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Un Provençal à Paris. ... Voilà la rue de Belleville qui monte et peu à peu me débarrasse des manteaux...

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« Un Provençal à Paris. ...

Voilà la rue de Belleville qui monte et peu à peu me débarrasse des manteaux de feu.

La frange de néon mul­ ticolore qui éblouissait mes yeux s'affaisse et retombe dans l'ombre.

Le long de la rue, les épiceries et les maga­ sins de· légumes ne sont plus éclairés que par les lampes d'intérieur.

Les commis rentrent les étalages.

Les barri­ ques d'anchois salés, avec l'alignement rayonnant de leurs petits poissons métalliques, les grappes de stocked­ fish (1), les sacs de riz, de sucre, de fèves, les caisses de pâtes alimentaires.

Au bord du trottoir dorment quel­ ques voitures dévastées de marchandes des quatre­ saisons engluées d'épluchures pendantes, de queues de poireaux, de feuilles de choux, de salades.

La rue sent la saumure et le jar"in potager, et quelquefois l'épice - un parfum aigu et qui bouleverse tout l'équilibre d'un homme - et quelquefois le drap, le cuir ou le fer-blanc. Il n'y a toujours dans la rue que cette lueur rouge qui sort des boutiques et, de loin en loin, les becs de gaz..

Devant. certains magasins déjà fermés on passe dans une zone d'ombre ..

II y a presque toujours à ces endroits•là quelqu'un assis sur le trottoir, avec un journal sous les fesses. De temps en temps, je m'arrête, je tourne la tête et je regarde vers le bas de la rue où Paris s'entasse : des. (]) Stockedfish : morue séchée à l'air; poisson salé et séché. "' foyers éclatants et des taches de ténèbres piquetées de points d'or.

Des flammes blanches ou rouges flambent d'en bas comme d'une vallée nocturne où s'est arrêtée la caravane des nomades.

Et le bruit : bruit de fleuve ou de foule.

Mais les flammes sont fausses et froides comme celles de l'enfer.

En bas, dans un de ces parages sombres est ma rue du Dragon, mon hôtel du Dragon.

Quel ordre sournois, le soir déjà lointain de ma première arrivée, m'a fait mystérieusement choisir cette rue, cet hôtel au nom dévorant et enflammé? me serait facile, d'ici, d'imaginer le monstre aux écailles de feu.

Je pourrais en voir la tête et hi fumée de narine, et la languedorée dar­ dée vers le ciel, et les pustules, - et sentir sa puanteur intestinale.

Mais je vois plus noir et plus vrai ; cette ville de misère physique et spirituelle, cette ville .de pauvreté et de médiocrité, cette ville d'erreur et d'amour de l'erreur. Jean GIONO, Les' viiûes richesses� n Grasset, 1937, pp.

12-13. Dans un commen_taire composé, vous montrerez en parti-. culier combien, pat le.

choix des détails, des mots, des images, etc.-,· l'auteur reste, dans ce Paris qu'il n'aime pas, un homme de la Provence et un homme de la terre, et comment il exprimeson aversion, précisément, pour la capitale. ■ Dans Les vraies richesses, Giono se fait parmi ses « amis de la montagne» chantre et apôtre de la vie pacifi­ que et pure des champs. ■ A l'opposé est la ville maudite : la capitale, Paris. Voici un passage parallèle à la page à étudier, mais extraite de Solitude de la pitié, paru en 1930. « Suis-moi.

Il n'y aura de bonheur pour toi, homme, que le jour où tu seras dans le.... »

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