UNE TRAGÉDIE DE L'HÉROÏSME « Un nouveau genre de tragédie» Dans une lettre à Charles Perrault en 1700, Boileau écrira...
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UNE TRAGÉDIE DE L'HÉROÏSME
« Un nouveau genre de tragédie»
Dans une lettre à Charles Perrault en 1700, Boileau écrira que Corneille
:,a inventé un nouveau genre de tragédie inconnue à Aristote [...] il n'a
point songé, comme les poètes de l'ancienne tragédie, à émouvoir la pitié
et la terreur, mais à exciter dans l'âme du spectateur, par la sublimité des
pensées et par la beauté des sentiments, une certaine admiration dont plu
sieurs personnes, et les jeunes gens surtout, s'accommodent beaucoup
mieux que des véritables passions tragiques».
Mais de toutes les pièces
de Corneille, Horace est celle qui allie et oppose le mieux les deux genres
de tragédie.
Aristote veut que l'on suscite «pitié et crainte»: Corneille multiplie les
scènes pathétiques et fait évoquer I'«horreur» et la «pitié» plusieurs fois
par ses personnages.
Aristote veut encore que le conflit meurtrier éclate
«entre des gens que la naissance ou l'affection attache aux intérêts l'un
de l'autre» (Corneille, Discours): Sabine dira que la guerre est fratricide,
que Rome tue Albe sa mère, Curiace que le combat rompt «l'amitié,
l'amour et l'alliance», Valère que le meurtre de Camille est un véritable
tableau tragique.
Aristote veut aussi un revirement du bonheur au malheur:
Horace en est plein, le héros y passe de la «gloire» au «crime».
Le rôle des
dieux lointains mais omniprésents, les reproches qu'on leur fait dans le
malheur, l'ironie du sort qui trompe les personnages, la jeune fille qui trouve
la mort au lieu du mariage: autant de thèmes traditionnels de la tragédie
(voir tragique dans l'index thématique, p.
113).
Mais si certains personnages représentent cette ancienne tragédie,
d'autres passent outre leur dilemme en ne considérant que la «gloire»:
suscitant tantôt l'admiration tantôt l'effroi, mais toujours !'«étonnement»,
ils ont le «charme» des héros typiquement cornéliens.
Un univers de la grandeur morale
Tous les personnages, qu'ils soient d'Albe ou de Rome, partagent la
même inflexible morale du devoir propre à l'univers littéraire que Corneille
met en place dans ses premières tragédies.
Cet univers hérite de notions
fondamentales dans la culture latine (virtus, constantia, pietas, etc.) et aussi
des valeurs chevaleresques de la noblesse française.
Il s'accorde aussi bien
avec le romanesque d'une fière Espagne médiévale (dans Le Cid} qu'avec la
sévérité de la Rome antique.
Il s'agit toujours de maintenir son •honneur•,
de rester fidèle à son «sang •, c'est-à-dire à son pays et à sa« maison •, en
accomplissant son «devoir• avec •zèle•.
Ce« zèle• se manifeste chez le
guerrier par la «chaleur•, I'«ardeur•, voire la • fureur •, et donne aux combats un caractère épique.
L.:exploit permet de faire connaître son courage,
son «coeur•, et sa« vertu•, son énergie, et de se montrer• digne• de sa
lignée, c'est-à-dire« généreux•.
Par là on met en« éclat• son« nom• et on
atteint la• gloire•, qui va de pair avec la« victoire• et la« mémoire•.
Cette
gloire est à la fois la véritable« renommée• (celle qui n'est pas« fumée») et
un idéal de soi (• ma gloire»): parmi tous ces mots clefs qui constellent le
texte, c'est le maître mot du lexique et de l'univers cornélien.
Mais tous les personnages ne donnent pas l'impression d'une parfaite
adéquation entre leur psychologie et leur morale, et c'est là que s'opposent
les Albains, avouant leurs souffrances face au dilemme, et les Romains,
• immolant • une partie de leur personnalité.
La psychologie de ces derniers
en prend un tour particulier, fait de brusqueries et de surprises, parfois aux
limites de l'énigmatique.
C'est qu'aucune réflexion ne leur est nécessaire
tant leur certitude est forte, il agissent avec ce «mouvement•, cet élan
spontanée qui produit le sublime : joie d'Horace (Il, 3), colère de son père
(Ill, 6), indignation de Camille (1, 2).
Leur style est alors celui de la simplicité
terrible, de l'effacement orgueilleux du moi derrière l'expression abstraite du
devoir.
Le sublime peut aussi naître du laconisme, expression de la véritable
«constance•, un autre aspect de I'« esprit romain• (v.
1459).
Les pièces
suivantes offriront d'autres sublimes: celui de la« clémence• (autre héritage
de Sénèque), celui du • zèle » chrétien.
Cette grandeur exaltante est à mettre en rapport avec «l'atmosphère [...]
du romanesque aristocratique, telle qu'on la respirait en France pendant le
règne de Louis XIII• (P.
Bénichou) et aussi de l'esthétique de l'Église de la
Contre-Réforme, mais elle est surtout une utopie pour une génération
confrontée à de nouvelles réalités historiques.
Une utopie problématique
Horace nous fait vivre le bonheur d'un monde épique car le héros
trouve sa grandeur surhumaine en incarnant les valeurs que s'est données
la société à laquelle il appartient et en la servant, mais la pièce introduit
aussi dans ce monde des bouleversements qui aboutissent à sa remise en
Actes et
scènes
Actions et
rebondissements
Déchiremenls et débals
devoir/humantlé
«Action double»?
1
1 guerre imminente
2
3 guerre suspendue
Sabine
Camille
Curiace
1 les frères H.
désignés
2 les frères C.
désignés
3
4
Horace/Curiace
Exposition : le tragique
du dilemme
Il
5
6
7
B
«Notre malheur est grand;
ùest au plus haut point»
Horace/Curiace
Horace/Camille
1"péril
Curiace/Camille
Curiaœ et Horace/Sabine
le vieil Horace/Sabine
Horace
Ill
1
2 combat suspendu
3
4
5 reprise du combat
6 «fuite» d'Horace
Sabine (monologue)
Nœud de l'intrigue :
le tragique de l'héroïsme
Sabine / Camille
vieil Horace/Sabine et
Camille
vieil Horace/ Sabine et
Julie
IV
1
2 victoire d'Horace
3
4
5 meurtre de Camille
6
7
vieil Horace/ Camille
vieil Horace / Camille
Camille (monologue)
Horace/ Camille
Horace / Procule
Horace/ Sabine
«Ne me fais plus rougir
d'entendre tes soupirs»
2"péril
Dénouement :
le héros jugé
V
1 Valère accusateur
2 Réponse d'Horace
3
Horace/vieil....
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