Une pièce comique Voir dans Rn de partie une pièce cornique peut surprendre. Son sujet et ses personnages inciteraient plutôt...
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«
Une pièce comique
Voir dans Rn de partie une pièce cornique peut surprendre.
Son
sujet et ses personnages inciteraient plutôt à la considérer comme
une pièce tragique.
Pourtant, comme le dit Nell, « rien n'est plus drôle
que le malheur»:« c'est la chose la plus comique au monde.
[...] Et
nous en rions, nous en rions, de bon cœur».
Du moins, « les premiers
temps» (p.
31-32), précise-t-elle.
Chez Beckett, en effet, comique et tragique ne s'opposent pas
irrémédiablement: ils s'imbriquent.
Le titre même de la pièce en est
un exemple.
Si l'expression « fin de partie» suggère l'attente de la
mort, le mot « partie» renvoie aussi et en même temps à l'univers
du jeu (une « partie» de cartes, d'échecs, de tennis...) ou du diver
tissement collectif (une « partie» de campagne, de chasse ...).
De fait, le comique est très présent dans la pièce.
S'il emprunte
beaucoup au genre littéraire de la farce, il réside aussi dans un
humour souvent grinçant et, plus fondamentalement dans une
distanciation ironique quasi permanente.
UN COMIQUE DE FARCE
La farce 1 est une petite comédie, reposant souvent sur une ruse
ou une tromperie, dont le seul but est de faire rire.
Les procédés
comiques en sont généralement très élémentaires: ce sont des
pantomimes et des pitreries, des calembours et des équivoques
1.
La farce existe depuis le Moyen Âge.
La Farce de Maître Pathelin (XV" siècle) est la plus
célèbre de ces farces médiévales.
(des formules à double sens) et toutes sortes d'autres jeux de
mots.
On les retrouve tous dans Fin de partie.
1Pantomimes et pitreries
Clov se comporte souvent comme un clown: le patronyme et le
substantif sont d'ailleurs phonétiquement proches l'un de l'autre.
S'il
n'a pas le traditionnel nez rouge d'Auguste1, c'est parce que c'est
tout son « teint » qui est « très rouge
»
(p.
11).
Sa « démarche raide
et vacillante » (p.
11) évoque celle d'un ivrogne s'efforçant de garder
son équilibre.
II va et vient mécaniquement d'une fenêtre à l'autre,
grimpe sur son escabeau, en redescend aussitôt, cherche sa lunette,
ne la trouve pas, demande à Hamm s'il n'est pas « assis dessus»
(p.
98).
Sa pantomime peut aisément prêter à rire ou à sourire.
Elle se change en pitrerie quand Clov se sert de sa longue-vue
pour observer le public.
C'est prendre le contre-pied d'une pratique
encore existante de nos jours: certains spectateurs observent avec
de petites jumelles les comédiens.
L'inversion est d'autant plus
ironique qu'après avoir scruté la salle, Clov s'écrie:« Je vois .•• une
foule en délire » (p.
43): il est rare que lors d'une représentation les
spectateurs soient« en délire».
Enfin, l'épisode de l'insecticide que
Clov verse dans son pantalon pour tuer la puce qui s'y est glissée,
donne lieu à une véritable bouffonnerie (p.
49).
1Calembours et équivoques
Le calembour
est un jeu de mots qui repose sur une différence
de sens entre des termes dont les sonorités sont semblables ou très
voisines 2• Clov en fait un lorsqu'il confond« coite», adjectif qualificatif
synonyme de« tranquille», et« co"fte », qui désigne l'acte sexuel (p.
49).
Ce calembour, Hamm le prolonge par une équivoque quand il explique
à Clov: « Si elle pa puce] se tenait co"fte nous serions baisés » (p.
49).
1.
Dans la tradrrion du théâtre et du cirque, il existe deux grands types de clown: le• clown
blanc •, dit Pierrot (avec un visage enfariné, un habit constellé d'étoiles et un grand chapeau pointu) et • Auguste •, qui arbore un nez rouge (une boule rouge).
2.
Par exemple: le serin O'oiseau) est serein.
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PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES
1Une cascade de jeux de mots
Si le calembour est un jeu de mots, tous les jeux de mots ne sont
pas des calembours.
Les catégories en sont en effet très variées.
Voici celles qui sont principalement présentes dans la pièce:
- Les jurons et grossièretés: «Putain!» (p.
94), s'exclame Clov;
«Macache» (p.
74) répond Nagg.
«Bernique», dit Hamm qui traite son
père de« salopard» (p.
67) et Clov de« con» (p.
100); quant au quatrain qu'improvise Clov, il s'achève sur le mot « emmerdé » (p.
105).
- Des associations burlesques: à propos de la puce qu'il ne parvient
à tuer, Clov s'exclame:« La vache!» (p.
49).
Le rapprochement des
deux termes fait sourire.
De même lorsque cherchant sa lunette, il
s'écrie: « Il faudrait un microscope pour trouver ce -
»
(p.
98).
- Des quiproquos ou méprise sur le sens des mots: Clov s'affaire
à ramasser les objets que Hamm jette à terre: « Laisse tomber»
(p.
77), lui dit ce dernier qui emploie l'expression au sens de « cesser ce qu'on est en train de faire ».
Clov l'interprète, lui, au sens premier, et « laisse tomber les objets qu'il vient de ramasser» (p.
77).
- Des jeux sonores: « le fanal est dans le canal » (p.
45).
Les deux
termes sont identiques à une consonne près.
Ou encore
«
Sans
Hamm [...], pas de home » (p.
54).
UN HUMOUR SOUVENT GRINÇANT
Parodies 1 humoristiques alternent en outre avec l'humour noir
et l'autodérision.
1Des parodies humoristiques
Quelles que soient sa forme et sa nature, l'humour implique
toujours de prendre ses distances avec ce dont on parle.
Souvent
la parodie s'exerce ainsi aux dépens des valeurs et références
culturelles.
Un auteur, une œuvre ou une phrase sont devenues
1.
Parodies : imitations caricaturales.
PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES 77
en quelque sorte trop célèbres pour qu'on ne s'en amuse pas.
Cet humour-là n'est évidemment perceptible que par un public à
même d'identifier ce qui est ainsi caricaturé.
Soit par exemple ce
court dialogue entre Clov et Hamm au sujet de Nagg:
Il pleure.
Clov rabat le couvercle, se redresse.
HAMM.
- Donc il vit.
(p.
82)
CLOV.
-
C'est une parodie du célèbre cogito 1 cartésien: "Je pense donc je
suis
».
Autre exemple, cette exclamation de Hamm qui se moque
du non moins célèbre cri de Richard Ill.:
boueux!
»
(p.
36,
➔ PROBLÉMATIQUE
«
Mon royaume pour un
5).
1L'humour noir
Il consiste à prendre ses distances avec la souffrance et la mort
et donc à en plaisanter.
C'est ce que fait Nell lorsqu'elle demande
à Nagg, cul-de-jatte comme elle:« C'est pour la bagatelle[= pour
faire l'amour]?
»
(p.
27).
Ou encore dans ce court échange entre
le père et le fils:
Comment vont tes moignons?
-T'occupe pas de mes moignons.
(p.
22)
HAMM.
- [ ••• ]
NAGG.
Hamm pratique également cet humour noir quand il propose au
gueux d'entrer à son service: "Ici en faisant attention vous pourriez mourir de votre belle mort, les pieds au sec» (p.
72), lui dit-il.....
»
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