Un théâtre spectaculaire Les auteurs et surtout les théoriciens1 du théâtre clas , sique français du xvne siècle professaient un...
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Un théâtre
spectaculaire
Les auteurs et surtout les théoriciens1 du théâtre clas
, sique français du xvne siècle professaient un certain mé
pris pour le spectacle.
S'appuyant sur Aristote2 , ils esti
maient que l'arrangement de l'intrigue et le discours des
personnages constituaient l'essentiel de l'ait dramatique.
Le drame romantique, au contraire, est un ·théâtre qui
aime'le spectacle et qui en joue.
Comment définir le spectacle au théâtre? Est spectàèle
tout ce qui·ne relève pas directement de l'intrigue ou du
discours des personnages.
La gestuelle du comédien et
son costume, les décors et l'occupation de l'espace scé
nique, les bruits, la musique, l'éclairage, tels sont les prin
cipaux moyens du spectacle.
Ces moyens, les drames ro
mantiques les 'utilisent sans complexe.
Ils permettent de·
frapper les sens et l'imagination.
Mais ils sont aussi por
teurs de significations: au théâtre, le sens n'est pas pro
duit seulement par le langage verbal.
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LE, SPECTACLE DU CORPS
Jeux de scène
Grâce à l'acteur, le personnage théâtral existe 11ar son�
corps et pas seulement par sa" parole.
Ce corps peut être
sollicité de diverses manières, afin de produire un effet
théâtral.
Don César.entre en scène_ en tombant par la'
____
.
.
.,."""
1.
Chapelain, d'Aubignac, ceux qu'on appelle alors les «doctes» et
qui déterminent les règles auxquelles doit se soumettre l'œuvre
dramatique, surtout la tragédie.
2.
Philosophe grec du ive siècle av.
J.-C.
Sa réflexion sur la tragé
die (dans La Poétique) a durablement influencé le théâtre, surtout
en France.
cheminée (RB, IV, 2); 11 exécute ams, une «cascade» qui
relève de l'acrobatie clownesque.
Le corps est ici comique,
dans la meilleure tradition de la farce.
Ailleurs, dans les
scènes de combat par exemple, il est violemment dramatique (H, 11, 2 et 3; RB, V, 3; L, Ill, 1; Ill, 3 et IV, 11).
Il est
pathétique, émouvant et tendre dans les étreintes et autres
attitudes amoureuses (H, 11, 4 et V, 6; RB, Ill, 3 et V, 4).
Le corps est donc signifiant.
Il peut produire des signes,
dont le déchiffr?ment s'avère parfois d'une importance essentielle.
Quand Lorenzo s'évanouit à la vue d'une épée,
chacun conclut à la lâcheté du personnage, qui ne saurait
donc être dangereux pour le duc.
Mais le cardinal _Cibo
montre sa perspicacité en demandant à Alexandre:,« Vous
croyez à cela, Monseigneur?» (L, 1, 4).
Le langage du
corps peut aussi entrer en concurrence avec le langage
verbal.
Ainsi Ruy Blas tient un discours de haute politique
à don Salluste, mais il ramasse le mouchoir de celui-ci, sur
son ordre (RB, 111, 5).
Sa parole,et ses g~stes sont donc en
contradiction: il affirme certes qu'il est duc d'Olmedo, premier ministre tout-puissant, maître des destins de l'Espagne;
mais ses gestes disent qu'il est Ruy Blas, un laquais.
Ici, la
parole est mensongère..
C'est le corps qui dit la vérité, et
qui l'emporte.
Costumes
Le corps du personnage théâtral, c'est aussi son costume.
Celui-ci concourt puissamment au spectacle, à sa
force esthétique comme à son sens.
Les costumes somptueux, riches et brillamment colorés sont fréquents dans
les drames romantiques.
Ils sont précisément décrits par
Hugo 1 (voir le "riche costume de velours et soie» de don
Carlos en H, 1, 1, ou les robes et parures de la reine dans
Ruy Blas).
Ils sont aussi intensément présents dans
Lorenzaccio"_(ainsi les riches « habits de toutes les
couleurs», qui font la joie des badauds pendant la noce
chez les Nasi (1, 2).
Le costume peut également briller non
par son luxe, mais au contraire par une pauvreté pittoresque.
Les haillons de don César, véritable parure du
1.
Hugo dessinait souvent lui-même les costumes de ses acteurs.
_ gueux, provoquent un effet de surprise visuelle: on ne
s'attend pas à voir de telles guenilles dans ce somptueux
salon du palais royal (RB, 1, 1 ).
Outre sa puissance esthétique, le costume a une fonc
tion informative.
Il renseigne visuellement le spectateur
sur l'identité du personnage, et notamment sur son statut
social.
Dans certains cas, cette valeur sociale du costume
devient essentielle à l'action elle-même.
C'est ainsi que le
destin de Ruy Blas se lit entièrement dans ses change
ments d'apparence vestimentaire: il quitte sa livrée de la
quais au premier acte pour l'habit du- Grand d'Espagne,
puis la remet volontairement au dernier acte.
UN ESPACE SCÉNIQUE
SPECTACULAIRE
Spectaculaire,"' le drame romantique l'est aussi par l'es
pace qu'il met 'en scène et par la manière ·dont il occupe et
organise cet espace scénique.
Décors
Comme les costumes, les décors des drames roman
tiques sont souvent d'u_ne spectaé'ulaire beauté visuelle.
Hugo les décrit précisément dans ses didascalies 1 : luxe
éclatant àu « saÎon de Danaé>> au premier acte de Ruy Blas,
magnificence austère de la galerie des portraits dans le
château dé don Ruy Gemez (H, 111), beauté poétique du
jardin d'où l'on aperçoit Saragosse, profilée dans la nuit
(H, Il).
Certes le terme de «décor» convient mal aux
drames de Musset, écrits pour la lecture et qui privilégient
l'image mentale.
Mais la dimension visuelle de l'espace y
est néanmoins très présente, et soüvent somptueuse.
Catherine et Marie conversent au «bord de l'Arno2 », alors
que le «soleil commence à baisser», et que de «larges
bandes de pourpre traversent le feuillage» (L,_ I, 6), La scène
1.
On appelle didascalies tout ce qui, dans le texte théâtral, n'est
pas destiné à être dit par les personnages et les acteurs (indica
tions portant sur les décors, les costumes, les gestes, les expres
sions du visage, etc.} ..
2.
Fleuve qui coule à Florence.
rivalise avec la peinture, elle devient paysage 1.
Mais'-les décors romantiques ne ·provoquent pas touIours le _ravissement de la beauté.
L'espace scénique des
drames de Hugo est souvent un espace secret et obscur;
11 est fermé de portes basses et massives;'creusé d'escaliers dérobés et de recoins qui peuvent être autant de,
pièges mortels (H, Ill et IV; RB, Ill, 3; IV et V).
C'est alors
un espace de labyrinthe ou de· château hanté, qui....
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