« TROUVER UNE FORME D'ASSOCIATION QUI DÉFENDE ET PROTÈGE DE TOUTE LA ·FORCE COMMUNE LA PERSONNE ET LES BIENS DE...
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«
« TROUVER UNE FORME D'ASSOCIATION
QUI DÉFENDE ET PROTÈGE DE TOUTE LA
·FORCE COMMUNE LA PERSONNE ET LES
BIENS DE CHAQUE ASSOCIÉ, ET PAR
LAQUELLE CHACUN S'UNISSANT À TOUS
N'OBÉISSE POURTANT QU'À LUI-MÊME ET
RESTE AUSSI LIBRE QU'AUPARAVANT.»
Rousseau
On dit souvent que Rousseau a fait passer la politique du
ciel sur la terre .
en montrant que l'autorité politique ne
descend pas de Dieu sur le monarque puis sur les sujets,
mais qu'elle émane du peuple qui la Ï:lélègue à ses
mandataires.
Ce point de vue est un peu approximatif.
Au moment où Rousseau commence à s'intéresser à la
chose politique, la théorie du pouvoir de droit divin est
pratiquement abandonnée par les penseurs politiques.
Avant
lui, Hobbes, Locke, Pufendorf, Grotius, Jurieu et d'autres
font reposer l'autorité poli"tique sur une convention, sur un
_contrat.
Rousseau n'a donc pas inventé l'idée d'un pacte social
entre gouvernants et gouvernés.
On pourrait faire remonter
l'idée d'un tel contrat au Moyen Age et même à l'Ancien
Testament.
Le mérite de Rousseau est d'avoir renouvelé la
façon d'envisager ce contrat social et d'avoir posé du même
coup - et le premier - les fondements théoriques· de la
démocratie.
· Le point de vue de ses prédécesseurs lui paraissant
manquer de cohérence logique, il en fait table rase et pose le
problème en termes clairs au· début du Contrat social (Livre
I, ch.
6).
Pour lui, après l'état de paix propre à l'état de
nature, les hommes ayant cessé de vivre isolés sont entrés
dans une période de troubles assez semblable à la guerre de
tous contre tous imaginée par Hobbes.
Pour retrouver la paix, ils furent donc conduits à chercher
une fonne d'organisation qui puisse donner satisfaction à
tout le monde :
« Cette difficulté ramenée à mon sujet peut s'énoncer en
ces termes.
"Trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la fore(! commune la personne
et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun
s'unissant à tous n'obéisse pourlant qu'à lui-même et
reste aussi libre qu'auparavant?" Tel est le problème
fondamental dont le contrat social donne la solution.
»
Dans
le Discours sur l'inégalité, Rousseau avait déjà
évoqué le contrat qui se trouvait à l'origine du corps
politique.
Mais, à ce moment-là, en 1755, donc sept ans
avant le Contrat social, il précise que la conception utilisée
pour les besoins de sa démonstration n'est que provisoire.
Il
se promet de revenir sur ce pacte primitif et il le fera
effectivement dans de nombreux textes dont, tout spécialement, Du Contrat social ou Principes du droit politique
(1762).
Le texte du Discours sur l'inégalité en reste à l'idée d'un
pacte de soumission, formule déjà utilisée par les penseurs
politiques du temps et des siècles précédents.
Selon Rous-
seau, les riches, pour se protéger des pauvres qui les
menaçaient sans cesse, réussirent à établir un pacte avec le
peuple pour faire cesser les troubles.
Mais il fagit d'un
échange inégal puisque les riches ont tout à y gagner ~ la
paix leur permettant de conserver leurs biens - , et les
pauvres tout à y perdre puisqu'ils aliènent leur liberté sans
contrepartie.
Pourquoi Rousseau, en 1755, s'en tient-il à cette thèse
tout en notant au passage qu'elle ne le satisfait pas et qu'il
lui faudra revenir sur la question ? Les hypothèses sont
diverses, mais l'essentiel est de voir comment le Con_trat
social et les textes satellites (Manuscrit de Genève, Emile,
Lettres écrites de la montagne, Economie politique, Fragments politiques, Lettre à Christophe de Beaumont, etc.)
sont pour lui l'occasion d'élaborer une théorie du contrat
social qui tranche avec tout ce qui précède.
Pour Rousseau, l'expression « pacte de soumission »
comporte en elle-même une contradiction.
Comment peuton parler d'un contrat quand, par exemple, à la suite d'une
conquête, un roi se rend maître d'un peuple, ou quand un
homme en réduit un autre en esclavage ? Un contrat ne peut
être établi qu'entre des parties égales et libres d'adhérer ou
non à ce pacte.
Pourtant, il serait possible d'imaginer une sourruss1on
volontaire.
Un peuple, par désir de paix, pourrait se
soumettre à un pouvoir fort, aliéner sa souveraineté au profit
de sa sécurité.
Un homme pourrait de même, en principe,
devenir l'esclave d'un autre homme pour bénéficier de sa
protection.
Rousseau estime qu'un tel pacte est inconcevable parce
que la liberté est un bien « inaliénable » : « Renoncer à sa
liberté, c'est renoncer à sa qualité d'homme ...
» Si je
renonce à ma liberté pour me confier à une volonté absolue,
cela signifie que je suis prêt à faire tout ce qui me sera
commandé, même des actes criminels.
Il n'y a donc plus
pour moi de loi morale, plus de devoir, et, en cela, je deviens
in-humain.
Et si, acculé à commettre un acte horrible qui
révolte ma conscience, je refuse d'obéir, me comportant
alors en homme, le pacte est rompu (Livre I, ch.
4):
« Renoncer à sa liberté, c'est renoncer à sa qualité
d'homme, aux droits de l'humanité, même à ses devoirs.
Il n'y a nul dédommagement possible pour quiconque
renonce à tout.
Une telle renonciation est incompatible
avec la nature de l'homme et c'est ôter toute moralité à
ses actions que d'ôter toute liberté à sa volonté.
Enj'zn,
c'est une convention vaine et contradictoire de stipuler,
d'une part, une autorité absolue, et de l'autre, une
obéissance sans bornes.
»
Ce type d'accord ne mérite pas le nom de contrat et il ne
lie en rien l'opprimé, du fait qu'il donne tout pouvoir à
l'oppresseur :
« N'est-il pas clair qu'on n'est engagé à rien envers celui
dont on a droit de tout exiger, et cette seule condition,
sans équivalent, sans échange, n 'entrafne+elle pas la
nullité de l'acte ? Car quel droit mon esclave aurait-il
contre moi, puisque tout ce qu'il a m'appartient et que
son droit étant le mien, ce....
»
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