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ZHUANGZI (? 350-? 275) Le deuxième Maître de l'école taoïste est Maître Zhuang, encore appelé Zhuang Zhou. Il aurait vécu...

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« ZHUANGZI (? 350-? 275) Le deuxième Maître de l'école taoïste est Maître Zhuang, encore appelé Zhuang Zhou. Il aurait vécu dans un petit Etat (Song, actuelle pro­ vince de Henan) de la Chine centrale que se dispu­ taient les principautés voisines.

Il aurait refusé, quoique marié, père de famille et pauvre, un poste de ministre.

En quoi il ne faisait que suivre ses principes et s'accommoder stoïquement du Destin qui, s'il lui faisait peut-être payer un peu cher sa liberté, c'est que l'heure après tout n'était pas favorable.

Il aurait occupé un poste de fonctionnaire-surveillant d'un parc d'arbres à laque et certainement connu le sophiste Hui Shi qui fut ministre et qu'il prenait plaisir à asticoter lors de leurs joutes intellectuelles, à telle enseigne que sa mort le priva, disait-il, d'un interlocuteur subtil qui était aussi sa tête de Turc favorite.

Dans le Zhuangzi, nous rencontrons aussi d'autres têtes de Turc de Maître Zhuang, comme par exemple Confucius ou Mozi, mais, ceux-ci étant morts, s'ils excitent encore sa verve c'est en tant que faux savants et faux sau­ veurs dont beaucoup se réclament encore.

Mais il lui arrive aussi, grand seigneur, de les créditer de quelque pertinence occasionnelle ou fabriquée comme par jeu ou par dérision. Il est presque certain que Zhuangzi connaissait le Laozi (qui ne s'appelait pas encore le Daodejing) dans une version certes différente de celle que nous connais­ sons, mais non significativement quant à l'essentiel que nous retrouvons identique dans le Zhuangzi: Mais quelle différence de style ! Le Zhuangzi est enjoué, endiablé, enchanté, fourmille d'anecdotes, d'historiettes, d'en­ tretiens subtils et moqueurs; c'est un ouvrage plein de fantaisie et de merveilleux, traversé par moments de superbes envolées mystiques, extatiques et lyriques. Certes tout n'est pas de même eau et l'ensemble est composite comme presque tous les recueils anciens, mais il s'agit à n'en pas douter d'un chef-d'œuvre dû pour sa plus grande part à la main d'un véritable maître d' œuvre et artiste. Une pensée profonde et pourtant légère, profondé­ ment humaine mais non point« humaniste» s'y donne à découvrir hors discours, hors abstraction, dans la polyphonie d'un chassé-croisé constant de facettes changeantes, propre à produire chez le lecteur ravisse­ ment et illumination. Pour notre plaisir et celui du lecteur, nous allons en roue libre voyager dans ces XXXIII chapitres et en extraire quelques perles que nous nous garderons de trop commenter. L'« oubli mutuel» ou la liberté dans la coexistence distanciée. « Quand la source est tarie, les poissons de l'étang se réfugient dans la vase.

Ils s'envoient mutuellement leurs humides haleines; ils se mouillent réciproque­ ment de leurs baves.

Ces poissons misérables ne sau­ raient se comparer à ceux qui s 'oublient mutuellement dans lesfleuves et les lacs 1• » p.

193 La source de la décadence: l'interventionnisme. 1.

Toutes les traductions sont de Liou Kia-hway (Tchouang­ Tseu, L 'œuvre complète, Philosophes taoïstes, Bibliothèque de la Pléiade, ©.Ed.

Gallimard, 1980). « Puis vint la décadence ...

Les souverains Yao et Chouen* (Shun) voulurent agir sur les hommes.

lis inaugurèrent une administration et voulurent édu­ quer le peuple.

La pureté et la simplicité disparurent. les hommes délaissèrent le Tao pour pratiquer le bien.

L'action eut le pas sur la vertu et l'esprit indivi­ duel sur la nature originelle. Si les hommes communiquent entre eux avec leur esprit individuel, la paix ne peut plus être maintenue. Car on orne l'esprit par la lettre et on l'élargit par l'érudition.

Or, la lettre tue l'esprit et l'érudition la noie.

Ainsi, tout le monde fut jeté dans /'égarement et le désordre sans pouvoir jamais rejoindre son indis­ tinction primordiale en retrouvant sa nature et son sentiment.

» p.200 Rien ne peut blesser gravement qui ne s'entrave lui-même, mais reste accordé au Ciel, au Dao. « ...

le cas de l'ivrogne qui, tombant d'une voiture, pourra être contusionné maisjamais tué.

Ses os et ses articulations sont identiques à ceux des autres hommes; mais le choc qui aurait tué un homme dans son état normal ne suffit pas-pour le tuer.

C'est que son esprit reste intact grâce à l'ivresse et qu'il n'a pas conscience d'être en voiture et d'en tomber.

La sur­ prise, la crainte de la mort et de la vie ne pénètrent pas en lui, et il choit durement sans en éprouver la moindre frayeur.

Si le vin lui sauve la vie, comment le ciel ne pourrait-il sauver les hommes? Ainsi le saint 1 qui se réfugie dans le ciel, rien ne saurait le blesser.

» p.221 * Modèles de souverains vertueux aux yeux de Confucius et des lettrés confucéens. l.

Alors que, pour le confucianisme, ia sainteté est (quasi) inattei­ gnable et, c'est déjà beaucoup que devenir un homme de qualité (iunzi), pour le taoïsme, il s'agit de devenir un saint (sheng), un« parfait». « La grande intelligence englobe, la petite intelli­ gence discrimine; la grande parole est éclatante; la petite parole est verbeuse.

» p.

94 Englober, oui ; discriminer, non. « Comment le Tao s'est-il obscurci au point qu'il doive y avoir une distinction entre le vrai et le faux? Com­ ment la parole s 'est-elle obscurcie au point qu'il doive y avoir une distinction entre l 'ajftrmation et la néga­ tion ? Où le Tao n'est-il point, et quand donc la parole n'est-elle pas plausible? Le Tao est obscurci par la partialité.

La parole est obscurcie par l'éloquence.» Partialité et discours obscurcissent le Dao. 96 Voici une anecdote célèbre qui illustre à la perfec­ tion ce que Zhuangzi entend par changement et iden­ tité profonde.

Elle se (re)trouve aussi dans le Liezi. p. « Un éleveur de singes distribuait des glands aux singes en leur disant : "Je vous donnerai trois glands le matin et quatre le soir.

Qu'en pensez-vous?" Tous les singes se mirent en colère.

"Je vous en donnerai quatre le matin et trois le soir.

Qu 'en pensez-vous?" · Tous les singes furent enchantés. Il n'y avait en réalité rien de changé.

Mais la pre­ mière proposition avait provoqué la colère et la seconde la joie.

L'éleveur avait su s'adapter à la nature des singes.

C'est ainsi que le saint dose l'af­ firmation et la négation en se reposant sur le cours du ciel.

Cela s'appelle une validité ambivalente.

» p.

98 Dao suprême et Dao explicité. « Le Tao suprême n'a pas de nom; le discours suprême ne parle pas; la bienveillance suprême .· exclut toute bienveillance partielle, .. Le Tao explicité n'est plus le Tao; le raisonnement discursif n'atteint plus la vérité; la bienveillance qui s'obstine est incomplète ... Savoir qu'il y a des choses qu'on ne peut connaître, voilà le sommet du savoir.

Qui sait que le discours est sans paroles et que le Tao est sans nom, celui-là possède le trésor du Ciel.

Verser sans jamais remplir, puiser sans jamais épuiser, et ne pas même savoir pourquoi, voilà ce qu'on appelle "cacher la lumière".» p.

100 Ce passage clef sur l'idéal du saint donne tout le «programme» de Zhuangzi. «l'idéal du saint l'amène à considérer l'intelligence comme un rameau inutile, le contrat comme une glu, la vertu comme un joint, le travail d'artisan comme un commerce. le saint ne fait aucun projet, à quoi lui sert l'intelligence? Il ne découpe aucune chose, à quoi lui sert la glu? Il ne perd rien, à quoi lui sert la vertu? Il ne fabrique aucune marchandise, à quoi lui sert le commerce? Les quatre qualités du saint s'appellent la nourri­ ture du ciel.

La nourriture du ciel, c'est dire que le ciel nourrit.

Qui reçoit du ciel la nourriture, aura-t-il encore besoin de l'homme? Il a la forme de l'homme, mais non le sentiment de l'homme.

Ayant une forme humaine, il vit parmi les hommes; n'ayant pas de sentiment humain, il n'est point troublé par les notions de bien et de mal.

Il est tout petit, ayant appartenu au genre humain; il est extrêmement grand, ayant parachevé son ciel à lui.

» pp.

125-126 Quant à sa vie, à sa mort, voici ce qu'il en dit. « Le saint vit selon l'action du çiel, sa mort n'est qu'une métammphose.

Son immobilité participe à !'Obscurité, son mouvement à la Lumière.

Il ne se crée ni bonheur ni malheur.

Il ne fait que réagir au stimulus et ne se meut que sous la pression; il ne se lève que lorsqu'il ne peut faire autrement; rejetant toute intelligence et toute intentionnalité, il se conforme à la raison naturelle.

Ainsi, il ne subit, ni calamité.... »

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