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Turquie (1981-1982): La fin de l'état de grâce "Parole d'honneur, parole de soldat, nous allons rentrer dans nos casernes une...

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« Turquie (1981-1982): La fin de l'état de grâce "Parole d'honneur, parole de soldat, nous allons rentrer dans nos casernes une fois que nous aurons remis de l'ordre dans l'État et dans le pays." L'armée turque au pouvoir depuis le 12 septembre 1980 n'a pas cessé d'affirmer, tout au long de l'année 1981, sa volonté de rétablir un gouvernement civil comme elle l'a fait lors de ses deux précédentes interventions en 1960 et en 1971. Dépassant les promesses, elle a même enclenché le processus de "retour à la démocratie", prévu au plus tard pour le début de l'année 1984.

Le Conseil national de sécurité, composé des commandants des trois armes et du commandant de la gendarmerie et présidé par le général Kenan Evren, chef de l'État et chef d'état-major, a désigné en octobre les cent soixante membres de l'assemblée chargée d'élaborer sous sa direction une nouvelle constitution qui sera soumise à référendum.

Malgré cette apparente fidélité à la tradition turque en matière d'intervention militaire, l'état de grâce dont les généraux bénéficiaient depuis leur arrivée au pouvoir a commencé à se fissurer sérieusement à l'automne, au moment même où ils précisaient leurs engagements. En octobre, la dissolution pure et simple de tous les partis politiques, jusqu'alors simplement suspendus, a ébranlé les intellectuels et les "démocrates" qui voulaient croire encore au mythe de l'absence d'ambitions politiques propres de l'armée, ultime gardienne des principes kémalistes et de la démocratie.

Loin de les rassurer, les militaires ont enfoncé le clou.

Le général Evren a exprimé clairement sa volonté d'en finir définitivement avec l'ensemble de l'ancienne classe politique turque, en écartant des affaires tous ceux qui avaient exercé des responsabilités dans le passé, fussent-ils députés ou Premiers ministres.

En décembre, il n'a pas hésité à faire arrêter le social-démocrate Bülent Ecevit, ancien chef du gouvernement, coupable d'avoir donné son avis sur l'Assemblée constituante, comme on l'y avait invité. Sa libération, après trois mois d'emprisonnement, la réduction de la durée de la garde à vue (de 90 jours à 45 jours) et la réduction de la durée des peines susceptibles d'appel (six mois au lieu de trois ans) n'ont pas dissipé les inquiétudes.

Il était plus clair que jamais, au début de l'année 1982, que la Turquie s'acheminait vers ce que d'aucuns appellent un "régime militaire en habits civils".

Le Conseil national de sécurité a d'ailleurs indiqué qu'il conserverait un rôle de surveillance de la nouvelle démocratie dans laquelle s'affronteront des partis vraisemblablement construits par les militaires, sur fond de syndicalisme réglementé.

Quant au général Evren, il paraissait fort probable qu'il reste chef de l'État après les élections. La politique économique adoptée par la junte n'a fait qu'alimenter ce pessimisme.

Elle a repris complètement à son compte le "paquet" de mesures dictées en janvier 1980 par le FMI et l'OCDE à M.

Turgut Özal, ancien ministre du gouvernement conservateur de Suleiman Demirel, et a promu Vice-Premier ministre ce champion de l'économie de marché, en lui donnant les moyens de sa politique.

L'étouffement dû syndicalisme et l'interdiction des grèves lui ont permis d'imposer un sévère contrôle des salaires tout en libérant les prix, de procéder à une réduction brutale de l'inflation (de 110% en 1980 à 37% en 1981) et de développer une politique de relance des exportations (en augmentation de moitié).

On imagine mal la poursuite sans incidents d'une politique d'austérité aussi impitoyable sans le maintien d'un régime autoritaire. Confrontés en Turquie même à une opinion.... »

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