Tirade d,Hippolyte Vous voyez devant vous un prince déplorable, 530 D'un téméraire orgueil exemple mémorable. Moi qui contre l'amour fièrement...
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Tirade d,Hippolyte
Vous voyez devant vous un prince déplorable,
530 D'un téméraire orgueil exemple mémorable.
Moi qui contre l'amour fièrement révolté,
Aux fers de ses captifs ai longtemps insulté;
Qui des faibles mortels déplorant les naufrages,
Pensais toujours du bord contempler les orages ;
535 Asservi maintenant sous la commune loi,
Par quel trouble me vois-je emporté loin de moi ?
Un moment a vaincu mon audace imprudente :
Cette âme si superbe est enfin dépendante.
Depuis près de six mois, honteux, désespéré,
540 Portant partout le trait dont je suis déchiré,
Contre vous, contre moi, vainement je m'éprouve:
Présente, je vous fuis; absente, je vous trouve;
Dans le fond des forêts votre image me suit;
La lumière du jour, les ombres de la nuit,
545 Tout retrace à mes yeux les charmes que j'évite;
Tout vous livre à l'envi le rebelle Hippolyte.
Phèdre II, 2.
v.529-546
------QUESTIONS-----1 - Relevez trois antithèses et commentez-les brièvement.
Le vers 538, ("Cette âme si superbeCû est enfin dépendante"), le
vers 542, "Présente je vous fuis, absente je vous trouve", et le 544 ("La
lumière du jour, les ombres de la nuit") sont fondés sur des antithèses
qui épousent ~l'architecture de l'alexandrin, ch~que terme trouvant
place dans un hémistiche.
Cette figure de style est particulièrement
appropriée pour l'évocation d'un personnage proprement déchiré.
2- Observez et commentez brièvement l'emploi des temps.
Le présent est le temps le plus employé ici mais il entre en
opposition avec trois verbes au passé : l'imparfait "Pensais" du vers
534 dont la valeur durative est soulignée par l'adverbe "toujours", et
les deux passés composés des vers 532 et 537 ; le premier, associé à
"longtemps", a une valeur très proche de l'imparfait, (c'est la durée),
le second, "a vatncu", insiste au contraire sur le résultat définitif, soudain et irrémédiable de la rencontre amoureuse.
L'opposition présent
passé joue son rôle dans le climat particulier de ce passage marqué
précisément par l'antithèse entre un hier et un aujourd'hui.
3 - Dans le vers 529, l'expression "un prince déplorable" vous
paraît-elle mériter un commentaire ?
L'expression "prince déplorable" mérite un commentaire dans la
mesure où s'y trouvent associés deux termes de sens opposé; il s'agit
d'une-alliance de mots (ou oxymore).
- - - - COMMENTAIRE COMPOSÉ _ _ __
Introduction
(1) - Orgueilleuse.
Alors que Thésée est réputé mort, la passion fait
rage dans sa résidence de Trézène, lieu où se déroule Phèdre, tragédie composée par Racine en 1677.
La femme du roi se meurt d'amour pour son beau-fils,
- présentation
du texte
- annonce
du plan
I - Hippolyte
consterné et
mortifié
1- amour=
désastre
2-unhéros
coupable
etho~teux
3-le jeu des
oppositions
"l'indomptable Hippolyte".
Ce dernier, pourtant
dédaigneux d'AphroditeCZ), s'apprête à fuir Trézène,
mortifié par la blessure amoureuse qu'il a reçue
d'Aricie, jeune prisonnière de Thésée.
Avant son
départ, il lui offre le trône d'Athènes; mais Aricie,
dans cette scène 2 de l'acte II, l'a subtilement conduit
à se déclarer.
Dans les dix-sept vers qui nous intéressent, ce rebelle lui avoue donc avec honte et consternation la dépendance dans laquelle il est tombé.
Ce
faisant, il rend hommage à la puissance de l'amour
incarnée par Aride.
Son réquisitoire contre lui même évolue donc, au
fil du texte, pour prendre la forme d'une déclaration
lyrique à la femme aimée.
Qu'Hippolyte soit en rébellion contre l'amour, il
suffit d'examiner le lexique, qui appelle les images
de la tempête, de l'esclavage et de la blessure, pour
s'en convaincre~ de la citation presque textuelle d'un
vers de Lucrèce - contempteur des passions ("Pensais toujours du bord contempler les orages"), à
l'image du chasseur chassé ("Portant partout le trait
dont je suis déchiré"), les termes métaphoriques
abondent pour présenter l'amour comme une catastrophe : c'est un "naufrage", on en est "asservi", il
met ses "captifs" aux "fers" et rend leur âme "dépendante", c'est un "trouble" par lequel on est "emporté"
(v.
532 à 536).
Ce refus d'aimer conduit naturellement le héros à
se considérer comme un être déchu ; là encore, le
lexique est éloquent : Hippolyte se dit en effet "honteux" et "désespéré" de se trouver désormais "sous la
commune loi"; et les termes qui lui viennent d'abord
sont ceux d'un coupable qui comparaît : "Vous voyez
devant vous ...
"
Cet orgueil blessé inspire d'ailleurs à Hippolyte
une sorte d'ironie amère: il manie en effet abondam-
(2) - Hippolyte dédaigne en effet la déesse de l'amour au profit d'Artémis déesse de la chasse.
ment l'opposition qui lui permet à la fois de plaider
non coupable et de mesurer, navré, le chemin parcou- opposition de ru en "un moment".
Ces oppositions s'inscrivent parfaitermes
tement dans la structure de l'alexandrin car les hémistiches contiennent, au temps fort, des termes contraires
qui se répondent: il en est ainsi de "captif'' et "insulté"
(vers 532), "superbe" et "dépendante" (vers 538),
"moment" et "audace" (vers 537).
L'opposition joue
même parfois à l'intérieur de l'hémistiche: ainsi en estil de "prince déplorable"C3), "Un moment a vaincu",
"Contre vous, contre moi" (vers 529, 537, 541).
Mais l'opposition dominante s'établit entre le passé
glorieux
et le présent honteux : au passé composé
- jeu des temps
et à l'imparfait qui président jusqu'au vers 534,
répond en effet le présent dans le reste du texte, tandis que "longtemps" est opposé à "maintenant".
Certaines expressions d'Hippolyte, enfin, portent
incontestablement le témoignage d'un dédoublement ; une expression....
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