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Un trait frappant du monde moderne est la coexistence de deux cultures une culture de masse et ce qu'on a...

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« Un trait frappant du monde moderne est la coexistence de deux cultures une culture de masse et ce qu'on a appelé une « culture cultivée)>.

La cul­ ture de masse a été favorisée par les nouveaux moyens techniques de dif­ fusion : livre de poche, radio, télévision, cinéma.

Elle a besoin d'une audience immense et cherche a être universelle.

Le plus étonnant est qu'elle y réussit.

Un film excellent plaît à Rome comme à New York, à Tokyo comme à Dakar.

Un livre est publié le même jour en trente langues. Les éditeurs travaillent à l'échelle planétaire.

Jamais les chefs-d'œuvre n'ont trouvé une telle audience. Pourtant cette gigantesque industrie culturelle a d'abord effrayé !'écri­ vain moderne.

« Mes idées, disait-il, y seront filtrées par les producteurs, laminées par les techniciens.

Qu'en restera+il?» Le miracle est qu'il en reste quelque chose.

Il y a du déchet, sans doute, mais la culture de masse diffuse aussi de la beauté.

li le faut bien.

Les besoins profonds des hommes n'ont pas changé.

Pour attirer les spectateurs, pour les fixer, pour leur don­ ner la ration de poésie et de grandeur, sans laquelle ils sont malheureux, les techniques de masse ne peuvent se passer longtemps de l'invention créa­ trice.

On peut, par des spectacles vulgaires, occuper quelques hommes quelque temps, mais non tous les hommes tout le temps.

Là aussi le choc deneure un élément nécessaire de l'œuvre d'art.

Un film de style neuf (La Strada, Hiroshima mon amour, Marienbad) aura plus de succès qu'un film banal, Les grands écrivains se vendent mieuJ{ en livre de poche que les auteurs médiocres. La culture de masse donne à !'écrivain moderne une chance, jusqu'alors jamais égalée, de modeler les hommes.

Le progrès technique accroît et accroîtra de plus en plus la durée des loisirs.

Pour remplir ces heures de repos, la lecture et le spectacle vont coopérer.« La culture de masse, écrit Edgar Morin, s'étend dans la zone abandonnée par le travail, la fête, la famille...

De la vacance des grandes valeurs naît la valeur des grandes vacances[...

]. Ne gagnant plus son pain à la sueur de son front, une part croissante de l'humanité doit recourir aux activités de jeu».

Des esprits innombrables, sur toute la planète, vont être transformés par le livre, la scène et l'écran. Dès maintenant l'influence de nos civilisations occidentales se fait sentir chez des peuples qui jusqu'alors nous étaient fermés.

L'industrie culturelle s'adresse à toutes les classes, à tous les pays.

De même que les grands magasins proposent du « prêt à porter>> signé des noms les plus illustres de la couture, le génie est annexé par la culture de masse.

Quelle chance pour nos écrivains! Quelle chance, oui, si nous avons quelque chose de grand à leur apporter.

[.

.• ]. Là est tout le problème de !'écrivain moderne.

S'il n'a rien à offrir que le désespoir ou qu'un système de valeurs hédonistiques 1, alors des esprits avides chercheront ailleurs leur pâture.

Mais il faut espérer qu'au-delà du dégoût, au-delà de l'angoisse, continuera de circuler dans une littérature mondiale, un courant de compréhension, de pitié etld'amour.

Il n'est pas vrai que la jeunesse ne s'intéresse qu'aux plaisirs.

Voyez le succès, en tous pays, du théâtre de Tchekov, d'Oncle Vania, des Trois sœurs, de La Mouette...

Qui sait si, à la faveur de nos prodigieuses inventions, une « mutation inouïe n'est pas en train de produire un homme nouveau?».

Il nous appartient, à nous écrivains, de l'aider à naître. Il nous appartient surtout de l'aider à voir, en tout homme, un homme. Les horreurs de ce qu'on a appelé.... »

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