URSS (1986-1987) : La "perestroïka" Quel dynamisme! En quelques mois, Mikhaïl Gorbatchev a changé le ton de la politique soviétique....
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URSS (1986-1987) : La "perestroïka"
Quel dynamisme! En quelques mois, Mikhaïl Gorbatchev a changé le ton de la
politique soviétique.
Son objectif: moderniser l'économie et, pour ce faire,
transformer les mentalités.
Y a-t-il eu changement fondamental? Certes non.
Il
n'est pas question de s'écarter du socialisme, ni d'affaiblir le système
politique, dont les fondements restent le monopole du pouvoir et le rôle
dirigeant du Parti, mais plutôt de renforcer le système en améliorant son
fonctionnement.
Tel est l'objet de la restructuration (perestroïka) activement
entreprise par Gorbatchev.
Pour mener à bien sa nouvelle politique, il fallait des hommes neufs.
De
nombreux responsables vieillis, incompétents, corrompus ou simplement
brejnéviens, dans le Parti comme dans l'administration, ont été écartés en 1985
et en 1986.
Dans les organes dirigeants, le résultat a été spectaculaire: en
avril 1987, il ne restait plus au Politburo, outre Gorbatchev, que deux des
titulaires de 1981 (XXVIe Congrès): Andreï Gromyko, président du présidium du
Soviet suprême, et Vladimir Chtcherbitski, Premier secrétaire du Parti
ukrainien.
Au Secrétariat, il n'en restait qu'un: Vladimir Dolguikh ; sur les
douze membres que compte cet organe, sept ont été élus en 1986 et 1987.
Deux
hommes, outre Gorbatchev, se détachaient au-dessus des autres du fait de leur
double appartenance au Secrétariat et au Politburo: Egor Ligatchev, l'idéologue
du Parti, le gardien de l'orthodoxie, et Lev Zaïkov (élu, ce qui est rare,
directement titulaire le 6 mars 1986), chargé des questions d'industrie et de
défense.
Si ce renouvellement a permis à Gorbatchev de consolider sa position,
cela ne signifie pas qu'il ait tous les pouvoirs comme l'atteste le fait que le
plénum du Comité central du Parti (27-28 janvier 1987) ait été différé trois
fois à cause de débats internes.
Le chef du Parti a dû tenir compte, par
ailleurs, des résistances auxquelles s'est heurté dans le pays son projet de
société.
Modernisation économique
La modernisation économique, Gorbatchev en est persuadé, ne peut se faire sans
la participation active de la société.
Il faut donc lui faire prendre conscience
des résultats négatifs de la politique brejnévienne et du gaspillage des
ressources, la convaincre que des changements s'imposent, modifier les
mentalités et les comportements solidement ancrés (faible productivité,
corruption généralisée, individualisme, déresponsabilisation).
Le secrétaire
général s'y est employé personnellement: il a parcouru le pays, dramatisé la
situation - si la croissance économique ne redémarre pas, a-t-il affirmé,
l'échec du socialisme doit être envisagé -, parlé des difficultés, appelé à
l'effort.
Les médias ont adopté la "transparence" (qui est loin d'être totale,
mais qui constitue un dégel), pour agir sur la psychologie des citoyens et
déstabiliser ceux qui refusaient le cours nouveau.
Dans une seconde étape, Gorbatchev a entrepris de libérer le
créateur" des individus en transformant leur état d'esprit à
travail.
La vieille tactique de la carotte et du bâton a été
rétablissement d'une hiérarchie des salaires en fonction des
"potentiel
l'égard de leur
reprise:
compétences et des
résultats, augmentation de l'offre à la consommation.
Critiques publiques et
sanctions se sont multipliées.
Des décrets ont été adoptés, les 15 et 23 mai
1986, pour lutter plus efficacement contre les revenus illicites.
La gestion de
l'entreprise a fait en outre l'objet d'une attention particulière.
Le
centralisme n'a pas été remis en question, mais l'appareil central doit
désormais se concentrer sur la définition des grandes orientations économiques
et laisser aux entreprises (ainsi qu'aux soviets locaux) une plus grande
autonomie.
De nouvelles méthodes de gestion ont été généralisées dans certaines
branches industrielles à partir de janvier 1987 ; un projet de loi sur
l'entreprise d'État a été publié le 8 février.
Pour responsabiliser les autorités politiques et économiques et rendre les
citoyens plus actifs, Gorbatchev a voulu approfondir ce que les Soviétiques
appellent la démocratie socialiste.
Devant le Comité central du Parti
communiste, il s'est prononcé pour des modifications du système électoral
(pluralité des candidatures, vote à bulletin secret).
Déjà mise en pratique çà
et là, à la fin 1986 et au début 1987, cette proposition devait être appliquée,
à titre expérimental, lors des élections aux soviets locaux de l'été 1987.
Dans le même ordre d'idées et dans l'espoir d'améliorer le secteur très peu
développé de la consommation, de stimuler la concurrence et de résorber le
travail au noir, Gorbatchev a fait appel à l'initiative privée.
Encouragée dans
l'agriculture où elle existait déjà (lopins individuels), l'activité privée,
exercée sur une base familiale, a été autorisée dans d'autres domaines par la
loi du 19 novembre 1986, entrée en application le 1er mai 1987.
Les arrêtés des
12 et 13 février ont permis la création de coopératives de production (biens de
consommation, services, restauration).
Enfin, dans le domaine du commerce extérieur, une réforme a été amorcée, pour la
première fois depuis Lénine.
Elle prévoit l'assouplissement du monopole de
l'État et la constitution, dans certaines conditions, de sociétés mixtes
soviéto-occidentales (décret du 13 janvier 1987).
Avec la catastrophe nucléaire de Tchernobyl le 26 avril et la baisse des prix
mondiaux du pétrole, 1986 a été pour l'URSS une année dure.
Les résultats, bien
que difficiles à analyser en raison des changements d'indicateurs, paraissent
plutôt positifs - le revenu national "produit" a augmenté de 4,1% par rapport à
1985 (alors que le Plan ne prévoyait que 3,9%), mais le revenu national
"utilisé" a augmenté de 3,6% contre 3,8% planifiés.
Certains secteurs, comme
l'agriculture ou le pétrole, ont connu un redressement même si le Plan n'a pas
été réalisé.
1986 n'est-elle qu'une année de mise en route? L'ambition de Gorbatchev est
"très grande: "d'ici la fin du siècle", "multiplier par deux le revenu
national", doubler le potentiel de production, le transformer qualitativement,
atteindre les taux de productivité les plus hauts du monde.
Le XIIe plan, adopté
le 19 juin 1986, doit instaurer le nouveau cours, renverser les tendances
négatives, augmenter le revenu national de 22,1%.
Pour que cet objectif soit
atteint, la politique de restructuration doit rapidement donner des résultats.
Or la voie est étroite et difficile.
Ambiguïtés
Rééditions de la réforme avortée de 1965 ou prolongements des démarches
entreprises par Iouri Andropov, les mesures adoptées ne constituent pas, pour la
plupart, des nouveautés.
Mais surtout, elles n'introduisent ni des changements
radicaux ni des modifications structurelles.
Même si sa volonté d'aboutir est
très forte, comment le pouvoir conciliera-t-il des objectifs politiques,
économiques et sociaux différents, parfois contradictoires? Comment pourra-t-il
efficacement étendre l'autonomie des acteurs dans un système politique qui exige
le monopole du pouvoir, y compris en matière économique? On relève déjà de
nombreuses ambiguïtés.
Ainsi, le monopole du commerce extérieur a été assoupli,
mais le pouvoir du centre a été renforcé par la création, le 19 août 1986, d'une
sorte de super-ministère du Commerce extérieur.
Une plus grande autonomie a été
donnée aux entreprises, mais leur approvisionnement est resté centralisé.
Elles
pourront être mises en faillite et les incompétents seront punis, mais la
sécurité de l'emploi continue à être garantie, même si la définition de celle-ci
a changé.
Les candidatures multiples aux élections sont souhaitées, mais la
sélection des candidatures reste l'affaire du Parti.
Aux intellectuels,
Gorbatchev a donné plus de liberté, mais il leur a demandé en même temps de
soutenir le processus de redressement!...
Bref, il veut concilier des actions
centrifuges qu'il juge nécessaires à la dynamisation du pays avec la force
centripète que constitue le système politique, le maintien indispensable de
l'emprise du Parti sur une société qui a une extraordinaire force d'inertie.
Gorbatchev a explicitement mis la politique étrangère au service de la politique....
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