridiques et historiques très impor
tants : Première Chronique générale (Primera cr6nica
• Don Juan Manuel (vers 1282-1349), neveu
d'Alphonse le Sage, a écrit de nombreux ouvrages
didactiques sur des sujets divers dont Le Comte
lucanor (Conde Lucanor), son chef d'œuvre, le livre
.
des états (libro de los estados), etc.
.
� Juan Ruiz, archiprêtre de Hita (1290 ?-1350 ?) a
::: écrit un livre assez confus et très brillant : Le livre du
�bon amour (libro de buen amor, 1343), récit où des
réminiscences d'Ovide se mêlent à l'autobiographie
u et qui annonce le roman picaresque.
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• A partir de la fin du XIII• siècle, la matière de
�
ê3 Bretagne (voir 842.1) circule en Espagne et en 1305
apparait le premier roman de chevalerie en castillan :
le Chevalier Cifar {El caballero Cifar), attribué à
l'archidiacre Ferrant Martinaz.
C'est aussi à peu près
i
contemporains des héros
des chansons de geste
(miniature mozarabe du XI• s.).
Guerriers
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Miniature du livre des échecs, des dés et des dames, d'Alphonse X le Sage.
Alphonse X !e Sage (1221-1284)._ roi de Castille et du Le6n, empereur germanique (1267-1272),
fut un des prmœs les plus écla,res �e son époque : le mouvement intellectuel du XIII• siècle
espagnol est du en grande partie à son rayonnement personnel (voir texte ci-contre).
Moyen Age et Renaissance
à la même époque qu'est écrit le roman Amadis de
Gaule (1304-1312; voir ci-dessous, B, b).
Citons encore, au XIVe siècle, des œuvres morales
d'inspiration arabe ou juive, écrites en castillan comme
Le Poème de Yuçuf et les Proverbes moraux du
rabbin Sem Tob (vers 1355).
La dernière partie du
siècle est illustrée par le chancelier Pero L6pez de
Ayala (1332-1407), auteur d'une Chronique des
rois de Castille et de Rimado de Palacio, 8 200 vers
écrits en quatrains d'alexandrins monorimes (la
cuadrena via, «la quadruple voie»), à la manière du
mester de clerecla.
B - Le XVe siècle.
a) La Prérenaissance.
Le XV e siècle est marqué par le long règne de Jean Il
(1406-1454) et par l'influence de l'Italie (Alphonse V
conquiert le royaume de Naples en 1442) : Dante,
Pétrarque et Boccace sont traduits et copiés.
A Valence,
en 1474 selon la tradition, est imprimé le premier
livre espagnol (un recueil de poésie sacrée).
Le siècle
s'achève sur la fin de la Reconquête (prise de Grenade
en 1492) et le début de l'expansion espagnole en
Amérique.
On peut donc parler d'une Prérenaissance
qui prélude à la grande rénovation du XVI• siècle.
• La poésie lyrique nous parvient sous forme de
recueils, à la manière des recueils provençaux ou ita
liens, appelés des cancioneros («chansonniers»).
Les plus importants sont : celui établi vers 1445 par
Juan Alonso de Baena (576 poèmes écrits par
54 poètes) et celui de St(11iiga (fin XV• siècle).
• Dans le domaine de la prose, on voit apparaitre
les premiers comptes rendus de voyages et les pre
mières biographies.
• Les hommes et les œuvres.
Nous avons
rappelé dans le tableau qui suit, par ordre chronolo
gique de naissance.
les principaux noms de cette
période.
I.
- La potbie.
Don Enrique ARAGON, marquis de VILLENA (1384-1434).
Écrivain propagateur de la poésie des troubadours français;
traducteur de l'lnéide et de la Divine Comédie; auteur d'un Art
poétiq ue (Arte de trobar, 1433) et des Tn,vaux d'Hercule
(1417).
liiigo LOPEZ de MENDOZA, marquhl de SANTILLANA,
(1398-1468).
Originaire de Santillane; a écrit des poésies érudites pétrar
quistes et des œuvres plus simples comme les Proverbes
(1437) ou les Serranillas (1428-1440), chansons rustiques;
on lui doit aussi des essais de critique sur la littérature (les
premiers dans l"histoire de la littérature castillane).
Juan de MENA (1411-1466).
A écrit, en imitant Dante, Le Labyrinthe (El bbllflnto), et un
éloge de Santillana La Coronaci6n, Il est réputé pour ses
qualités de versificateur.
Jorge MANRIQUE (1440-1479).
- Stances sur la mort de son plJra (Copias por la muerte de
su padre).
Il.
- Voyages, biographies.
Ruy GONZÀLEZ de CLAVIJO (mort en 1412).
- Histoire du g rand Tamerlan (Historia del gran Temorlan),
sur un voyage à Samarkand (1403-1406).
PeroTAFUR (1410?-14847).
-Récits de voya ges en Europe et au Proche-Orient....
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