Tragédie et fatalité 1 - UN COUPLE DE MOTS • «Fatalité» Le fatum latin, c'est d'abord la parole (étymologiquement le...
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«
Tragédie
et fatalité
1 - UN COUPLE DE MOTS
• «Fatalité»
Le fatum latin, c'est d'abord la parole (étymologiquement le mot
est à 'rattacher à un verbe qui signifie «dire»), la prédiction
divine, et, dans nombre de tragédies comme Œdipe, un oracle
non seulement transmet la volonté des dieux, mais aussi prédit,
fixe à l'avance la vie des hommes; c'est ensuite et surtout le
«destin», et spécialement un «destin funeste», un déroulement
prédéterminé de maux et de malheurs.
Dans le terme de «fata
lité» sont indissolublement liées les notions de nécessité, d'iné
luctable, d'implacable, de surnaturel, de volonté et de finalité
supérieures et extérieures à l'être humain.
Des dieux -Aphrodite dans !'Hippolyte d'Euripide, Dionysos dans
ses Bacchantes (voir p.
67), Vénus dans la Phèdre de Racine...
-,
des forces obscures et le plus souvent maléfiques, des puis
sances imaginaires, personnifiées ou plutôt divinisées par les
Grecs et les Romains - telle la «Fortune» - sont supposés fixer
le cours des vies terrestres, et le langage courant parle volon
tiers des «cruautés», des «caprices», des «attaques» du «sort»,
du «mauvais sort» plus que d'un «heureux sort».
Le Dieujudéo
chrétien de la Bible, dans les tragédies bibliques ou chrétiennes,
comme le Potyeucte de Corneille, ou !'Athalie racinienne, paraît
lui aussi gouverner !'Histoire, la cité humaine, qu'il soit le Dieu
de colère et de vengeance de l'Ancien Testament ou le Dieu
d'amour et de pardon du Nouveau, Providence ou...
fatalité!
• La fatalité tragique
Quand on ouvre un dictionnaire, le tragique est associé d'em
blée à la notion de fatalité:
« Ce qui est propre à la tragédie; c'est-à-dire évoque une situa
tion où l'homme prend douloureusement conscience d'un des
tin ou d'une fatalité qui pèse sur sa vie, sa nature ou sa
condition même.
»
Le Robert.
Dans cette optique, le tragique postule ce que les philosophes
appellent une «transcendance»: une réalité, une présence, une
volonté supérieure, qui paraît d'un autre ordre que l'humain, sur
plombe pour ainsi dire et dirige le monde terrestre.
Là est la différence entre d'une part le tragique et le « pathé
tique», à savoir ce qui évoque essentiellement l'homme souf
frant, et suscite de violentes émotions comme la terreur et la
pitié, d'autre part le tragique et le «dramatique», qui évoque,
quant à lui, l'homme luttant, agissant:
« Dans le dramatique on combat le malheur avec quelque
espoir, dans le tragique on sera fatalement écrasé, mais on
lutte quand même; dans le pathétique on est d'emblée asservi
au malheur.
»
Étienne Souriau, Vocabulaire d'esthétique.
Voilà la palette des couleurs tragiques! Et de nombreuses
combinaisons ou variations sont possibles.
Les tragédies de
Corneille inclinent vers le dramatique plutôt que le tragique:
l'opposition des forces y a un caractère dynamique, les person
nages ne se bornent pas à éprouver ou subir; ils agissent, l'es
poir leur est permis, une fin heureuse est possible, effective
souvent.
Les tragédies de Racine se situent dans la sphère du
tragique: même s'ils luttent, les personnages ne peuvent rien
contre une écrasante fatalité qui les broie inéluctablement.
Le tragique et le dramatique ont pour dénominateur commun le
pathétique; le dramatique et le pathétique peuvent refuser le tra
gique, qui ne vient pas toujours les couronner ou, pour mieux dire,
leur conférer une dimension métaphysique.
À l'intérieur d'une
même pièce tel personnage, telle situation relèveront du tragique
pur, et d'autres non: dans Horace (voir p.
60), la malheureuse
Camille, tuée par son amour et ·par la main de son frère, peut
sembler plus authentiquement tragique que le farouche héros
cornélien.
2 - QUELLE FATALITÉ?
• Les jeux des dieux
Dans nombre de tragédies l'action tout entière semble le reflet, la
manifestation d'un dessein divin, et les hommes n'y sont guère
que les....
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