Turquie (1986-1987) Vers le pluralisme L'année 1986 a été marquée par l'effacement progressif des militaires et par une activité plus...
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Turquie (1986-1987)
Vers le pluralisme
L'année 1986 a été marquée par l'effacement progressif des militaires et par une
activité plus intense des partis politiques par rapport aux années qui avaient
suivi le rétablissement d'une "démocratie limitée", après les élections
législatives de 1983.
La démilitarisation de la vie politique a été toutefois incomplète: la loi
martiale instaurée en 1978 (deux ans avant le coup d'État militaire) est restée
en vigueur dans les cinq provinces jouxtant la Syrie, l'Irak et l'Iran, théâtre
des actions séparatistes kurdes.
L'état d'urgence a été maintenu dans huit
provinces, dont Istanbul, sur les soixante-sept que compte le pays (il a été
levé, en revanche, à Ankara, Izmir et Kars) et les tribunaux militaires ont
continué de fonctionner.
C'est ainsi qu'en décembre 1986, un verdict très sévère
a été rendu par un tribunal militaire d'Istanbul à l'encontre des syndicalistes
de la DISK (Confédération des syndicats ouvriers réformistes) dissoute au
lendemain du coup d'État: 264 d'entre eux, dont les principaux dirigeants, ont
été condamnés à des peines de un à quinze ans de prison.
De même, comme l'a
confirmé le rapport d'Amnesty International publié en 1986, la situation des
droits de l'homme ne s'est pas notablement améliorée.
Pouvoir bicéphale
La vie politique n'a pas été sans présenter le spectacle d'un pouvoir politique
bicéphale: d'une part, le président Kenan Evren, ancien chef d'État-major,
entouré d'un conseil présidentiel formé d'anciens commandants de l'armée qui
continuent d'être la courroie de transmission entre les militaires et le pouvoir
civil ; d'autre part, le gouvernement très personnalisé de Turgut Özal qui a su
maintenir sa cohésion malgré l'apparition de dissensions internes entre les
ailes libérale, islamisante et nationaliste du parti gouvernemental (Parti de la
mère patrie, PMP) et sa perte de popularité due, entre autres, aux difficultés
économiques et à la montée de l'ancienne classe politique.
Dès 1983, le partage du pouvoir s'est établi entre militaires et membres du
gouvernement: aux premiers, les secteurs clés de l'ordre public, de la défense
et même de l'Université ; aux seconds, la gestion économique, financière et
municipale.
Ce dualisme va de pair avec des conceptions divergentes de la
société qui se sont clairement manifestées en 1986 face à la recrudescence des
activités intégristes.
Le président, attaché au principe kémaliste de laïcité comme la majorité de la bureaucratie civile et militaire - a dénoncé la
"réaction religieuse", alors que le Premier ministre, partisan d'une synthèse
entre modernisme et valeurs de l'Islam, prônait l'apaisement.
En fait, le
demi-succès du projet du kémalisme, vieux de cinquante ans, n'est pas sans
susciter, en Turquie, une crise d'identité qui favorise les remontées du
fondamentalisme dont l'année 1986 a été le témoin privilégié ; il importe de
l'évaluer à sa juste mesure, sans exagération.
Divisés sur l'Islam, les dirigeants ont été unanimes quant à la nécessité de
lutter contre les menées séparatistes d'organisations kurdes dans l'est du pays,
y compris par des pratiques dangereuses, comme l'institution de "protecteurs de
village" dûment armés.
Le Parti des travailleurs kurdes (PKK), clandestin,
d'obédience marxiste-léniniste, qui réclame l'indépendance des provinces de
l'Est, a réagi par des actes de terrorisme aveugle.
Si la répression contre les militants kurdes a été approuvée par la plus grande
partie de la presse et par les partis de l'opposition, le gouvernement Özal n'a
pas été suivi dans tous les domaines.
Aux élections législatives partielles du
28 septembre 1986, le Parti de la juste voie (PJV), avec 23,5% des suffrages, a
ébranlé les positions du parti gouvernemental (32% des voix) ; non seulement il
a permis à Süleyman Demirel, ancien Premier ministre, de faire un come-back
spectaculaire, mais il a supplanté le Parti populaire social-démocrate (PPS) de
Erdal Inönü qui n'a pas su élaborer un programme de développement cohérent et
crédible.
Quant au Parti de la gauche démocratique (PGD) soutenu par Bülent
Ecevit, autre ex-Premier ministre, il a mené une violente campagne à la fois
contre le gouvernement et contre le PPS, mais sans emporter une adhésion
massive.
Cette consultation, la première ouverte à tous les partis légaux depuis
le coup d'État militaire, a permis à l'éventail politique de s'élargir.
La politique économique libérale de Turgut Özal, toujours fidèle aux recettes du
FMI, qui accroît les inégalités sociales dans un pays où le revenu national par
habitant est en deçà des 1 000 dollars, n'a pas été étrangère à son recul
électoral.
Bien que la croissance soit restée assez forte (autour....
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