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Tout est bloqué, tout est inhibé, quand je vois projeter un film, de mes mécanismes d'admission et d'assimilation, d'autorégulation mentale...

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« Tout est bloqué, tout est inhibé, quand je vois projeter un film, de mes mécanismes d'admission et d'assimilation, d'autorégulation mentale et affective: ma passivité atteint son maximum.

Ni du détail infime de la plus fugitive image il ne me sera fait grâce, ni d'un quelconque raccourci, fût-il de quelques secondes, dans le rythme selon lequel le film m'est administré. Pour mesurer le total refus de collaboration qui m'est signifié quand j'entre dans une salle obscure, il faudrait imaginer en musique (et la musique est de loin l'art où la passivité requise de l'auditeur atteint son comble) une œuvre qu'on ne pourrait entendre que dans un enregistrement unique. Cette liberté, ·si essentielle pour faire vivre la relation de l'amateur à l'œuvre d'art : la liberté de choisir, puis de faire varier à volonté l'angle d'attaque d'une œuvre sur une sensibilité, le septième art, le dernier venu, n'en laisse plus rien survivre.

Tous les appareils délicatement actifs et réglables, par lesquels j'ai coutume d'appréhender le monde extérieur, le film, d'autorité; les met au « point fixe», immobilisant mon œil comme le pavillon de mon oreille, me bloquant dans mon fauteuil : le spectateur des salles obscures est un homme amputé de tous ses mécanismes physiques et mentaux d'accommodation.

Il y a dans l'intimation 1 que le cinéma adresse à ses adeptes : : les années qui passent n'apportent pas de nouveaux points de vue sur lui, n'amènent pas au jour des virtuali­ tés inaperçues ; elles le démodent; ce à quoi une cinémathèque ressemble le plus, c'est certes par un côté à une bibliothèque, mais par un autre aussi à un musée de l'automobile.

Dans un tel musée, on admire çà et là de mer­ veilleux modèles, dont les formés et les trouvailles techniques semblent même parfois enjamber les années et pressentir l'avenir, mais l'admiration qu'on leur accorde reste serve 2 de la chronologie : ce qui est venu ensuite, 1.

Intimation ; la sommation, l'ordre légal. 2.

Serve : féminin de serf (pris comme adjectif! : soumise à. mêf(le moins réussi, les d�classe formellement; s'installer à leur volant ne peut relever que du travestissement et de la parodie : tout en eux ressus­ cite autour d'eux agressivement leur époque en tant qu'elle est différente de la nôtre et à jamais datée, alors que le lecteur d'un roman de qualité gomme automatiquement par sa lecture de tels anachronismes.

On peut certes admirer en 1977 (et j'admire, ô combien 1 ) le « Cuirassé Potemkine», « Nosferatu» ou« La rue sans joie>> - nul ne peut nier que le charme- puissant - qu'ils dispensent a quelque chose de celui d'un petit monde d'autrefois et de ses robes surannées.

l'liul ne peut se vanter d'avoir à eux aujourd'hui le même accès de plain-pied qui nous est accordé chaque fois que nous rouvrons un des grands romans du siècle dernier.

Et qu'on retrouve même dans un musée de peinture en face d'un primitif. Julien Gracq, En lisant, en écrivant (1981). Rédigez de ce texte, soit un résumé qui respecte l'ordre des idées telles qu'elles sont présentées, soit une analyse qui regroupe les idées essentiel­ les. Vous dégagerez ensuite un problème auquel vous attachez un intérêt particulier, vous en préciserez les données et vous exposerez, en les justi­ fiant, vos propres vues sur la question. Corrigé REMARQUE Texte extrêmement riche.

Il est préférable de choisir l'analyse qui mettra en relief les idées-forces, la structure logique, sans tenir compte des effets de style (ici, comparaisons avec les autres arts, avec l'automobile). ANALYSE Julien Gracq analyse ses réactions de consommateur face à cette œuvre d'art particulière qu'est le film. Il fait grief au cinéma de la passivité à laquelle, durant la projection, il contraint le spectateur enchaîné au rythme et au contenu des images qui défilent devant lui.

Il lui est impossible de choisir son angle de vision.

Or cette liberté constitue le nœud de la relation entre une sensibilité et une œuvre d'art.

De plus, le cinéma, par sa facilité d'accès, frustre le public de toute participation créatrice. Pour observer l'action du temps sur le film, Julien Gracq le confronte avec la Httérature dont l'accès est moins immédiat.

Mais le temps travaille pour elle en renouvelant l'approche des œuvres,.... »

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