Vauvenargues, dans Réflexions et Maximes, écrit : « Il y a des hommes qui veulent qu'un auteur fixe leurs opinions...
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Vauvenargues, dans Réflexions et Maximes, écrit : « Il y a des hommes qui
veulent qu'un auteur fixe leurs opinions et leurs sentiments, et d'autres qui
n'admirent un ouvrage qu'autant qu'il renverse toutes leurs idées, et ne leur
laisse aucun principe d'assuré.
» Faites part des réflexions que vous inspire ce
jugement en vous efforçant de préciser dans quelle mesure chacune de ces
deux attitudes peut répondre à ce que, personnellement, vous attendez de vos
lectures.
Situation
Vauvenargues, moraliste français, écrit ses Maximes en 1746.
C'est dire que la phrase
reproduit un certain classicisme, mais tient compte, aussi, du mouvement des idées du
XVIIIe siècle.
Toutefois, l'époque importe peu pour traiter le sujet puisque le libellé
réclame l'engagement personnel de l'élève.
En outre, contrairement à l'avis de l'écrivain,
la phrase qui suit la citation constate que les deux attitudes coexistent en chacun.
On
devra simplement indiquer sa préférence en jouant, à ce stade, totalement le jeu de la
sincérité.
Qu'attend-on de la lecture?
Les propositions de Vauvenargues :
— «...des hommes qui veulent qu'un auteur fixe leurs opinions et leurs sentiments.
»
Un tel lecteur cherche à être rassuré, conforté.
Il a besoin de sécurité et de certitude.
On peut dresser deux portraits : l'homme s'est déjà formé une opinion sur le sujet traité,
il a déjà éprouvé le sentiment décrit.
Il ressent un réconfort à reconnaître ce qu'il croit ;
un plaisir à rencontrer une pensée sœur.
Il se trouve plus assuré, puisqu'il a la caution d'un auteur.
Parfois le lecteur n'a qu'une opinion vague et incertaine, un sentiment mal formulé.
L'attrait est alors celui de la découverte, de l'autre, mais surtout de soi.
Pour peu que la
forme soit brillante, elle apporte de l'éclat à notre propre réflexion.
— «...admirer un ouvrage qu'autant qu'il renverse toutes les idées et ne laisse aucun
principe d'assuré.» Cette phrase correspond au goût du changement.
Le lecteur aime
être bousculé, bouleversé, «secoué».
Il apprécie la remise en question des idées reçues
et particulièrement des siennes.
Il veut de l'étonnement et de la surprise, il souhaite
éprouver le choc des idées, des formes.
Le verbe «admirer» convient bien; le livre va à
l'encontre du lecteur et prouve ainsi une certaine supériorité.
Existe-t-il d'autres attentes ?
— Le désir d'acquérir des connaissances commande parfois l'achat d'un livre.
A priori,
cette motivation échappe à ce qu'indique Vauvenargues.
Pourtant, un savoir n'est jamais
neutre, il obéit à un besoin.
Parfois on recherche les informations qui vont conforter notre
jugement, parfois qui vont le bouleverser.
— L'évasion répond aussi à une attente du lecteur; le roman s'y prête particulièrement.
Cependant, il représente toujours un univers, une pensée.
La fiction sert également la
vérité.
Les situations extrêmes éclairent le quotidien.
Conclusion provisoire
L'évasion et la connaissance se rattachent donc aux solutions proposées par
Vauvenargues.
Nous avons envisagé deux types de caractères, comme y invite la
citation.
Cependant, chacun peut tour à tour, suivant les circonstances, espérer ces
apports contradictoires.
Comment un ouvrage peut-il fixer des opinions et des sentiments?
Il ne s'agit plus ici d'étudier la réaction du lecteur mais le fonctionnement de l'œuvre par
rapport à une attente.
Lorsque l'auteur écrit qu'une œuvre «fixe» des opinions et des
sentiments, il veut dire que le livre exprime clairement une idée.
Il cristallise une
impression autour d'un personnage, d'une situation.
Il donne une forme.
La réalité est
diverse, changeante, fluctuante.
Le roman, la pièce de théâtre sélectionnent les
éléments, imposent leur unité.
Tout converge et s'ordonne.
La vision devient cohérente.
A travers ses contradictions, Lorenzaccio va au bout de son destin.
Les descriptions dans
les romans de Balzac s'accordent aux caractères.
En poésie même, le processus est
identique.
Senghor, dans l'épreuve 16 déclare : «Je fixe dans l'Éternel.»
Comment un ouvrage peut-il renverser les idées?
L'explication rejoint la précédente.
En effet, pour bouleverser des opinions, l'œuvre doit
de la même façon cristalliser une pensée.
Simplement, le résultat est contraire à ce que
nous venons d'étudier parce que la forme obtenue choque le lecteur.
Existe-t-il des œuvres spécifiques pour «fixer» et «renverser»? Pour le premier cas, on
pense plutôt à des œuvres de convention.
A la recherche de sécurité, le lecteur aime une
littérature conformiste et moralisante au sens un peu péjoratif du terme.
L'œuvre
comporte un message clair, de fonction didactique.
Cependant, une telle analyse est un
peu sommaire.
Les comédies de Molière, de Beaumarchais portent une charge assez
forte.
Elles s'attaquent aux travers de l'homme.
Figaro fait le procès des nobles.
Les
critiques n'ont pas pour seul but de tout bouleverser.
Elles créent une nouvelle morale,
un nouvel ordre idéal.
Si le spectateur croit à la valeur de ces critiques,....
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