Un théâtre de la cruauté 1 - SOUS LE SIGNE DE LA VIOLENCE - Le culte de Dionysos Lorsque la...
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«
Un théâtre
de la cruauté
1 - SOUS LE SIGNE DE LA VIOLENCE
- Le culte de Dionysos
Lorsque la Grèce inventa la tragédie, elle la mit d'emblée sous
le patronage du dieu Dionysos ou Bacchus (voir « La dramaturgie
antique», p.
16).
Les œuvres étaient jouées lors des Grandes
Dionysies, fête annuelle en l'honneur du dieu; un sacrifice lui
était fait à l'ouverture des jeux...
dramatiques, son autel trônait
au milieu de l'orchestre et son grand-prêtre au premier rang des
spectateurs.
Pourquoi ce dieu-là plutôt qu'un autre?
Que de drames d'abord autour de sa naissance et de sa vie! Sa
mère, Sémélé, mourut de saisissement et d'effroi pour avoir
demandé à Zeus, son amant, de se manifester à elle dans tout
l'éclat de sa gloire, au milieu de la foudre et des éclairs.
Du
ventre de la malheureuse le roi des dieux arracha un enfant
encore en gestation pour l'enfermer dans sa propre cuisse, qu'il
n'eut qu'à rouvrir, au terme de neuf mois, pour en faire sortir le
petit Dionysos (le « deux fois né», selon une étymologie pos
sible).
Les Titans enlevèrent l'enfant à ses parents nourriciers,
le tuèrent, le démembrèrent et le dévorèrent après en avoir fait
bouillir les morceaux dans un chaudron.
Zeus frappa les crimi
nels de sa foudre et, grâce au cœur resté vivant, qu'avait sauvé
la déesse Athéna, il put ressusciter le jeune dieu!
Que de violences et de déchaînements ensuite autour du culte
de cette divinité mystérieuse, venue d'Asie et du fond des âges,
adoptée tardivement et non sans difficultés par les anciens
Grecs! On le prend d'ordinaire pour un aimable dieu, couronné
de raisins et présidant à l'ivresse des banquets: il est quelque
chose de plus inquiétant! Ses cérémonies instauraient le
désordre et la licence dans la cité: danses frénétiques, convul
sives, courses éperdues, sacrifices de bêtes déchirées à pleines
mains et dont on mangeait la chair crue...
C'était les «orgies»:
au premier sens du mot, des «cultes à mystères", mais on a pu,
très tôt, assimiler le terme à celui d' «orgasme", qui s'applique
au paroxysme de l'excitation sexuelle.
D'ailleurs dans le cortège
du dieu, où figuraient des satyres, des boucs, des ànes et des
taureaux, on brandissait des «phallus", images du «sexe mascu
lin"· Se mêlaient, pour des «bacchanales" débridées, hommes
et femmes - les «bacchantes» (d'habitude cloîtrées dans le
gynécée, les épouses grecques avaient alors le droit de sortir et
de se répandre, brûlantes, possédées par le dieu, dans les rues
et les forêts pour se livrer à tous les débordements)-, maîtres et
esclaves aussi, en une sorte de carnaval qui renversait l'ordre
établi et libérait tous les désirs, toutes les pulsions.
Dionysos était donc le dieu de l'instinct primitif, non civilisé, de
la démesure la plus sauvage, de toutes les étrangetés cruelles,
à la fois fascinantes et terrifiantes, de la vie, comme celui de
l'inspiration, avec ses délires et ses enthousiasmes, de tout ce
que pouvait engendrer et symboliser l'ivresse bachique.
On
comprend que la tragédie ait pu être associée, «chant du bouc»,
au culte d'une telle divinité.
• Une tragédie exemplaire
Une pièce, singulière, d'Euripide, Les Bacchantes, met en scène
le dieu en personne, sa violence et sa cruauté.
Le jeune roi de
Thèbes, Penthée, très hostile aux bacchanales et à leurs rites
dangereux, ose mépriser le dieu et prétend interdire son culte.
Apparu à Thèbes sous une fausse identité, Dionysos va tirer de
l'infidèle une sanglante vengeance.
Penthée aimerait espionner
les femmes de Thèbes que sa propre mère, Agavé, emmène
courir, crier et danser dans les montagnes aux alentours de la
cité.
Dionysos le persuade de se déguiser en femme et le
conduit parmi les bacchantes: celles-ci, aveuglées par le dieu,
prennent le malheureux pour un lion, et le démembrent de leurs
mains.
Le reine Agavé rentrera triomphante à Thèbes, portant
au bout d'une pique la tête de son fils, qu'elle prend toujours
pour un fauve, jusqu'à ce que - suprême raffinement de
cruauté! - Dionysos la tire de son illusion pour l'abandonner à
son crime et à une douleur sans nom.
Le châtiment, mérité,
n'en....
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