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Boulgakov, le Maître et Marguerite (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Boulgakov, le Maître et Marguerite (extrait). Le diable, qui se fait appeler Woland et passer pour un professeur de magie noire, est arrivé à Moscou avec sa suite : un énorme chat noir, Béhémoth, un « long personnage à carreaux «, Koroviev, et un petit individu roux à la physionomie « abjecte «, Azazello. La petite troupe s'est installée dans l'appartement communautaire où vit Stepan Bogdanovitch Likhodieïev, directeur du théâtre des Variétés, et sème dans la ville un désordre indescriptible, mêlant maléfices divers et disparitions inexpliquées. Dans ce passage, au terme duquel il est expédié « aux cinq cents diables « -- en l'occurrence à Yalta, aux confins de la Crimée -- Stepan Bogdanovitch Likhodieïev fait la désagréable expérience de la confrontation avec Woland et sa suite. Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov À ce moment, Stepan tourna le dos à l'appareil et, dans la glace de l'entrée que l'indolente Grounia n'avait pas nettoyée depuis fort longtemps, il aperçut distinctement un étrange personnage, long comme une perche et muni d'un pincenez (ah ! si Ivan Nikolaïevitch avait été là ! Il aurait tout de suite reconnu le personnage !). Puis le reflet disparut. Stepan, angoissé, explora plus attentivement le vestibule et, pour la seconde fois, il chancela : dans la glace passait un chat noir d'une taille excessivement développée, qui disparut à son tour. Le coeur de Stepan cessa de battre un instant, et il tituba comme assommé. « Qu'est-ce que c'est que ça ? pensa-t-il. Est-ce que je deviens fou ? D'où sortent ces reflets ? « Il parcourut le vestibule des veux et cria, effrayé : -- Grounia ! Qu'est-ce que c'est que ce chat qui se balade chez nous ? D'où sort-il ? Et cet autre ? -- Ne vous inquiétez pas, Stepan Bogdanovitch, répondit une voix, qui n'était pas celle de Grounia, mais celle du visiteur depuis la chambre à coucher. Ce chat est à moi. Ne vous énervez pas. Quant à Grounia, elle n'est pas là, je l'ai envoyée à Voronej. Elle se plaignait que vous ne lui donniez jamais de congé. Ces mots étaient si inattendus et si absurdes que Stepan décida qu'il avait mal compris. Effaré, il retourna au galop dans la chambre... et resta cloué sur le seuil. Ses cheveux se dressèrent sur sa tête et une fine rosée de sueur couvrit son front. Le visiteur n'était plus seul dans la chambre. Le second fauteuil était occupé par l'étrange individu qui, tout à l'heure, s'était reflété dans la glace du vestibule. Maintenant on le voyait parfaitement, avec ses petites moustaches de duvet, un verre de son lorgnon qui brillait, et l'autre verre absent. Mais il y avait pis encore, dans cette chambre : sur un pouf de la bijoutière, un troisième personnage se prélassait dans une pose désinvolte. C'était le chat noir aux dimensions effrayantes, un petit verre de vodka dans une patte, et une fourchette, au bout de laquelle il avait piqué un champignon mariné, dans l'autre. La chambre, déjà faiblement éclairée, s'obscurcit tout à fait aux yeux de Stepan. « Voilà donc, pensa-t-il, comment on devient fou... « et il se cramponna au chambranle de la porte. -- À ce que je vois, vous êtes un peu étonné, très cher Stepan Bogdanovitch ? s'enquit Woland auprès de Stepan qui claquait des dents. Il n'y a pourtant aucune raison de s'étonner. Voici ma suite. À ces mots, le chat but sa vodka, tandis que la main de Stepan glissait le long du chambranle et retombait. -- Et cette suite a besoin de place, continua Woland, de sorte que l'un de nous est de trop dans cet appartement. Et celui qui est de trop ici, me semble-t-il, c'est vous. -- C'est lui, c'est lui ! entonna d'une voix chevrotante le long personnage à carreaux, en parlant de Stepan à la troisième personne. En général, depuis un certain temps, il se conduit comme un cochon, que c'en est effrayant. Il se soûle, profite de sa situation pour avoir des liaisons féminines, n'en fiche pas une rame, et, d'ailleurs, ne peut rien faire, parce qu'il n'entend absolument rien à la tâche qui lui est confiée. Il jette de la poudre aux yeux de ses supérieurs ! -- Il utilise les voitures de l'État pour son compte, et à tout bout de champ ! cafarda le vilain chat, en bouffant son champignon. C'est alors que l'appartement fut le théâtre d'un quatrième et dernier événement, et, cette fois, Stepan glissa à terre et ne put que griffer, d'une main impuissante, le chambranle de la porte. Un individu émergea directement du trumeau. Il était de petite taille mais ses épaules étaient extraordinairement larges. Il portait un chapeau melon, et une canine saillait de sa bouche, rendant hideuse sa physionomie, par elle-même singulièrement abjecte. Pour comble, ses cheveux étaient d'un roux flamboyant. -- D'une manière générale, dit le nouveau venu en se mêlant incontinent à la conversation, je ne comprends pas comment il a pu devenir directeur. (La voix du rouquin était excessivement nasillarde.) Il est directeur comme moi je suis évêque. -- Tu ne ressembles pas à un évêque, Azazello, fit remarquer le chat en attirant à soi la casserole de saucisses. -- C'est bien ce que je dis, nasilla le rouquin. (Puis, se tournant vers Woland, il ajouta avec respect :) Puis-je, messire, l'expédier aux cinq cents diables ? -- Ouste ! cracha le chat en hérissant ses poils. La chambre se mit alors à tourner autour de Stepan. Sa tête heurta le chambranle et, perdant conscience, il pensa : « Je meurs... « Mais il ne mourut point. Entrouvrant les yeux, il vit qu'il était assis sur de la pierre. En outre, il était environné d'un bruit continu. Lorsqu'il eut ouvert les yeux convenablement, il s'aperçut que ce bruit était celui de la mer. Bien plus, la crête des vagues atteignait ses pieds. Bref, il était assis à l'extrémité d'un môle ; le ciel, au-dessus de lui, était d'un bleu lumineux, et derrière lui, une ville blanche s'étendait à flanc de montagne. Ne sachant comment on se comporte ordinairement en pareil cas, Stepan se mit debout sur ses jambes vacillantes et suivit la jetée en direction du rivage. Un homme se tenait debout sur le môle. Il fumait et crachait dans la mer. Il regarda Stepan d'un oeil féroce, et cessa de cracher. Stepan ne trouva alors rien de mieux que de s'agenouiller devant le fumeur inconnu et de proférer : -- Dites-moi, je vous en supplie, quelle est cette ville ? -- Fichtre ! dit l'insensible fumeur. -- Je ne suis pas soûl ! protesta Stepan d'une voix rauque. Il m'est arrivé quelque chose... je suis malade... Où suis-je ? Quelle est cette ville ? -- Ben, c'est Yalta... Stepan poussa un faible soupir et s'écroula sur le flanc, heurtant de la tête les pierres de la jetée chauffée par le soleil. Et il perdit conscience. Source : Boulgakov (Mikhaïl), le Maître et Marguerite, Paris, Robert Laffont, 1968. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

« — Tu ne ressembles pas à un évêque, Azazello, fit remarquer le chat en attirant à soi la casserole de saucisses. — C’est bien ce que je dis, nasilla le rouquin.

(Puis, se tournant vers Woland, il ajouta avec respect :) Puis-je, messire, l’expédier aux cinq cents diables ? — Ouste ! cracha le chat en hérissant ses poils. La chambre se mit alors à tourner autour de Stepan.

Sa tête heurta le chambranle et, perdant conscience, il pensa : « Je meurs… » Mais il ne mourut point.

Entrouvrant les yeux, il vit qu’il était assis sur de la pierre.

En outre, il était environné d’un bruit continu.

Lorsqu’il eut ouvert les yeux convenablement, il s’aperçut que ce bruit était celui de la mer.

Bien plus, la crête des vagues atteignait ses pieds.

Bref, il était assis à l’extrémité d’un môle ; le ciel, au-dessus de lui, était d’un bleu lumineux, et derrière lui, une ville blanche s’étendait à flanc de montagne. Ne sachant comment on se comporte ordinairement en pareil cas, Stepan se mit debout sur ses jambes vacillantes et suivit la jetée en direction du rivage. Un homme se tenait debout sur le môle.

Il fumait et crachait dans la mer.

Il regarda Stepan d’un œil féroce, et cessa de cracher. Stepan ne trouva alors rien de mieux que de s’agenouiller devant le fumeur inconnu et de proférer : — Dites-moi, je vous en supplie, quelle est cette ville ? — Fichtre ! dit l’insensible fumeur. — Je ne suis pas soûl ! protesta Stepan d’une voix rauque.

Il m’est arrivé quelque chose… je suis malade… Où suis-je ? Quelle est cette ville ? — Ben, c’est Yalta… Stepan poussa un faible soupir et s’écroula sur le flanc, heurtant de la tête les pierres de la jetée chauffée par le soleil.

Et il perdit conscience. Source : Boulgakov (Mikhaïl), le Maître et Marguerite, Paris, Robert Laffont, 1968. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

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