Veuillez résoudre le cas pratique ci-dessous : Vous êtes saisi par la société Méléclair, directement concurrente de La Poste tchèque,...
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Veuillez résoudre le cas pratique ci-dessous :
Vous êtes saisi par la société Méléclair, directement concurrente de
La Poste tchèque, laquelle vient de s'associer à la société de droit
français Rapid Express par un échange croisé de participations.
Par cet échange, les deux entreprises ont souhaité renforcer leur
coopération commerciale sur le segment de la distribution express du
courrier entre la France et la République tchèque.
1) La Poste et Rapid Express sont-elles tenues de notifier leurs
engagements réciproques ?
Vous indiquerez devant quelle(s) autorité(s), et à quel moment la
notification est censée intervenir.
Vous avertirez également votre client des incidences sur le régime
de notification éventuellement opposable à La Poste tchèque et à
Rapid Express que pourrait avoir sur sa situation la révision attendue
du règlement n° 4064/89 du 21 décembre 1989.
2) Dans quelles conditions La Poste tchèque et Rapid Express
peuvent-elles être suspectées par Méléclair de détenir une position
dominante collective ?
Après avoir défini le marché p ertinent, vous expliquerez à
Méléclair les effets d'une telle qualification et indiquerez les moyens
judiciaires qui lui sont offerts de combattre ce comportement écono
mique anticoncurrentiel.
Vous l'informerez des incidences sur sa situation de la révision du
règlement n° 17/62.
3) Dans le cas où une telle position dominante collective viendrait à
être judiciairement établie, vous exposerez enfin à Méléclair les fon
dements et discuterez de la probabilité que La Poste tchèque et Rapid
Express obtiennent de ne pas être inquiétées sur le terrain du droit
communautaire de la concurrence.
Corrigé
1.
Le droit communautaire des concentrations, régi par les dispositions du
règlement 4064/89 du 21 décembre 1989, de même que le droit français,
profondément remanié avec la loi « NRE » du 15 mai 200 I relative aux nou
°
velles régulations économiques, mise en œuvre par le décret n 2002-689 du
30 avril 2002, soumettent à notification préalable toute opération concentra
tive.
a) Selon que l'opération revêt une dimension nationale ou communau
taire, la notification aura lieu devant l'autorité nationale (le Minefi en France)
ou communautaire de contrôle (la Direction générale de la concurrence de
la Commission, la DG IV).
On notera, à cet égard, que si l'opération n'atteint pas les seuils commu
nautaires, plusieurs notifications seront éventuellement requises devant
chaque autorité nationale de contrôle, y compris l'autorité tchèque si un tel
contrôle est exigé en droit tchèque (indépendamment de la future adhésion
à l'Union de la République tchèque).
b) Afin de déterminer l'autorité compétente, il convient d'examiner les
chiffres d'affaires réalisés par les entreprises parties à l'opération de concen
tration, dont la réunion de plusieurs critères cumulatifs commande la com
pétence des organes nationaux ou de la Commission européenne (système
du guichet unique).
En droit français, les seuils fixés par la loi du 15 mai 200 I sont très bas,
puisque la notification auprès des pouvoirs publics est rendue obligatoire
lorsque (i) le chiffre d'affaires total mondial HT de l'ensemble des entreprises
parties à l'opération excède 150 millions d'euros, et que (ii) le chiffre
d'affaires total HT réalisé en France par deux au moins des entreprises
concernées par l'opération est supérieur à 15 millions d'euros.
Ce dernier
seuil devrait être prochainement réévalué à hauteur de 50 millions d'euros ;
l'opération doit enfin ne pas être de dimension communautaire, auquel cas la
notification relève de la Commission.
Relèvent du champ d'application du règlement 4064/89 les opérations
concentratives réalisées par deux ou plusieurs entreprises concernées dont
(i) le chiffre d'affaires mondial cumulé excède 5 milliards d'euros ; (ii) le
chiffre d'affaires réalisé dans la Communauté par deux au moins d'entre elles
excède 250 millions d'euros ; (iii) à la condition que chacune des entreprises
concernées ne réalise pas plus des deux tiers de son chiffre d'affaires total
réalisé dans la Communauté à l'intérieur d'un seul État membre (une série
de cinq seuils cumulatifs peut également être retenue).
c) Selon la réunion de ces critères, la notification de l'opération aura lieu
devant le Minefi - dès que les parties concernées se sont engagées de façon
irrévocable - ou dans un délai d'une semaine si la notification relève de la
Commission européenne.
d) En l'absence de notification, vous indiquerez à Méléclair que La Poste
tchèque, de même que Rapid Express s'exposent à une sanction pécuniaire
dont le montant peut atteindre 5 % de leur chiffre d'affaires HT réalisé en
France lors du dernier exercice clos, augmenté le cas échéant de celui réa
lisé en France, au cours de la même période, par la partie acquise - pour les
seules sanctions applicables en France.
e) Mais en l'espèce, il faut également s'assurer que l'échange de participa
tions réalisé par La Poste tchèque et Rapid Express rapproche les deux
entreprises au point qu'une entreprise commune structurelle en résulte, ou
une entreprise de plein exercice, sans se limiter à la constitution d'une
entreprise commune coopérative.
En effet, seule la création d'une entreprise commune structurelle consti
tue une concentration et se trouve, à ce titre, soumise à notification.
Cette
opération peut consister en une fusion pure et simple de deux entreprises
antérieurement indépendantes (ce qui n'est assurément pas le cas de Rapid
Express avec La Poste tchèque), mais aussi l'acquisition, directe ou indirecte,
du contrôle d'une ou plusieurs entreprises, ou la création d'une entreprise
commune.
Au contraire, la création d'une simple entreprise commune coopérative
relève du régime de contrôle des ententes ou des positions dominantes.
En droit français, l'entreprise commune (structurelle) est explicitement
reconnue par l'article L.
430-1, paragraphe Il, du Code de commerce comme
concentrative si l'entreprise commune ainsi créée accomplit « de manière
durable toutes /es fonctions d'une entité économique autonome ».
Cette définition reprend très exactement celle de l'article 3, paragraphe 2,
du règlement 4064/89, aux termes de laquelle « la création d'une entreprise
commune accomplissant de manière durable toutes /es fonctions d'une entité éco
nomique autonome, et qui n'entraîne pas une coordination du comportement
concurrentiel soit entre entreprises fondatrices, soit entre ce/les-ci et /'entreprise
commune, constitue une opération de concentration au sens du paragraphe 1,
point b) ».
L'article 3, paragraphe 2, du règlement 4064/89, explicite la distinction en
spécifiant expressément qu'une opération, « y compris la création d'une entre
prise commune, qui a pour objet ou effet la coordination du comportement concur
rentiel d'entreprises qui restent indépendantes ne constitue pas une concentration
au sens du paragraphe 1 point b) 11 (non souligné dans le texte).
f) Tout en préservant le système du guichet unique, le projet de réforme
du règlement 4064/89 daté du 1 1 décembre 2002 envisage de substituer au
critère lié au chiffre d'affaires des entreprises concernées celui des effets
transfrontaliers produits par l'opération projetée, et d'intensifier la coopéra
tion entre les autorités nationales et communautaires de contrôle, en ren
forçant les possibilités de renvoi entre autorités, sur le fondement des
actuels articles 9 et 22 du règlement 4064/89 dès le stade la prénotification.
2.
On sait que l'article 82 du Traité CE interdit tout abus d'une position
dominante exercé sur un marché déterminé par une entreprise.
Or, la notion de position dominante peut également s'appliquer à « plu
sieurs entreprises » ; on parle alors de « position dominante collective », ou
de « duopole » en droit des concentrations.
a) C'est en ce sens que s'est prononcée la Commission, dans une décision
°
92/553/CEE datée du 22 juillet 1992, relative à une affaire n IV/M.190 -
°
Nestlé .c/ Perrier UOCE n L 356/1 du 5 décembre I 992, Point 113), considé
rant que:
« L'un des objectifs principaux du Traité est donc la préservation d'une concur
rence effective.
La restriction de la concurrence effective qui est interdite lorsqu'elle
est la conséquence d'une position dominante détenue par une seule entreprise ne
saurait devenir admissible lorsqu'elle résulte de plusieurs entreprises.
Lorsque, par
exemple, à la suite d'une concentration, deux ou trois entreprises acquièrent une
position dominante sur Je marché et sont susceptibles d'al:!pliquer des prix exces
sifs, il y a exploitation d'une position dominante collective sur Je marché, ce que Je
règlement sur les concentrations vise à prévenir par la préservation d'une structure
de marché concurrentielle.
La position dominante est seulement le moyen par
lequel une concurrence effective peut être entravée.
Le fait que cette entrave
résulte de la position dominante d'une seule entreprise ou d'une position domi
nante collective ne saurait être décisif pour appliquer ou non l'article 2 para
graphe 3 du règlement sur les concentrations ».
b) Une telle position dominante collective peut bien sûr résulter d'une
opération concentrative, mais également d'un simple rapprochement com
portemental d'entreprises ne relevant pas du strict champ d'application du
règlement 4064/89.
c) Collective ou non, la position dominante se définit comme une situa
tion « entravant de manière significative la concurrence effective dans Je marché
commun ou une partie substantielle de celui-ci ».
Elle est attestée lorsque les
entreprises convaincues d'un comportement duopolistique - celui que
Méléclair voudrait identifier dans le rapprochement capitalistique de La
Poste tchèque avec Rapid Express-, alors qu'elles demeurent juridiquement
indépendantes l'une de l'autre, se présentent néanmoins ou agissent sur un
marché spécifique comme une entité collective.
Pour appliquer les dispositions de l'article 82 CE, il faut donc s'interroger
sur la création d'une entité collective effective par La Poste tchèque et Rapid
Express, sur un....
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