Vigny écrit dans le Journal d'un poète : « J'aime peu la comédie, qui tient toujours plus ou moins de...
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Vigny écrit dans le Journal d'un poète : « J'aime peu la comédie, qui tient
toujours plus ou moins de la charge et de la bouffonnerie.» Il précise plus loin
sa pensée en disant: «Je sais apprécier la charge dans la comédie, mais elle me
répugne parce que, dans tous les arts, elle enlaidit et appauvrit l'espèce
humaine et, comme homme, elle m'humilie.
»
La comédie, de tous temps, a soulevé bien des controverses.
Elle a eu d'ardents
partisans comme d'acharnés détracteurs.
On a pu vouloir lui conférer une dignité égale à
celle de la tragédie ou au contraire la rabaisser à un rang parfaitement mineur, en la
taxant d'immoralité ou de bouffonnerie.
La philosophie austère et lucide de Vigny
explique en grande partie ce jugement sévère sur un genre qui, depuis Molière, a conquis
ses lettres de noblesse: «La comédie, s'écrie-t-il, tient toujours plus ou moins de la
charge et de la bouffonnerie », et encore : « La charge me répugne, parce que, dans
tous les arts, elle enlaidît et appauvrit l'espèce humaine et, comme homme, elle
m'humilie, » Essayons de discerner ce qu'il faut retenir, et peut-être discuter, de ces
jugements teintés de pessimisme.
Ce fut Molière qui, le premier, conféra à la comédie toute sa dignité.
Il se sentait
tragédien dans l'âme, et essaya de le montrer, sans succès, dans l'une de ses premières
pièces : Don Garde de Navarre.
Désespéré de cet échec, il se tourna dès lors vers la
comédie, décidé à lui donner l'éclat qui auréolait la tragédie.
Pour cela, il lui donna un but
élevé : corriger les vices des hommes.
La comédie de ce fait devenait psychologique et
profondément humaine.
Il fit défiler tout son siècle dans ses comédies : grands
seigneurs, bourgeois, commerçants, précieuses, pédants, médecins, juges, servantes.
«
Vous n'avez rien fait, disait-il, si vous ne faites reconnaître les gens de votre siècle.» Mais
en même temps, il peignit la nature humaine et, dans tous ses héros, nous retrouvons
quelques traits de notre personnalité.
N'y a-t-il pas, de nos jours encore, des avares qui
sacrifient leurs enfants à leur fortune, des hypocrites coureurs de dot qui flattent les
lubies de bourgeois insensés pour s'approprier leur argent, des bourgeois parvenus, des
bas-bleus, des rimeurs sans cervelle, des médecins vaniteux ? Ne dit-on pas : un
Harpagon, un Tartuffe, pour désigner un avare ou un hypocrite, tant il est vrai que ces
personnages incarnent parfaitement les vices ? Mais s'ils sont des maniaques aveuglés
par une idée fixe, ils ont.
cependant des sentiments complexes, parfois contradictoires,
qui n'en font pas seulement des marionnettes, mais des êtres humains.
Pour parvenir au but qu'il s'était fixé — peindre la nature humaine et, surtout, corriger
les vices des hommes —, Molière a choisi l'arme du ridicule, « le ridicule jeté à propos a
une grande puissance », dira plus tard Montesquieu.
Et dans ce cas, bien sûr, la comédie
tient de la charge et de la bouffonnerie.
S'il veut mettre en évidence un défaut donné,
l'auteur doit opérer une simplification caricaturale dans les mots et l'attitude de son
personnage, et en même temps outrer sa pensée et ses gestes.
Ainsi, dans la réalité,
Orgon ne dira pas quatre fois : « Et Tartuffe?» mais il y songera constamment; Harpagon
ne répétera pas : « Sans dot ! » mais ce sera son idée fixe.
Le Sage, avec son Turcaret,
a opéré un remarquable portrait-charge : stupide, cynique, grossier, cupide et sans
finesse, Turcaret laisse une terrible impression de vérité : on croit voir le financier sans
scrupules qui mène la France d'avant la Révolution.
Monsieur Jourdain, Argan, Harpagon,
autant de portraits-charges et de simplifications caricaturales.
Mais l'outrance au théâtre
est nécessaire pour « passer la rampe », les personnages, autrement, paraîtraient fades
et sans relief, et la portée morale de la comédie en serait diminuée.
Elle peut être
mauvaise dans les comédies à tendances polémiques, lorsque la charge est trop
accentuée, mais autrement, et lorsqu'elle s'entoure de la complexité des sentiments, elle
est nécessaire.
La comédie tombe souvent, il est vrai, dans la bouffonnerie.
Les éléments traditionnels
de la farce, tels les quiproquos, les jeux de mots, les soufflets, les coups de bâtons, les
poursuites sont la plupart du temps son apanage.
Boileau regrettait chez Molière « ce sac
ridicule où....
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