URSS (1987-1988): Heurts et malheurs de la "perestroïka" Le processus de restructuration "se déroule difficilement, de manière complexe et contradictoire,...
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URSS (1987-1988): Heurts et malheurs de la "perestroïka"
Le processus de restructuration "se déroule difficilement, de manière complexe
et contradictoire, mais il se déroule".
C'est ainsi que Mikhaïl Gorbatchev a
décrit, à juste titre, le 9 juin 1987, la situation de l'URSS.
Sa perestroïka,
sa "révolution sans coups de feu" a progressé, mais s'est heurtée, comme il s'y
attendait, à des difficultés et à des résistances.
La restructuration en marche
Le 1er janvier 1988, le coup d'envoi a été donné à la réforme économique.
Après
des mois de discussion, le Comité central (CC) du Parti communiste (PCUS) a
approuvé en juin 1987 les grandes lignes du nouveau mécanisme économique qui
doit être mis en place d'ici le lancement du XIIIe plan quinquennal en 1991.
Et
la loi sur l'entreprise, l'élément essentiel de la revitalisation du système,
est entrée en vigueur le 1er janvier, concernant dans un premier temps quelque
60% de la production.
Elle a augmenté la marge de manoeuvre de l'entreprise en
lui accordant une autonomie financière, en la dégageant de la pesante tutelle
des bureaucraties centrales, notamment en diminuant radicalement les commandes
d'État.
Pour lui donner tout son sens, il est prévu de la compléter par une
révision du système de fixation des prix - destinée en particulier à refléter
les coûts de production, de créer un commerce de gros des moyens de production,
et de transformer le système d'éducation et de formation.
La restructuration est partie de la constatation du déclin économique de l'URSS,
qui pourrait, selon certaines études, ne plus être que la troisième puissance
économique mondiale en 1990, voire la quatrième en 2010.
La volonté d'inverser
cette tendance a poussé M.
Gorbatchev à admettre la nécessité d'une certaine
démocratisation et d'une certaine transparence (glasnost) pour vaincre l'apathie
de la société.
C'est dans ce dernier domaine que les changements ont été les
plus tangibles.
Une liberté d'expression, impensable quelques mois auparavant,
s'est développée.
Journaux et revues, en nombre croissant, ont ouvert leurs
colonnes à des débats parfois très critiques sur les problèmes, notamment
économiques et sociaux, du pays.
Des oeuvres jusque-là interdites de Boris
Pasternak (Le Docteur Jivago), Vassili Grossman (extraits de Vie et Destin),
Anatoli Rybakov (Les Enfants de l'Arbat), Lydia Tchoukovskaia, Vladimir Nabokov,
Nicolas Goumilev, Anna Akhmatova, etc., ont été publiées dans des revues qui
leur ont assuré une large diffusion.
Cette réanimation de la vie intellectuelle
et culturelle a entraîné un vaste débat sur la perestroïka et de nouvelles mises
en cause de Staline.
Une relance de la déstalinisation s'en est suivie: une
commission d'enquête sur les victimes de Staline a été créée en novembre 1987.
Nicolaï Boukharine et Alekseï Rykov, deux des proches compagnons de Lénine,
exécutés en 1938, ont été réhabilités le 5 février 1988 ; en juin, ce fut le
tour de G.
Zinoviev, L.
Kamenev, et K.
Radek ; le mythe de Pavlik Morozov,
présenté pendant des années comme un modèle de conscience révolutionnaire pour
avoir, à douze ans, dénoncé ses parents, a été critiqué en mars...
Ce dégel a
permis au pouvoir en quelque deux ans de s'assurer le soutien d'intellectuels de
plus en plus nombreux.
Le rôle essentiel de ces derniers dans le réveil de la
conscience sociale a été reconnu.
Tout en faisant progresser sa politique, M.
Gorbatchev a continué à conforter
ses positions.
Au Bureau politique, il a fait élire quatre de ses proches, déjà
secrétaires du CC, directement en prise avec les secteurs clés de la
restructuration: Victor Nikonov (agriculture), Nicolaï Sliounkov (questions
économiques), Alexandre Iakovlev (propagande et culture), Gueorgui Razoumovski
(travail organisationnel du Parti).
Parallèlement, il a critiqué et sanctionné
les responsables n'ayant pas obtenu les résultats escomptés.
Ainsi, après
l'atterrissage sur la place Rouge d'un jeune Allemand de l'Ouest (28 mai 1987),
le ministre de la Défense, le maréchal Sokolov, et le vice-ministre de la
Défense, commandant en chef des forces de défense antiaérienne, le maréchal
Koldounov, ont été d'office démis de leurs fonctions.
Il a fallu toute la détermination de M.
Gorbatchev pour parvenir à ces
résultats.
Les résistances ont en effet été très fortes, ce qu'il a reconnu à
plusieurs reprises, en appelant ses compatriotes à tenir ferme dans les
difficultés que suscite la mise en oeuvre de la perestroïka.
Résistances
Si la nécessité de moderniser le pays semble faire l'objet d'un consensus dans
les organes dirigeants, de sérieuses dissensions sont en revanche apparues sur
les méthodes à adopter, le rythme à suivre et les limites à ne pas dépasser.
La
démission et l'autocritique, le 11 novembre 1987, de Boris Eltsine, chef de
l'organisation du Parti de Moscou, membre suppléant du Politburo, fervent
partisan de la restructuration, à la suite d'un différend lors du plenum du 21
octobre avec Egor Ligatchev, le "numéro deux" du Parti, considéré comme le chef
de file des conservateurs, a été un grave revers pour Mikhaïl Gorbatchev.
Cette démission semble avoir été le point culminant d'une crise politique qui
couvait depuis le début de l'été.
Le secrétaire général, après avoir renforcé
ses positions au détriment de E.
Ligatchev lors du plenum de juin, a semblé par
la suite perdre du terrain.
Ses "vacances" d'été ont été exceptionnellement
longues (plus de sept semaines).
Pendant cette absence, E.
Ligatchev s'est, à
plusieurs reprises, posé en gardien de l'orthodoxie.
Lors du soixante-dixième
anniversaire de la Révolution, au lendemain du plenum du 21 octobre, M.
Gorbatchev s'est montré plus attentiste que prévu.
Son discours du 8 janvier
témoignait d'une nécessité de recentrage.
S'il a par la suite regagné du
terrain, il a continué à affronter des résistances.
Le 13 mars, les
conservateurs lançaient une offensive en publiant dans Sovietskaïa Rossia un
article dénoncé le 5 avril par la Pravda comme une "plate-forme idéologique, un
manifeste des forces anti-perestroïka" dont l'objectif est de "réviser les
décisions du Parti".
L'approche de la conférence nationale du PCUS, convoquée
pour la première fois depuis 1941, le 28 juin 1988, pour débattre de la
démocratisation à l'intérieur du Parti et des rapports entre celui-ci et l'État,
ne pouvait qu'exacerber les oppositions.
Il était inévitable que la perestroïka
en suscite.
Bureaucrates et cadres sont réticents à mettre en oeuvre une réforme
dont ils risquent de faire les frais.
L'annonce de la nécessité de licenciements
massifs - vingt millions à terme, dans un pays qui, officiellement, ne comptait
pas de chômeurs -, de hausses de prix, de baisses de salaires (pour les
incompétents)...
a inquiété la population.
L'histoire a été un autre sujet de
litige.
Les conservateurs comme Ligatchev se sont insurgés contre ceux qui
"présentent (le) passé comme une succession d'erreurs et de crimes".
Les
réformateurs ont estimé impossible une véritable restructuration si le pays ne
regarde pas son passé en face, ne reconnaît pas où, quand et comment le Parti a
pu faire des erreurs.
La question est grave: admettre que celui-ci s'est trompé
met en cause son infaillibilité.
Tout le système politique peut en être ébranlé.
De bons résultats économiques auraient permis de galvaniser les énergies.
Cela
n'a pas été le cas.
Ceux de 1987, inférieurs à la fois à ceux de 1986 et aux
objectifs fixés par le Plan, ont été décevants.
La croissance s'est ralentie:
elle a augmenté de 2,3% (contre 4,1% en 1986), alors que les prévisions étaient
de 4,1% ; la productivité du travail, elle, n'a cru que de 2,4% (contre 4%
prévus).
Les objectifs de production n'ont été réalisés ni dans l'industrie
(sauf dans le secteur de l'énergie) ni dans l'agriculture.
La population n'a pas
constaté d'amélioration dans la vie quotidienne.
Ce médiocre bilan, confirmé au
premier trimestre 1988, laisse mal augurer du succès de l'ambitieux programme de
relance économique.
D'autant plus que la mise en place des réformes s'est faite
très lentement.
La part des commandes d'État, par exemple, est restée dominante,
empêchant l'établissement de liens directs entre les entreprises.
La réforme des
prix a été repoussée à 1990.
Le secteur privé et coopératif ne s'est pas
développé autant que le souhaitait le pouvoir...
La restructuration et la
transparence n'ont pas eu, dans le domaine économique, les résultats positifs
escomptés.
Elles ont en outre débouché sur de très vives tensions nationales.
Tensions nationales
Après les émeutes d'Alma-Ata en décembre 1986, les manifestations de sentiments
nationaux se sont multipliées.
Les Tatars de Crimée ont repris....
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