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Claude Hagège

Publié le 03/04/2011

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Claude Hagège, linguiste surdoué, professeur au Collège de France, est l’invité de la Liberté de L’esprit jeudi soir, à 20h30 au Chapeau Rouge. Interrogé sur les rapports entre langue et identité, cet apôtre de Babel expliquera en quoi la diversité linguistique et le bilinguisme sont des impératifs de notre temps.

Difficile de parler de Claude Hagège sans être pris de vertige et sombrer aussitôt dans une sorte d’admiration béate. L’homme est un phénomène. Il a passé sa vie à étudier les langues, particulièrement les langues minoritaires, celles dont on ignore même le nom comme le tikar, le comoxlhamen ou le pilau. Familier de plusieurs centaines de langues différentes, il en maîtrise plusieurs dizaines dont toutes les grandes langues internationales. Il peut donner des conférences dans l’une ou l’autre, de l’arabe au chinois, de l’hébreu au russe, indifféremment.

Mais, comme Mozart ou Pascal, Hagège ne se contente pas d’être un surdoué. C’est aussi un militant qui veut mettre la linguistique au service des hommes, c’est-à-dire de la diversité. \" Les langues meurent, écrit-il. La mort des langues est une des tragédies culturelles les plus graves de notre temps. Le nombre des langues qui n’a cessé de décroître depuis le XVIè siècle, pourrait, étant donné ce que sont aujourd’hui les moyens de communication, n’être plus que de quelques centaines vers l’an 2150. Quand on sait qu’il y a entre 4500 et 6000 langues encore existantes actuellement, on prend quelque mesure du gouffre. \"

Un laboureur de terrain

L’apport scientifique de Claude Hagège est de s’être opposé à l’universalisme abstrait de la linguistique qui régnait dans les années 60. S’il considère que a grammaire est le noyau dur d’une langue, il refuse les modèles simplificateurs et met en avant les variations de langage, le locuteur concret tel qu’il s’exprime en situation réelle. C’est le sens de son livre \" L’Homme de paroles \", publié en 1985. Ses observations des micro-phénomènes de langues minoritaires lui permettent de faire avancer l’ensemble de la linguistique.

Face aux grands théoriciens médiatiques comme Chomsky, Hagège s’impose par sa prudence, sa modestie, son patient labeur de terrain. Né en 1936, il a écrit treize ouvrages. De plus en plus, il se préoccupe des politiques linguistiques. Militant de la diversité, il met au service des décideurs un maximum de connaissances sur l’histoire et la géographie des langues en Europe.

Pour le bilinguisme précoce

Il cherche aussi à faire progresser l’école. Pour lui, le bilinguisme précoce n’est pas un luxe mais un impératif. \" Dans l’Europe de demain, les unilingues risquent fort d’apparaître comme des sinistrés de la parole. Or, une formation bilingue de tous les citoyens européens ne peut se réaliser que dans le cadre d’un système d’éducation bilingue précoce, c’est-à-dire d’un enseignement scolaire introduisant dès le primaire une nouvelle langue à côté de la langue maternelle. C’est une remise en cause radicale de toutes les habitues scolaires. Elle suppose que l’on utilise les langues comme supports et non plus seulement comme matières. Elle seule permet la véritable immersion qui est la condition de succès de l’éducation bilingue précoce. Tout le reste n’est que voeux pieux et rêves inopérants. La victoire effective du bilinguisme suppose une imagination politique d’une audace véritable. Le moment n’a jamais été aussi propice. La défense de la diversité culturelle de l’Europe n’a jamais été aussi nécessaire. \" Ici, au pays de Diwan, on applaudit.

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