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■ A. Huxley, Le plus sot animal, Editions de la Jeune Parque

Publié le 15/05/2020

Extrait du document

On ne peut jamais rien obtenir pour rien, et la conquête du confort a été accompagnée d'une perte compensatoire d'autres choses, aussi précieuses ou peut-être davantage. Un homme riche, qui fait construire une maison aujourd'hui, se préoccupe en général avant tout du confort de sa future demeure. Il dépensera beaucoup d'argent (car le confort est fort coûteux : on parle, en Amérique, de donner la maison gratuitement à qui en paye la plomberie) en salles de bains, en appareils de chauffage, en meubles capitonnés et autres choses du même ordre; et l'ayant dépensé, il considérera sa maison comme parfaite. Son semblable d'une époque antérieure se fût préoccupé avant tout du caractère imposant et de la magnificence de sa demeure, de la beauté en un mot, plutôt que du confort. L'argent que notre contemporain dépenserait en bains et en chauffage central eût été dépensé jadis en escaliers de marbre, en une façade grandiose, en fresques, en enfilades de salons dorés, en tableaux, en statues. Les papes du seizième siècle ont vécu dans un méconfort qu'un modeste directeur de banque considérerait comme insupportable; mais ils avaient les fresques de Raphaël, ils avaient la Chapelle Sixtine, ils avaient leurs galeries de sculpture ancienne. Faut-il les plaindre de ce que le Vatican ait été vierge de salles de bains, de chauffage central et de fauteuils « fumoir »? Je suis porté à croire que notre actuelle passion du confort est un peu excessive. Bien que, personnellement, j'apprécie vivement le confort, j'ai vécu très heureux dans les maisons privées d'à peu près tout ce que les Anglo-Saxons estiment indispensable. Les Orientaux et même les Européens méridionaux, qui ne connaissent pas le confort et qui vivent à peu de chose près comme vivaient nos ancêtres il y a plusieurs siècles, semblent se trouver fort bien de l'absence de notre appareil compliqué et coûteux de luxe capitonné. Je suis assez « vieux jeu » pour croire à une hiérarchie des choses, et je ne vois pas d'intérêt au progrès matériel, sinon en ce qu'il se met au service de la pensée. J'aime les appareils économiseurs de travail matériel, parce qu'ils évitent une dépense de temps et d'énergie qui peuvent être consacrés à des travaux intellectuels. J'aime le transport rapide et facile, parce qu'en élargissant le monde dans lequel vivent les hommes, il élargit aussi leur esprit. Le confort possède, pour moi, une justification analogue : il facilite la vie mentale. Le méconfort entrave la pensée; il est difficile, quand le corps a froid et qu'il souffre, d'utiliser l'esprit. Le confort

« l., / Exercices d'application 75 est un moyen en vue d'une fin.

Le monde moderne semble le considé­ rer comme une fin en soi, comme un bien absolu.

Quelque jour, peut­ être, le monde aura été transformé en un vaste lit de plume, sur lequel sommeillera le corps de l'homme, tandis que son esprit se trouvera dessous, comme Desdémone, étouffé.

■ A.

Huxley, Le plus sot animal, Editions de la Jeune Parque, pp.

248 à 250.

Questions 1 .

Quel titre proposez-vous pour cette page? 2.

Résumez-la en une dizaine de lignes. 3.

Estimez-vous, comme l'auteur, « que notre actuelle passion du confort est un pef r i)Xcessive »? (Brevet de technicien supérieur du Secrétariat; Secrétariat trilingue, session de 1966).. »

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