Thaïlande (1992-1993): Un pas vers la démocratie L'intervention de l'armée dans la vie politique en 1991-1992 aura-t-elle été la dernière?...
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Thaïlande (1992-1993): Un pas vers la démocratie
L'intervention de l'armée dans la vie politique en 1991-1992 aura-t-elle été la
dernière? Les militaires ont joué un rôle central dans ce pays depuis le coup
d'État de 1932 qui mit fin à la monarchie absolue, mais l'appétit de pouvoir, la
maladresse et, pour finir, la brutalité du général Suchinda Krapayoon et de sa
fameuse cinquième promotion de l'Académie militaire ont peut-être "échaudé" les
Thaïlandais, et dégrisé l'élite prétorienne.
Mais l'insouciance et la corruption
si traditionnelles chez les hommes politiques sont apparues aussi pouvoir
reprendre le dessus, et compromettre la tentative démocratique la plus sérieuse
qu'ait connue la Thaïlande.
L'honnête et compétent technocrate Anand Panyarachun, que la junte avait mis à
la tête du gouvernement en 1991 pour atténuer le stigmate de dictature militaire
que portait le régime, a assuré à nouveau l'intérim après les émeutes du 17 au
21 mai 1992, qui avaient abouti à la démission, en juin, du général Suchinda (et
avaient fait, officiellement, 52 morts), mais dans le camp opposé à celui de ses
mentors de la veille.
Favori du Palais et du puissant conseiller royal, l'ancien
Premier ministre Prem Tinsulanond, il a pu entreprendre le démantèlement partiel - de l'appareil de pouvoir des militaires: déplacement vers des postes
marginaux des principaux putschistes, nomination à leur place d'officiers au
profil plus professionnel, éviction de l'armée de l'air de la direction de la
compagnie privée Thaï Airways, remise en cause de la domination des militaires
sur les chaînes de télévision.
Il a également réussi à assurer, le 13 septembre
1992, la tenue des élections législatives les plus honnêtes de mémoire de
Thaïlandais - ce qui n'a pas empêché, surtout dans les provinces pauvres,
l'usuel déploiement du clientélisme et de la corruption.
Ceux qui étaient (relativement) le moins marqués par ces pratiques, ces "anges"
(suivant l'expression de la presse de Bangkok) qui étaient descendus dans la rue
en mai, l'ont emporté d'une courte tête (185 sièges sur 360) sur les "démons",
proches des militaires, des partis Chat Thaï (Parti de la nation thaïe) et Chat
Pattana (Parti du développement national).
Dans la coalition victorieuse, le
Parti des aspirations nouvelles du général populiste Chaovalit Yongchaiyut a
régressé, passant de 72 à 51 sièges; le Palang Dharma (Parti de la force
religieuse) de l'ancien gouverneur de Bangkok, l'austère bouddhiste Chamlong
Srimuang (qui avait conduit la révolte de mai 1992) n'a gagné que 6 sièges,
passant de 41 à 47 députés et perdu plusieurs circonscriptions de la capitale au
profit des grands vainqueurs, le Parti démocrate (Prachatipat), plus ancien et
seul vrai parti du pays, qui a fait un pas de géant (44 à 79 députés).
Son
dirigeant, l'honnête mais assez effacé Chuan Leekpai, pouvait donc réclamer la
tête du gouvernement.
La formation de celui-ci a été laborieuse: il fallait
satisfaire aux appétits des quatre partis "anges", rejoints, pour consolider la
majorité, par un petit "démon", le Parti de l'action sociale (22 sièges).
Il
fallait aussi achever de rassurer des investisseurs effarouchés par les émeutes
de mai 1992.
Aussi a-t-on accordé des ministères économiques à trois banquiers.
Enfin, il convenait de tranquilliser l'armée: le général Vichit Sukmark reçut la
Défense.
La continuité, sagesse ou imprudence?
Il est apparu difficile, dans ces conditions, de se lancer dans un réformisme
hardi.
A vrai dire, personne n'y a vraiment pensé: il n'y a jamais eu de gauche
parlementaire active en Thaïlande, et les bornes du consensus (monarchie,
anticommunisme, pro-américanisme, bouddhisme, libéralisme économique) ont semblé
trop étroites pour permettre autre chose qu'une continuité essentielle au niveau
des principes, l'enjeu restant la façon de les appliquer.
De ce point de vue, le
programme de Chuan n'a pas manqué d'intérêt: réduction et réforme de l'armée;
élection des administrations locales; développement volontariste des zones
rurales (construction d'infrastructures, réforme agraire, déconcentration
administrative, décentralisation industrielle), aux dépens du monstre bangkokois
(7 millions d'habitants), lui-même croulant sous son propre poids.
L'Eastern
Seabord, vaste zone industrielle et portuaire à une centaine de kilomètres au
sud-est de la capitale, a été présentée comme l'exemple à suivre -, il s'agit
pourtant d'une façade maritime tournée vers l'outre-mer, vivifiée par les
gisements de gaz off-shore, à la limite de la grande banlieue de Bangkok, le
Nord-Est misérable (avec un revenu par tête huit fois inférieur à celui de la
capitale), sous-alimenté, enclavé, peut difficilement s'en....
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