URSS (1982-1983): De Brejnev à Andropov Le décès, le 10 novembre 1982, de Leonid Illitch Brejnev a probablement mis fin...
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URSS (1982-1983): De Brejnev à Andropov
Le décès, le 10 novembre 1982, de Leonid Illitch Brejnev a probablement mis fin
à une période importante de l'histoire de l'URSS.
Mais la désignation, deux
jours plus tard, de Youri Andropov au poste de secrétaire général du PC
soviétique n'en ouvre pas forcément une nouvelle...
Derrière l'image de l'homme "le plus décoré de l'Union soviétique", le défunt
était resté ce qu'il avait toujours été: un petit fonctionnaire.
Son successeur,
connu à l'extérieur pour avoir dirigé le KGB de 1967 à 1982, est sans doute un
personnage plus complexe que le "super-flic" souvent décrit.
Il possède en effet
une expérience peu commune au regard de ses prédécesseurs.
Reste à savoir si
elle suffira pour régler les problèmes urgents accumulés depuis deux ou trois
ans.
L'héritage
L'héritage économique est sans doute le plus controversé.
Quand Brejnev,
Kossyguine et Podgorny remplacent Khrouchtchev en 1964, plusieurs mauvaises
récoltes viennent de se succéder et l'URSS sort d'une année (1962-1963)
particulièrement difficile sur le plan économique.
De 1965 à 1975 en revanche,
la croissance annuelle de l'économie sera importante: 7,34% en moyenne de 1965 à
1969 et 6,65% de 1970 à 1974, selon les données soviétiques (5,05% et 4,82%
selon les sources américaines qui tentent d'éliminer les doubles comptes
inhérents à la comptabilité soviétique).
Depuis 1975 pourtant, cette croissance
s'est ralentie: 4,52% en moyenne pour 1975/1979 (3,25% selon les Américains) et
2,87% de 1980 à 1982.
Ce développement, voulu par les dirigeants soviétiques, devait profiter à la
population, à qui on avait promis une hausse régulière de la consommation.
De
fait, la consommation de viande, qui était de 40 kg par an et par personne en
1960, atteignait 57 kg en 1975.
Pour 1 000 habitants, on comptait 10
réfrigérateurs en 1960, et 178 en 1975 ; 13 machines à laver en 1960 et 189 en
1975 ; 22 téléviseurs en 1960 et 214 en 1975.
Pourtant, depuis cette année-là,
le développement de la consommation semble marquer le pas.
Il y a stagnation et
parfois régression de la consommation de biens alimentaires.
Concernant les
produits manufacturés, les indices de 1980 sont peu différents de ceux de 1975
ou 1976.
Mais il y a pire.
Malgré la croissance et l'effort qui devait porter
sur la consommation, l'URSS est à la traîne au sein du Comecon.
Quand en 1980,
le Soviétique mange 56 kg de viande par an, l'habitant de la RDA en consomme
89,4 kg, et le Polonais 82 kg...
Seuls la Bulgarie et Cuba présentent, dans les
annuaires du Comecon, des indices inférieurs à ceux de l'URSS.
Cette croissance n'a pu, en outre, résoudre les problèmes traditionnels de
l'économie soviétique.
Les investissements restent en effet peu efficaces et la
qualité des produits est inférieure aux normes.
Le retard technologique
vis-à-vis des industries occidentales est loin de se réduire.
Dans certains
domaines, comme par exemple les ordinateurs, il s'accroît.
L'agriculture reste
toujours aussi dépendante des conditions météorologiques: la récolte de céréales
peut ainsi varier de 270 millions de tonnes à 149 millions, comme en 1981.
Sans
parler de la vétusté des transports: une part non négligeable de la production
est en effet perdue à cause de leur lenteur.
L'héritage politique est également contrasté.
Sous la férule de Brejnev, l'URSS
a incontestablement connu une période de stabilité politique.
Mais si les
"purges" sanglantes ont disparu, la faible rotation des cadres a engendré
l'immobilisme et le vieillissement des responsables.
Ainsi, Andropov faisait
figure, à 68 ans en 1982, de "jeune" parmi les dirigeants.
En mars 1980, les
membres officiels du Politburo avaient en moyenne 69 ans (57 en 1966) ; et la
moyenne d'âge des premiers secrétaires des organes régionaux du Parti était de
55 ans (49 en 1966).
Ce vieillissement des cadres supérieurs creuse un fossé
profond vis-à-vis des cadres intermédiaires, souvent plus jeunes d'une
génération.
Si le pouvoir a, tout au long de cette période, réussi à gérer les conséquences
de la déstalinisation, à liquider la "dissidence" et à remettre au pas les
intellectuels, il a cependant échoué sur un point important.
Il ne bénéficie ni
d'un consensus stable ni d'une légitimité profonde au sein de la population.
Khrouchtchev avait prétendu renouer avec les traditions du "léninisme" (par
opposition au "stalinisme") et il s'appuyait sur l'immense espoir soulevé par
ses mesures de libéralisation.
Brejnev, lui, promettait une augmentation du
niveau de vie.
Or, depuis quelques années, l'incapacité de l'économie soviétique
à tenir cette promesse est devenue évidente.
Mais les réactions que cela a
provoqué dans la population semblent encore loin d'ébranler l'assise du pouvoir.
Car l'omniprésence et l'efficacité de la répression ont empêché que s'affirme la
moindre opposition politique.
Aussi n'est-il pas surprenant d'observer le
recours croissant à des échappatoires individuels, comme l'alcoolisme, devenu un
véritable fléau.
D'un autre côté, on a vu aussi se développer à grande échelle
des comportements en fait anciens, qu'il serait faux d'assimiler à une remise en
cause du système: montée de l'absentéisme, lié au développement d'une économie
et d'une société parallèles, avec ses trafics, ses combinaisons semi-légales ou
parfois franchement illégales, permettant aux Soviétiques de pallier
l'inefficacité de l'économie planifiée.
Un monde qui engendre les
enrichissements rapides, la multiplication de la "délinquance économique" et la
corruption, mais qui tend aussi à s'inscrire dans la logique même d'un système
de domination complexe dont la face "officielle" et la face "cachée" se
renforcent mutuellement.
Reste l'héritage international.
Khrouchtchev avait voulu assurer la sécurité de
l'URSS au moyen d'un "parapluie" nucléaire.
En 1963, il disposait de 58 missiles
de croisière et de 108 missiles balistiques sur sous-marins.
Une force loin
d'être ridicule face aux 196 missiles "Polaris" américains...
Cela ne l'a pas
empêché de subir un échec important lors de l'affaire des "fusées de Cuba".
Ses
successeurs en tireront une leçon: la nécessité d'asseoir les prétentions
mondiales de l'URSS sur une imposante force militaire, nucléaire et classique.
Cet instrument a sans doute coûté fort cher (entre 10% et 12% par an du PNB
soviétique, affirment les Américains).
A-t-il pour autant été efficace?
L'Union soviétique a enregistré des succès internationaux importants, en Afrique
et en Asie.
Mais elle a subi de nombreux revers au Moyen-Orient (Égypte,
Somalie, Irak).
Sa puissance militaire ne l'a pas empêchée de s'enliser en
Afghanistan.
Et surtout, elle a réveillé la crainte des pays occidentaux.
La fin
de la détente, l'effort d'armement des États-Unis et de l'OTAN ne semblent
pourtant pas laisser d'autre alternative à l'URSS que la poursuite de la course
aux armements.
Or, ses faiblesses économiques et son retard technologique la
placent, dès le départ, en situation défavorable.
Cette puissance militaire n'a en tout cas pas permis d'éviter l'aggravation de
la crise du "bloc" soviétique.
La mise au pas de la Tchécoslovaquie en 1968, n'a
pas empêché la crise polonaise.
Économies chancelantes, pouvoirs politiques
discrédités, montée des mouvements sociaux: tel est le tableau, sur les bords de
la Baltique, mais aussi en RDA et en Roumanie.
Et rien n'est encore réglé en
Pologne même si les Soviétiques y ont évité l'intervention directe en 1982.
La crise économique
Dès son entrée en fonctions, Youri Andropov devait affronter ce qui constituait
sans doute le principal problème de l'heure: la détérioration de la situation
économique.
Les résultats de 1981 étaient déjà assez mauvais: les statistiques
officielles faisaient état d'une croissance du "produit matériel net" utilisé de
3,2%, avec une croissance de la production industrielle de 3,4%.
Mais les
transports n'augmentaient que de 2,4% et la production agricole diminuait de 2%,
après déjà deux années de déclin.
Surtout, les indicateurs donnés par produits
en quantités physiques indiquent des résultats souvent négatifs ou stagnants,
difficiles à concilier avec les chiffres de la croissance globale.
Cette
anomalie s'explique vraisemblalement par un niveau d'inflation qui n'est plus
négligeable - et qui n'est d'ailleurs que très partiellement pris en compte sur
le plan des prix.
Ce dernier phénomène se retrouve dans les résultats de 1982, par....
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