TEXTE Dégagez l'intérêt philosophique de ce texte à partir de son étude ordonnée : «Si la parole présupposait la pensée,...
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«
TEXTE
Dégagez l'intérêt philosophique de ce texte à partir de
son étude ordonnée :
«Si la parole présupposait la pensée, si parler c'était d'abord
se joindre à l'objet par une intention de connélcissance ou par
une représentation, on ne comprendrait pas pourquoi la
pensée tend vers l'expression comme -vers son achèvement,
pourquoi l'objet le plus familier nous parait indéterminé
tant que nous n'en avons pas retrouvé le nom, pourquoi le
sujet pensant lui-même est dans une sorte d'ignorance de
ses pensées tant qu'il ne les a pas formulées pour soi ou
même dites et écrites, comme le montre l'exemple de tant
d'écrivains qui commencent un livre sans savoir au juste ce
qu'ils y mettront.
Une pensée qui se contenterait d'exister
pour·soi, hors des gênes de la parole et de la communication,
aussitôt apparue tomberait à l'inconscience, ce qui revient
à dire qu'elle n'existerait pas même pour soi.
A la fameuse
guestion de Kant ( 1), nous pouvons répondre que c'est en
effet une expérience de penser, en ce sens que nous nous
donnons notre pensée par la parole intérieure ou extérieure.
Elle progresse bien dans l'instant et comme par fulgurations,
mais il nous reste ensuite à nous l'approprier et c'est par
l'expression qu'elle devient nôtre.
La dénomination des
objets ne vient pas après la reconnaissance, elle est la
reconnaissance même.»
MER LEAU-PONTY.
Approche du texte
A.
Le thème:
Il s'agit ici d'une analyse du rapport entre le langage et la
pensée.
B.
Question implicite à laquelle le texte répond :
Qu'est-ce que penser ? La pensée précède-t-elle ou non la
parole ? Existe-t-il une pensée en dehors du langage ?
(1) Qu'est-ce que penser ?
C.
Réponse à la question :
a) Idée générale :
Selon Merleau-Ponty, il existe une interdépendance entre la
parole et la pensée, la pensée se forme par le langage, elle
n'est qu'un langage intérieur ou extérieur.
b) Structure Io1!ique du texte :
«La pensée tend vers l'expression comme vers son achève
ment», une pensée non formulée n'est qu'une nébuleuse.
- C'est pourquoi la pensée n'existe pas en dehors du langage,
elle se forme et progresse par le langage ..
Analyse du texte
A, Explication commentée :
1.
-·a) ··1nr.Si la parole présupposait la pensée, si parler c'était
d'abord)ejoindre...
par une représentation» :Par ces suppo, �itionil(«si») Merleau - Pon�y envisage l'hypothèse d'une
pensée qui précéderait la parole, cet acte individuel,
momentané 'par lequel un sujet rompt le silence pour
communiquer sa pensée, ses idées.
Selon Platon par
exemple, le langage est une création humaine qui découle
de l'esssence des choses qu'elle représente : le nom est
révélateur de l'essence des choses car il leur ressemble.
Ainsi,
l'idée (le signifié) existe avani le signifiant.
Créer des mots,
c'est trouver une enveloppe sonore pour une idée déjà là :
« ...
Faire connaître clairement sa propre pensée par expres
sion vocale articulée en verbes et en noms ; ainsi qu'en un
miroir ou dans l'eau, amener son opinion à se réfléchir dans
le courant de l'émission vocale, ne te semble-t-il pas que ce
soit là un discours ?» (Platon, Théétète 206 d).
2.
Comment comprendre alors que «la pensée tend vers
l'expression comme vers son achèvement» ? On constate
souvent que l'effort que l'on fournit pour trouver une idée
s'accompagne normalement de l'effort pour nous l'exprimer
à nous-même.
Il est aisé de constater que nos pensées ·
restent indécises et instables si npus ne les vérifions pas en
introduisant le langage (ex.
: une formule incomplète que
nous notons rapidement dans la crainte d'oublier l'idée
ne garde pas longtemps le dépôt qui lui es,t confié).
De
même, «l'objet le plus familier no.us paraît indéterminé
tant que nous n'en avons pas retrouvé le nom», identifier
un objet c'est savoir le nommer, c'est-à-dire le faire entrer
dans une catégorie (cf.
la nouvelle de J.
Perret Le Machin)
déjà connue.
Le mot en effet n'est pas le substitut de la
chose, il est un symbole, un révélateur.
C'est dans le mot
que naît la chose, «la dénomination des objets ne vient pas
après la reconnaissance, elle est la reconnaissance même»
(cf.
le cas d'Hellen Keller, la petite aveugle muette et sourde
qui con;iprit ce qu'était le langage «non quand elle associa
un signal et un résultat, mais quand elle associa un nom et
un être», ·R.
Ruyer).
Les écrivains connaissent bien éga
lement le rôle de l'expression écrite : quand il s'agit de
composer un livre, souvent ils «le commencent sans savoir
au juste ce qu'ils y mettront».
L'ordre de composition n'est
vraiment vu que s'il est fixé dans un langage, et il semble de
plus que c'est au fur et à mesure qu'ils écrivent que les idées
surgissent et se précisent, le langage provoque alors la
pensée.
Nous pouvons ajouter que nous bégayons longuement nos
pen'lées avant de trouver le mot propre,et la compréhension
succède à l'énoncé verbal : l'expression nous aide à mieux
comprendre l'idée floue et le mot est ce qui achève l'idée,
lui donne existence et clarté.
b) 1.
Merleau-Ponty précise cependant «hors des gênes de la
parole et de la communication».
En effet, la pensée peut
être gênée par le langage, par l'expression qui exige que l'on
trouve le mot adéquat à l'idée ; nous cherchons souvent nos
mots et parfois nous ne parvenons pas à trouver une forme
verbale rendant vraiment notre pensée ; il faut aussi choisir
entre plusieurs expressions verbales différentes.
Ces efforts
peuvent paraître pénibles voire inutiles puisque nous
croyons posséder une idée claire en nous-même.
D'autant
plus que nous risquons souvent les malentendus : les mêmes
paroles sont différentes et changent de sens en entrant dans
l'oreille du partenaire.
Tout ceci nous conduirait à préférer
le silence ou un autre moyen de communication (gestes,
mimes, etc.).
Enfin, il nous semble souvent que «nous avons
plus d'idées que-de mo-ts» ...
(Dfüerot), .
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éoinmi.mication· sont des·erttraves à là rièhes·se ·ae la-pensee
et ·que èellé-d perd être exprimée et devient alors squelet�--tique.
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Mais «une pensée qui se contenterait d'exister pour soi...
aussitôt apparue tomberait à l'inconscience...
elle n'existerait
pas même pour soi».
Hors de l'expression la pensée n'est
qu'une nébuleuse, toujours fuyante, mouvante, aventureuse,
ne s'arrêtant à rien de particulier ni à aucun contenu précis.
La parole l'oblige donc en la forçant à s'exprimer, à
s'incarner, à se délimiter, à se clarifier, en un mot, à exister.
2.
Qu'est-ce que penser ? «C'est une expérience de penser.»
Le terme d'«expérience» a une valeur appréciative, car nous
éprouvons la pensée comme un phénomène qui nous
enrichit et le langage comme enrichissant la pensée.
«Nous
· nous donnons notre pensée par la parole intérieu,re ou
extérieure», plus nous parlons plus nous pensons et réci
,proquement, et plus nous progressons mentalement.
La
pensée n'existe pas hors du monde et hors des mots.
Ce qui
nous trompe là-dessus et nous fait croire à une pensée qui
existerait avant l'expression, -c;e sont les pensées déjà
constituées et déjà exprimées que nous pouvons rappeler
à nous silencieusement et par lesquelles nous nous donnons
l'illusion d'une vie....
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