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aux banquets et aux parties fines avec les joueuses de flûte, ils ne songent pas même en rêve à y prendre part.

Publié le 22/10/2012

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aux banquets et aux parties fines avec les joueuses de flûte, ils ne songent pas même en rêve à y prendre part. Qu'un événement heureux ou malheureux se soit produit en ville, qu'un tel ait hérité d'une tare d'une lignée ou de l'autre de ses ancêtres, il l'ignore plus encore que la contenance de la mer, comme dit le proverbe. Et il ne sait même pas qu'il ne sait pas tout cela, car ce n'est pas dans l'intention de se faire valoir qu'il reste à l'écart ; en fait, il n'y a que son corps qui réside et séjourne dans la ville ; quant à sa pensée, qui n'accorde aucun prix à tout cela, elle plane partout, « en-deçà des terres, au-delà des cieux comme dit Pindare, géomètre des unes et astronome des autres, cherchant partout à pénétrer toute la nature de chaque réalité en son entier, sans se laisser choir sur ce qui est proche d'elle. — T. Que veux-tu dire par là, Socrate ? — S. Ce que veut dire l'anecdote que voici : Thalès qui regardait en l'air pour observer les astres, vint à choir dans un puits ; une servante thrace, pleine d'esprit et d'à propos, le railla de son ardeur à savoir ce qui est au ciel, sans voir ce qui se trouvait à ses pieds. Le trait vaut pour tous ceux qui passent leur vie à philosopher. Il est de fait que la philosophie ignore tout de son proche et voisin : non seulement ce qu'il fait, mais pour un peu s'il est un homme ou quelque autre créature. En revanche : que peut bien être l'homme, que convient-il qu'une telle nature fasse ou subisse de différent des autres, voilà ce qu'il cherche et met tous ses soins à approfondir. Sans doute, vois-tu ce que je veux dire, Théodore ? — T. Je vois et tu dis vrai. — S. Tel est le philosophe, mon cher, dans le privé, et en public également, comme je te disais, lorsqu'au tribunal ou ailleurs il est forcé de parler de ce qui est à ses pieds ou sous ses yeux : ce n'est pas seulement aux femmes thraces mais à n'importe quelle foule qu'il prête à rire, car il tombe d'embarras en embarras comme dans un puits et sa terrible maladresse lui vaut réputation de stupidité. Dans les échanges d'insultes il ne dispose pour son compte d'aucune insulte appropriée contre personne, car faute de s'en être informé, il ne connaît aucune turpitude concernant quiconque, et son embarras le fait paraître ridicule. Lorsqu'on en est aux éloges et aux glorifications d'autrui, il ne fait pas semblant d'en rire, il en rit franchement qu'on le prend pour un sot. Fait-on l'éloge d'un tyran ou d'un roi ? il a l'impression d'entendre celui d'un porcher, berger ou vacher qu'on félicite d'avoir bien su traire son troupeau ; il pense même que le troupeau des premiers est plus rétif et plus traître à paître et à traire que celui des seconds et qu'il est inévitable que l'absence de loisir rende ces princes aussi rustres et incultes que les bergers, dès qu'ils se sont parqués dans leur montagne. Entend-il parler de quelqu'un qui possède quelques milliers d'hectares comme d'un propriétaire prodigieusement riche ? C'est d'un lopin qu'il croit entendre parler, lui dont le regard parcourt la terre entière. Glorifier la race, vanter l'homme capable de faire étalage de sept ancêtres riches, c'est pour lui avoir la vue faible et courte, c'est se montrer, par inculture, incapable d'avoir toujours égard à l'univers, de réfléchir au fait que chacun de nous a eu d'innombrables myriades d'aïeux et bisaïeux, parmi lesquels, pour quiconque, riches et gueux, rois et esclaves, Barbares et Grecs ont eu des milliers de fois leur tour. Se vanter d'une lignée de vingt-cinq ancêtres remontant à Hercule, fils d'Amphitryon, lui paraît étrangement mesquin : le vingt-cinquième ancêtre d'Amphitryon fut ce que le hasard voulut. Il rit de leur impuissance à y réfléchir et à mettre un terme à la vanité de leur âme insensée. En toutes ces occasions le philosophe est moqué par la foule soit qu'il paraisse arrogant, soit qu'il ignore ce qui est à ses pieds et s'empêtre à chaque pas. — T. C'est tout à fait ce qui se produit, Socrate. — S. Lorsqu'en revanche, mon cher, le philosophe parvient à entraîner l'autre sur les hauteurs, et que celui-ci consent à laisser la question : <4 en quoi te fais-je tort, ou en quoi me fais-tu tort ? «, pour entreprendre l'examen de la justice et de l'injustice en elles-mêmes, de la nature propre de chacune, de ce qui les distingue du reste et de ce qui les distingue entre elles ; ou encore à laisser la question : le Grand Roi est-il heureux avec son magot d'or ? « pour se mettre à réfléchir sur la royauté, le bonheur et la misère de l'homme en général, leur nature, sur la manière dont il convient à la nature humaine d'acquérir l'un et d'échapper à l'autre — sur toutes ses questions, quand c'est au tour de l'homme qui a l'âme mesquine, finassière et chicanière de rendre raison, alors les rôles sont inversés : il est pris de vertige à se sentir suspendu si haut ; à regarder en bas d'une telle hauteur, faute d'habitude, il est envahi par l'inquiétude et l'embarras et il bafouille ; ce n'est plus aux femmes thraces ni aux gens incultes qu'il prête à rire, car ceux-là ne se rendent pas compte de ce qui arrive, mais bien à ceux qui ont reçu tout le contraire d'une éducation servile. Voilà comment l'un et l'autre se comportent, Théodore. L'un dont l'éducation s'est vraiment faite dans la liberté et le loisir, celui que tu nommes philosophe on ne le blâme pas de faire figure de naïf et de bon à rien lorsqu'il tombe aux prises avec des tâches serviles et qu'il ne sait pas faire son paquetage ou assaisonner de flatteries sa cuisine ou ses propos. L'autre, au contraire, est capable de s'acquitter de toutes ces tâches avec habileté et vivacité, mais il ne sait porter l'habit comme un homme libre, non plus que trouver le ton pour célébrer la vie véritable des dieux et des mortels heureux. Théétète, 172c-176a

« 52 PlATON PAR LUI-~ME de s'en être informé, il ne connaît aucune turpitude concernant quiconque, et son embarras le fait paraître ridicule.

Lorsqu'on en est aux éloges et aux glorifica­ tions d'autrui, il ne fait pas semblant d'en rire, il en rit franchement qu'on le prend pour un sot.

Fait-on l'éloge d'un tyran ou d'un roi? il a l'impression d'en­ tendre celui d'un porcher, berger ou vacher qu'on féli­ cite d'avoir bien su traire son troupeau ; il pense même que le troupeau des premiers est plus rétif et plus traître à paître et à traire que celui des seconds et qu'il est inévitable que l'absence de loisir rende ces princes aussi rustres et incultes que les bergers, dès qu'ils se sont parqués dans leur montagne.

Entend-il parler de quelqu'un qui possède quelques milliers d'hectares comme d'un propriétaire prodigieusement riche? C'est d'un lopin qu'il croit entendre parler, lui dont le regard parcourt la terre entière.

Glorifier la race, vanter l'homme capable de faire étalage de sept ancêtres riches, c'est pour lui avoir la vue faible et courte, c'est se montrer, par inculture, incapable d'avoir toujours égard à l'univers, de réfléchir au fait que chacun de nous a eu d'innombrables myriades d'aïeux et bisaïeux, parmi lesquels, pour quiconque, riches et gueux, rois et esclaves, Barbares et Grecs ont eu des milliers de fois leur tour.

Se vanter d'une lignée de vingt-cinq ancêtres remontant à Hercule, fils d'Amphitryon, lui paraît étrangement mesquin : le vingt-cinquième ancêtre d'Amphitryon fut ce que le hasard voulut.

Il rit de leur impuissance à y réfléchir et à mettre un terme à la vanité de leur âme insensée.

En toutes ces occasions le philosophe est moqué par la foule soit qu'il paraisse arrogant, soit qu'il ignore ce qui est à ses pieds et s'empêtre à chaque pas.

- T.

C'est tout à fait ce qui se produit, Socrate.

-S.

Lorsqu'en revanche, mon cher, le philosophe parvient à entraîner l'autre sur les hauteurs, et que celui-ci consent à laisser la question : >, pour entre­ prendre l'examen de la justice et de l'injustice en elles­ mêmes, de la nature propre de chacune, de ce qui les. »

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