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Barnett NEWMAN (1905-1970) Entretien avec Barnett Newman

Publié le 19/10/2016

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Barnett NEWMAN (1905-1970)

Entretien avec Barnett Newman

D. G. Seckler : Le public perçoit généralement votre œuvre comme excessivement logique, hiératique, soucieuse de structure et de dialectique intellectuelle. 

Newman : Ce n'est pas de la critique d'art. C'est de la politique artistique. Elle émane de peintres et de leurs amis à l'intérieur des institutions qui se donnent des airs de spontanéité romantique. Je réfute toutes ces accusations. J'aime votre remarque, quand vous dites que je m'intéresse à l'immédiat et au particulier sans avoir recours à une théorie générale sur la peinture et ses procédés. Ce qui m'intéresse, c'est la plénitude qui naît de l'émotion elle-même, et non de l'explosion qui la précède, de l'intensité de ses manifestations ou de ses retombées émotionnelles. Le fait est que je suis un peintre intuitif, un peintre direct. Je ne travaille jamais à partir d'études, je ne prépare jamais, je ne prémédite jamais un tableau. À chaque fois, j'aborde la toile comme si c'était la première fois. Je n'ai aucun dogme, aucun système, aucune démonstration à présenter. Je n'ai pas de solutions formelles. Je ne m'intéresse pas au tableau « fini ». Je ne travaille que dans un état de tension très intense.

Seckler : Comment définissez-vous votre sens de l'espace ?

Newman : Je ne manipule pas l'espace, je ne joue pas avec lui. Je le déclare. C'est ce qui fait que mes tableaux sont pleins. Tous mes tableaux ont un haut et un bas. Ils ne sont jamais divisés, jamais restreints, ils ne sortent pas de leur cadre. Depuis toujours, même enfant, j'ai perçu l'espace comme un dôme. Je me rappelle avoir choqué, il y a de ça quelques années, mes amis en leur disant que je préférerais me rendre à Churchill au Canada ou partir dans la toundra que d'aller à Paris. Pour moi, l'espace est un lieu où l'on peut voir les quatre points cardinaux, pas simplement ceux qui sont devant ou derrière soi, parce que dans ces conditions, on n'appréhende l'espace que comme volume. En architecture, il est normal de se soucier du volume. Malheureusement, la peinture conçoit encore la notion d'espace en volumes architecturaux - des petits volumes travaillés, des volumes moyens, des volumes pleins, rayonnants. Je suis heureux de m'être libéré de cette notion en 1945.

L'espace se situe-t-il dans les yeux des personnes qui se parlent, où entre le regard qu'elles échangent quand elles se répondent ? Le spectateur qui regarde mes tableaux doit se sentir environné d'un dôme vertical pour avoir conscience de vivre la perception d'un espace complet. C'est tour le contraire de la création d'un environnement. L'environnement n'a rien à voir avec la peinture. Un de mes amis peintres (Gerome Kamrowski) l'exprimait très bien : il disait que mes toiles sont hostiles à l'environnement. L'espace de la pièce est vide et chaotique, mais le sens de l'espace créé par mes tableaux devrait donner au spectateur l'impression de se sentir pleinement vivant dans un dôme spatial de 180 degrés s'étendant dans les quatre directions. C'est la seule sensation réelle de l'espace. En même temps, je veux souligner que je n'ai jamais entrepris de peindre des espaces en forme de dôme. Je m'intéresse, j'espère, à des choses plus importantes.

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