Tragédie et fatalité L'une des plus anciennes définitions du tragique réside dans l'existence d'une fatalité. Un fatum1 - en latin...
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Tragédie et fatalité
L'une des plus anciennes définitions du tragique réside dans
l'existence d'une fatalité.
Un fatum1 - en latin « ce qui est dit» - s'ac
complit inexorablement.
Devient alors tragique ce qui est déterminé
à l'avance, donc inévitable.
Le héros prend conscience que, quoi
qu'il fasse, une force supérieure l'accable et le mène inéluctablement
à sa perte.
Selon les époques et les auteurs, cette force a pour nom les dieux,
l'hérédité, !'Histoire ou les passions.
Aucune de ces formes particu
lières de la fatalité n'est exclusive d'une autre.
Une même tragédie
peut en combiner plusieurs.
LA MALÉDICTION DES DIEUX
Les tragédies grecques identifient souvent la fatalité à une malé
diction divine.
Œdipe Roi, de Sophocle, en est l'exemple le plus frap
pant.
Un oracle d'Apollon condamne Œdipe à tuer son père et à
épouser sa mère.
Aucune précaution ne l'empêchera de devenir
effectivement parricide et incestueux.
Coupable d'appartenir à une
famille sur laquelle la colère divine s'abat de génération en généra
tion2, Œdipe ne peut échapper à son destin.
Au xvue siècle, Racine, qui emprunte la plupart de ses sujets à
la mythologie grecque, recourt fréquemment au même ressort.
1.
Le terme fatalité provient du mot latin fatum, qui est la forme d"un verbe signifiant
« parler ».
À la source de la fatalité est donc une parole, le plus souvent prononcée par
un dieu.
2.
Œdipe est un descendant d'Atrée, qui fit manger et boire à son frère la chair et le sang
de ses enfants.
Depuis, les dieux poursuivent de leur vengeance toute la race des
Atrides (voir plus haut, p.
16).
Poursuivant Phèdre d'une haine implacable, Vénus inspire à l'héroïne
une passion mortelle pour son beau-fils Hippolyte.
Phèdre ne peut
résister à cet amour, malgré la honte qu'il lui inspire :
C'est Vénus tout entière à sa proie attachée [ ...
]
(Phèdre, I, 3, v.
306),
dit-elle d'elle-même.
Elle se suicidera.
L'INFLUENCE DE L'HÉRÉDITÉ
Parfois, la fatalité revêt la forme, déjà plus moderne, de l'hérédité.
«
Monstre naissant », Néron porte dans son « sang
»
la cruauté et
la folie criminelle de ses ancêtres.
Sa mère Agrippine décèle en lui
Des fiers3 Domitius l'humeur triste et sauvage ;
Il mêle avec l'orgueil qu'il a pris dans leur sang
La fierté des Nérons qu'il puisa dans mon flanc.
(Racine, Britannicus, I, 1, v.
36-38.)
Néron fera emprisonner son frère Britannicus et, plus tard, assassiner sa mère.
Le drame moderne présente de multiples variations sur le thème
de l'hérédité.
Dans le face-à-face mortel qui le dresse contre sa
1Jièce, Créon découvre dans Antigone, imaginée par Anouilh,
gueil d'Œdipe4
«
l'or-
».
LE POIDS DE L'HISTOIRE
Point n'est toujours besoin de puissance divine ou d'atavisme redoutable.
Le poids de !'Histoire peut se révéler aussi écrasant et implacable.
Après la prise de leur ville par les Grecs, les Troyennes d'Euripide
gémissent en captivités.
Chez Racine, dans Andromaque, l'héroïne
rappelle à sa confidente comment elle vit Pyrrhus mener l'assaut
contre Troie :
3.
Ici, fier a son sens originel, latin, de « cruauté farouche
».
4.
Anouilh, Antigone, 1944.....
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