Tragédie et liberté 1 - L'AUTRE PÔLE DU TRAGIQUE • Action et liberté «Rien de ce qui arrive n'arrive sans...
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«
Tragédie
et liberté
1 - L'AUTRE PÔLE DU TRAGIQUE
• Action et liberté
«Rien de ce qui arrive n'arrive sans le vouloir d'un dieu; mais
rien de ce qui arrive n'arrive sans que l'homme y participe et y
soit engagé: le divin et l'humain se combinent, se recouvrent.
»
Jacqueline de Romilly.
Pour les anciens Grecs une double causalité était à l'origine de
tout événement tragique: d'un côté le Destin, la volonté des
dieux, de l'autre les actes des hommes, leur liberté agissante.
C'est pour cette raison qu'ils inventèrent la tragédie, dont il ne
faut pas oublier qu'en tant que genre, elle est •drame", c'est-à
dire «action", celle des hommes, des personnages ou plutôt
des •héros", comme celle des dieux.
Fatalité et liberté, tels sont les deux pôles entre lesquels jaillit
l'électricité du tragique.
Certes telle tragédie mettra plutôt l'ac
cent sur la misère de l'homme, écrasé par le destin, telle autre au
contraire sur sa grandeur, quand il défie le destin.
Peuvent l'em
porter l'abdication, la résignation devant le malheur, voire une
sorte de satisfaction masochiste, de joie désespérée, comme en
témoigne le cri célèbre d'Oreste à la fin d'Andromaque:
« Grâce aux dieux! Mon malheur passe mon espérance!
Oui, je te loue, ô ciel, de ta persévérance!
Appliqué sans relâche au soin de me punir...
»
Et de nombreux héros tragiques paraissent se complaire dans
l'abîme où les précipite la fatalité.
Mais l'histoire du genre montre qu'on est passé, chez les drama
turges grecs, de pièces pathétiques où l'on ne fait guère - ainsi
le chœur omniprésent dans Les Perses d'Eschyle - que déplorer
passivement les coups du sort, à des pièces de plus en plus dra
matiques, dynamiques, accordant de plus en plus d'importance
aux «acteurs», aux comportements humains, à l'initiative, à la
volonté, à la liberté des héros.
Quant au théâtre classique, qui
est un théâtre d'intrigue, il repose avant tout sur la progression
d'une action, et s'il se plaît à analyser les passions, c'est que
celles-ci, plus qu'une lointaine fatalité, sont les principaux
moteurs du drame.
• La légende de Prométhée
Ce Titan, «cousin• de Zeus, passait non seulement pour avoir
créé les premiers hommes - et l'être humain surgit dans !'His
toire, concurrent en puissance des dieux - mais aussi pour avoir
été leur bienfaiteur en leur offrant le feu, fondement de toute
civilisation humaine, qu'il avait dérobé aux dieux, lesquels
entendaient le garder pour eux seuls.
Zeus punit l'audacieux en
l'enchaînant au sommet du Caucase, et en lui envoyant un aigle
pour lui dévorer le foie, celui-ci toujours renaissant, siège d'une
cruelle et permanente souffrance.
Prométhée sera délivré par
Héraclès, et, pardonné par le roi des dieux, deviendra un immor
tel à part entière.
Tout héros tragique a une dimension prométhéenne, en ce qu'il
se pose en rival des dieux, qu'il ose défier et combattre, en ce
qu'il se refuse à seulement subir et choisit d'agir, en ce qu'il
trouve sa grandeur suprême, son immortalité à lui dans les
épreuves du malheur et de la mort.
Même Œdipe se débat, lutte
et agit; il ordonne et conduit en personne l'enquête qui lui fera
découvrir l'horrible vérité, et œuvre ainsi, autant que la fatalité,
à son funeste destin.
Les héros de Sophocle et de Corneille
sont des êtres d'exception qui surmontent les attaques du sort
par leur énergie et l'élan indomptable qui les empor te à la
pointe extrême d'eux-mêmes et de leurs possibilités.
« Toute tragédie traduit et raffermit l'aspiration de l'homme à
se dépasser dans un acte de courage inoui; à prendre une nou
velle mesure de sa grandeur face aux obstacles, face à l'in
connu qu'il rencontre dans le monde et dans la société de son
temps.
»
André Bonnard.
2 - LE BALANCIER TRAGIQUE:
FATALITÉ ET LIBERTÉ
• La faute tragique
La tragédie est-elle liée à la fatalité?....
»
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