UN IDÉAL: L'ART Se réfugier dans le monde des idées ou se lancer dans l'action aboutit donc, dans les deux...
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UN IDÉAL: L'ART
Se réfugier dans le monde des idées ou se lancer dans
l'action aboutit donc, dans les deux cas, à une impasse.
Mais, heureusement, il y a l'univers de l'art dans lequel les
romantiques ont mis tout leur espoir.
Déçus par la réalité, ils
s'adonnent à une activité qui, bien qu'elle doive beaucoup au
rêve, ne fait pas courir le risque des désillusions, car elle ne
vise pas à une transformation, mais à une transposition des
données.
La somme d'enseignements qu'il est possible de
tirer de Lorenzaccio permet de se faire une idée assez pré
cise des conceptions artistiques de Musset : les développe
ments qui sont consacrés à ce thème se présentent en effet
comme une sorte de dissertation dialoguée.
Revers de la
médaille, ils sont assez mal liés à l'action théâtrale.
Une nouvelle religion
Sur le plan matériel, Musset pose le problème du mécé
nat, c'est-à-dire de la protection et de la subvention de l'art.
Si l'on se réfère à ces paroles de l'orfèvre: « Si j'étais un
grand artiste, j'aimerais les princes, parce qu'eux seuls
peuvent faire entreprendre de grands travaux » (acte 1,
scène 5), il semble en être partisan.
Mais, en fait, sa position
est nuancée.
L'artiste, pour créer, doit être entièrement
libre.
Dépendre d'un protecteur risque donc d'avoir des
conséquences fâcheuses sur l'activité créatrice; Tebaldeo,
le peintre, proclame :
Je n'appartiens à personne.
Quand la pensée veut être libre,
le corps doit l'être aussi.
Acte li, scène 2.
C'est que l'art est une religion, à laquelle il faut se livrer
corps et âme.
L'artiste est un intermédiaire entre Dieu et les
hommes, il témoigne au nom de Dieu d'une vérité.
C'est
pourquoi Tebaldeo établit des liens étroits entre les
domaines artistique et religieux.
Lorsqu'il s'écrie, à propos
des chefs-d'œuvre, qu'il ne peut mieux les contempler que
dans une église, lorsqu'il ajoute : « (...
] des bouffées d'en
cens aromatiques passent entre eux et moi dans une vapeur
légère.
Je crois y voir la gloire de l'artiste » (acte 11, scène 2),
ce mysticisme, qui fait de l'art un prolongement de la reli
gion, c'est celui d'un peintre de la Renaissance, et non celui
de Musset.
Mais cette conception dégage aussi le caractère
sacré de la création artistique qui a pour but d'interpréter le
monde, d'en livrer les secrets.
En fin de compte, l'auteur de
Lorenzaccio n'a-t-il pas, cachées au fond de lui, de sem
blables aspirations? Ces vers du poème Souvenir (1841),
dans lesquels il dédie à Dieu ses amours passées, expriment
des sentiments assez proches de ceux de Tebaldeo :
Je me dis seulement : À cette heure, en ce lieu,
Un jour, je fùs aimé, j'aimais, elle était belle.
J'enfouis ce trésor dans mon âme immortelle,
Et je l'emporte à Dieu.
L'art ne doit donc pas être galvaudé; il doit être l'objet de
toutes les dévotions, entouré d'un infini respect (Tebaldeo:
« Je ne respecte point mon pinceau, mais je respecte mon
art.
Je ne puis faire le portrait d'une courtisane », acte Il,
scène 2).
L'artiste forme un tout.
li ne peut pas séparer sa vie
quotidienne de son activité créatrice.
Toute son existence
doit témoigner de son art.
Honnêteté, indépendance, goût
pour les occupations paisibles, telles sont les qualités de
l'artiste.
L'art n'est donc pas coupé des réalités humaines: bien
plus, il lui faut des circonstances particulières pour s'épa
nouir, des sources d'inspiration pour s'exalter.
Tebaldeo
développe une conception qui....
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