Un.théâtre politique Le drame romantique se développe dans une période (1820-1840 environ) qui hérite des grands bouleversements de la Révolution...
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«
Un.théâtre
politique
Le drame romantique se développe dans une période
(1820-1840 environ) qui hérite des grands bouleversements
de la Révolution française.
Cette période est elle-même
, agitée par de violents soubresauts politiques 1 et par une
réflexion politique intense2 .
La littérature de l'époque en
porteJa trace.: si le terme de « théâtre engagé » convient
mal au drame romantique, celui-ci est assurément un
théâtre politique, un théâtre dans lequel la politique a une
impo�ance essentielle.
OPPRESSEURS
ET OPPRIMES
Les drames romantiques mettent fréquemment en
scène un pouvoir politique à la fois tyrannique et mé
diocre, qui gouverne une société asservie et dégradée.
Un pouvoir tyrannique
Dans Lorenzaccio, comme dans Hernani ou Ruy Blas,
le pouvoir politique est monarchique.
Il est également
1.
Principalement la révolution de juillet 1830, qui chasse
Charles X, le dernier frère de Louis XVI.
Quoique faite surtout par
des républicains, elle débouche sur un nouveau régime monar
chique, plus libéral, avec pour nouveau roi Louis-Philippe Jar.
Mais
il faut également évoquer les émeutes insurrectionnelles, répu
blicaines et socialistes, qui suivirent 1830 et furent sévèrement
réprimées: en 1831 à Lyon (révolte des ouvriers-textiles, les « ca
nuts»), et 1832, 1834 et 1839 à Paris.
Enfin le roi Louis-Philippe
fut durant tout son règne (jusqu'à la révolution républicaine de
1848) l'objet de nombreux attentats.
2.
Cette réflexion provient de nombreux courants de pensée.
Principalement les libéraux (Constant, Guizot...), les ultra-roya-
listes (De Maistre, De Bonald) et les socialistes « utopistes »
(Saint-Simon et ses disciples, Fourier, Leroux, Proudhon..
.).
Ces
débats théoriques sont souvent suivis de près par les écrivains romantiques.
tyrannique, c !est à dire qu'il s'exerce sans aucun respect
pour le bien public et le bonheur de ses sujets.
Ceux-ci
sont traités par le pouvoir comme de simples objets, ob
jets de plaisir notamment.
Dans Lorenzaccio, Alexandre,
parce qu'il est souverain de Florence, peut avoir toutes les
femmes qu'il convoite sans même se donner la peine de
les séduire (voir IV, 11).
Dans Hernani,-don Carlos veut en
lever dofia Sol (Il, 2), qui lui rappelle qu'il dispose déjà,
étant roi, de toutes les femmes de sa·cour.
Ce pouvoir ne respecte pas davantage la vie de ses su
jets.
Le pouvoir de mettre à mort apparaît comme un des
traits majeurs du pouvoir politique.
Ruy Blas, parlant à don
César, voit dans le roi d'Espagne un homme « Qui peut
faire tomber.
[leurs] deux têtes d'un signe» (1, 3, v.
374).
Dans Lorenzaccio, le duc admet sans honte qu'il a déjà tué
à plusieurs reprises en toute impunité (Il, 6).
Outre ses
frasques sexuelles, son seul acte dans le drame consiste à
faire empôis9nner Louise Strozzi (Ill, 7).
··
urï· pouvoir faible
Paradoxalement, ce pouvoir tyrannique est souvent un
pouvoir faible et sans grandeur.-- Cette tyrannie n'a donc
pas même l'excuse de la puissance et de la gloire.
La faiblesse,du pouvoir transparaît souvent dans la fai
blesse individuelle du souverain, qui tranche avec la toute
puissance officielle que lui confère la monarchie.
Ruy Blas,
dans deux tirades antithétiques, évoque d'abord le roi
comme institution (il le compare à Dieu sur terre, 1, 3,
v..
371).
puis l'individu qui occupe alors la fonction royale:
Charles Il.
Or celui-ci est à moitié fou:« Moins qu'un
homme ! à régner comme à vivre inhabile» ·(v.
389).
Et il
passe son temps à chasser.
Dans Lorenzaccio, Alexandre
de Médicis semble exactement l'inverse de ce Charles Il.
Mais, s'il est très présent dans le drame, on le voit surtout
chasser la femme.
Sa puissance politique, sans frein vis-à
vis de ses sujets, est par ailleurs étroitement limitée.
Florence est en effet une cité vaincue, maintenue sous la
tutelle de la papauté et de l'Empire germanique.
Aussi la
marge de manœuvre du duc est-elle fort étroite face aux
prétentions des vrais puissants (1, 4).
Charles Il comme
Alexandre sont des hommes politiques démissionnaires.
Aussi peut-on se demander qui exerce vraiment le pouvoir.
Dans Lorenzaccio, le pouvoir décisif appartient au
pape et à l'empereur.
Ceux-ci sont représentés activement par la garnison allemande ou par des individus secrets,
aux fonctions mal établies; comme le cardinal Cibo.
Dans
Ruy Blas, les vrais gouvernants sont les conseillers d'État
(111,_1),, ou don Salluste, l'ancien premier ministre, l'homme
des intrigues souterraines.
Ces personnages représentent
une face obscure, mais puissante, du pouvoir politique.
,-,
Une société exploitée, asservie,
et corrompue ,_
, Le duc de Florence ne se soucie ni du· bonheur du
peuple ni de l'amour que celui-ci pourrait' lui porter;....
»
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