Veuillez procéder au commentaire de l'arrêt rendu le 26 novembre 2002 par la Chambre sociale de la Cour de cassation...
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«
Veuillez procéder au commentaire de l'arrêt
rendu le 26 novembre 2002 par la Chambre sociale
de la Cour de cassation
Sur le moyen unique :
Vu les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du Code civil, 9 du
nouveau Code de procédure civile et L.
120-2 du Code du travail.
Attendu qu'il résulte de ces textes qu'une filature organisée par
l'employeur pour contrôler et surveiller l'activité d'un salarié consti
tue un moyen de preuve illicite dès lors qu'elle implique nécessaire
ment une atteinte à la vie privée de ce dernier, insusceptible d'être
justifiée, eû'égard à son caractère disproportionné, par les intérêts
légitimes de l'employeur.
Attendu que Mme Y...
a été engagée le 6 janvier 1993, en qualité
de déléguée spécialiste exclusif par la société Lederlé, aux droits de
laquelle vient la société Wyeth-Lederlé, exploitant un laboratoire
pharmaceutique ; qu'elle devait exercer son activité dans un secteur
géographique déterminé selon les fonctions définies par l'article 1er de
l'avenant relatif aux visiteurs médicaux de la convention collective
nationale de l'industrie pharmaceutique ; qu'elle a été licenciée pour
faute grave par lettre du 10 jui�let 1997 aux motifs de fausses déclara
tions d'activité et de réunions d l information médicale ainsi que de
fausses déclarations de frais révé ées à la suite d'un contrôle effectué
par un supérieur hiérarchique qui s'est posté à proximité de son domi
cile.
Attendu que pour dire que le licenciement de la salariée procédait
d'une faute grave et rejeter ses demandes, la cour d'appel énonce que
le moyen tiré du calactère illicite du contrôle de l'activité de la sala
riée effectué par son supérieur hiérarchique qui s'est posté à proxi
mité du domicile de la salariée les 12 et 13 juin 1997 doit être écarté,
que le rapport de contrôle établi par ce supérieur qui se borne à relater
les allées et venues de la salariée, s'il ne suffit pas à prouver l'exis-
tence de la faute imputée à la salariée, d'autant qu'il ne peut lui être
attachée que la valeur probante d'une attestation, autorisait
l'employeur à douter de la sincérité des comptes rendus de sa délé
guée et partant à vérifier objectivement les allégations de celle-ci ;
qu'elle ajoute que l'employeur a loyalement communiqué à la salariée
la teneur des constatations de son supérieur hiérarchique dès qu'il en
a été destinataire et qu'il est établi que confrontée à ces constatations,
la salariée n'a pu réaliser les visites figurant dans ses rapports d'acti
vité et a fait de fausses déclarations d'activité et-de frais profession
nels ; qu'elle en conclut que la salariée a violé une obligation essen
tielle tant de la convention collective applicable que de son contrat de
travail et a rendu impossible la poursnite de la relation contractuelle
même pendant la durée du préavis.
Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur ne pouvait se fonder
pour retenir l'existence d'une faute grave de la salariée sur le rapport
établi par son supérieur hiérarchique dressé à la suite d'une filature, la
cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS:
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le
23 février 2000, entre les parties, par la Cour d'appel de Nancy ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la
Cour d'appel de Colmar.
Corrigé
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Dès lors qu'il envisage de licencier un salarié, l'employeur doit alléguer
une cause réelle et sérieuse•.
Bien que la charge de la preuve n'incombe pas
particulièrement à l'une ou l'autre des parties, dès lors qu'une faute grave2
est reprochée au salarié, le fardeau de la preuve des faits fautifs pèse sur
l'employeur qui l'invoque3•
1.
C.
trav., art.
L 122-14-3.
2.
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent
une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une
importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée
du préavis (Cass.
soc., 26 fév.
1991: RJS 1991, n° 448; Bull.
civ.
V.
n° 97).
3.
Cass.
soc., 12 mai 1993, Bull.
civ.
V.
n° 137.
Inspirée par l'article L 122-43 du Code du travail
relatif au contentieux disciplinaire, la loi du 2 aoOt 1989, énonce « si un double subsiste, il profite au
salarié» (C trav., art.
L 122-14-3, al.
2).
Afin de contrôler l'activité des salariés, l'employeur peut mettre en place
différents dispositifs de surveillance, dont la diversification et la multiplication
sont assurées par les nouvelles technologies.
Aussi, depuis plus de dix ans, la jurisprudence a posé différentes limites
aux choix et prérogatives de l'employeur en cette matière.
La décision rendue par la Cour de cassation le 26 novembre 2002 doit
être remarquée.
Madame Y.
est déléguée médicale pour le compte d'un laboratoire phar
maceutique.
Soupçonnant de fausses déclarations d'activités de la part de
cette salariée, l'employeur fait procéder, par un supérieur hiérarchique, à un
contrôle de ses allées et venues.
Celui-ci établira un rapport de filature sur
lequel l'employeur s'appuiera pour démontrer la faute grave.
La salariée invoque le caractère illicite du moyen de preuve, mais la Cour
d'appel ne l'écarte pas totalement et reconnaît l'existence d'une faute grave.
Les juges du fond soulignent que l'attestation (le rapport de filature) commu
niquée à la salariée est un élément ayant pu faire douter le chef d'entreprise
de la sincérité de Madame Y...
Au visa des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du Code civil, 9 du nou
veau Code de procédure civile et L.
120-2 du Code du travail, la Chambre
sociale affirme :
« une filature organisée par l'employeur pour contrôler et surveiller /'activité d'un
salarié constitue un moyen de preuve illicite dès lors qu'elle implique nécessaire
ment une atteinte à la vie privée de ce dernier, insusceptible d'être justifiée, eu
égard à son caractère disproportionné, par les intérêts légitimes de l'employeur».
La solution est novatrice, qui décide que la filature ne peut jamais être jus
tifiée.
Nous rappellerons tout d'abord que l'employeur a le pouvoir de contrô
ler et de surveiller ses salariés, sur quels fondements et dans quelles condi
tions (1 re partie), pour ensuite constater que le respect de la vie privée
imposé par les textes prime sur ce pouvoir de surveillance (2° partie).
1 re PARTIE.
LE POUVOIR DE L'EMPLOYEUR DE CONTRÔLER
LES SALARIÉS
L'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses sala
riés pendant le temps de travail4 (A), mais il doit s'exercer dans le respect
des obligations contractuelles (B).
A.
Fondements du pouvoir de contrôler les salariés
Les prérogatives de l'employeur sont fondées sur le pouvoir de direction,
avec pour corollaire le droit d'infliger une sanction au salarié fautif.
4.
Un film vidéo, compte tenu des possibilités de montage et de trucage, ne présente pas les garan
ties suffisantes d'authenticité, d'impartialité et de sincérité, concernant tant sa date que son
contenu, pour pouvoir être considéré comme suffisamment probant, CA Aix-en-Provence, 4 janv.
i994:RJS /994,n" 23/ ;JCPE.
/994,pan.
1097.
5.
C.
trav., art.
L 122-40 s.
Pour évaluer les compétences et qualités professionnelles des salariés,
vérifier que les objectifs fixés par le chef d'entreprise sont réalisés, pour
apprécier l'exécution de la prestation de travail dans le cadre des obligations
contractuelles, etc., le chef d'entreprise peut mettre en place des dispositifs
de surveillance.
Le comportement professionnel des salariés peut alors être
établi et certains de leurs agissements effectivement prouvés.
Il faut ajouter que le lien de subordination unissant le salarié à son
employeur impose notamment la soumission aux directives du chef d'entre
prise et justifie ce droit de contrôle.
Pouvoirs de l'employeur et contrat de
travail en constituent les fondements.
Depuis déjà plus de dix ans, la Cour de cassation ne cesse d'affirmer que
les procédés dandestins constituent des moyens de preuve illicites qui ne peu
vent être retenus par le juge pour établir les faits allégués6 : l'employeur est
tenu par les obligations de loyauté7 et d'information8 inhérentes au contrat
de travail.
En l'espèce, convaincu des agissements fautifs de la salariée, l'employeur
décide de se ménager des preuves matérielles afin de licencier la salariée.
B.
L'exercice du pouvoir de contrôler les salariés
Aucun procédé en tant que tel, par sa nature, n'est expressément déclaré
illicite.
Mais, la jurisprudence a imposé une distinction : selon que les salariés
auront ou non été informés de la mise en place d'un moyen de surveillance,
le procédé sera déclaré, ou non, licite9•
Le défaut d'information des salariés
Ainsi, par exemple, l'employeur qui ne saurait invoquer à l'appui d'un
licenciement pour perte de confiance /'enregistrement d'une conversation
téléphonique utilisé à des fins déloyales 10•
L'entreprise ayant fait appel à une société extérieure, à l'insu de son per
sonnel, pour procéder au contrôle de l'utilisation des distributeurs de bois
sons et de sandwichs, le rapport de ladite société constituait un moyen de
preuve illicite11•
De même, les juges écartent des débats les résultats d'une enquête, utili
sés uniquement pour fonder une procédure disciplinaire à l'encontre d'un
salarié, alors que la mise en œuvre de ce dispositif de contrôle n'avait pas
été portée préalablement à la connaissance de celui-ci 12, comme l'enquête
effectuée à la demande de l'employeur par un cabinet de consultants privé
6.
Cass.
soc., 20 nov.
1991 : Dr.
soc.
/ 992, p.
28, rapp.
P.
Waquet : la cour d'appel qui retient
comme moyen de preuve un enregistrement effectué à l'insu de la salariée viole l'article 9 du nou
veau Code de procédure civile.
7.
C.
civ., art.
1134, al.
3 ; C.
trav., art.
L 120-4.
8.
C.
trav., art.
L 121-8.
9.
Lorsque la preuve des agissements fautifs résulte aussi des déclarations des agents de sécurité,
peu importe que le procédé de contrôle soit contesté, Cass.
soc., 8 déc.
1999 :
' RJS 2000, n° 11.
10.
CA Paris, 22° ch.
C, 2 nov.
1995: RJS 1996, n° 4, / "' esp.
°
11.
Cass.
soc., 15 mai 2001: RJS 200/, n° 830, I "' esp.
-Bull.
civ.
V.
n 519.
12.
CA Paris, 28 sept.
1995 : RJS 1996, n° 4, 2' esp.
auprès des clients d'un VRP sans que ces derniers ne soient informés du but
de l'étude réalisée 13•
Pour justifier la faute lourde (disparition de produits) alléguée à l'encontre
d'une vendeuse, la société a recours à un détective privé et organise sa sur
veillance par le personnel de l'entreprise : ces moyens de preuve sont illi
cites car c/andestins 14• La Chambre sociale décide que l'employeur qui fait
suivre le salarié par un détective privé, donc à l'insu de celui-ci, utilise un moyen
de preuve illicite.
Le licenciement est ainsi dépourvu de cause réelle et
sérieuse 1 5 1 6•
Il est donc surprenant que la Cour d'appel de Nancy n'ait pas jugé en ce
sens car l'employeur n'avait pas informé au préalable la salariée qu'un de ses
supérieurs hiérarchiques effectuait une filature en se postant près de son
domicile.
La communication a posteriori ne valide pas le procédé utilisé.
Le respect de l'information des salariés
Lorsque les salariés ont été dûment avertis de ce que leurs conversations
téléphoniques seraient écoutées, les écoutes réalisées constituent un mode
de preuve valable 17• Mais la production par l'employeur des relevés de factu
ration téléphonique, qui lui ont été adressés par la société France Télécom
pour le règlement des communications correspondant au poste du salarié,
ne constitue pas un mode de preuve illicite 18•
La Haute juridiction a par ailleurs jugé que l'employeur est libre de mettre
en place des procédés de surveillance des entrepôts ou autres locaux de
rangement qui n'enregistrent pas l'activité des salariés car ils n'y travaillent
pas ; il ne s'agit pas en ce cas de la surveillance des salariés, mais de celle des
locaux 1 9•
La loi impose également l'information des représentants du personnel.
Le
comité d'entreprise doit être informé et consulté préalablement à la mise en
œuvre de dispositifs de contrôle de l'activité des salariés20•
La formule adoptée par la....
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