Devoir de Philosophie

Commentaire Composé Don Juan, Acte III scène 1

Publié le 20/01/2011

Extrait du document

don

Le XVIIème siècle voit naître avec Jean-Baptiste Poquelin, plus connu sous le nom de Molière, un des plus grands acteur et auteur de comédies. Après des débuts agités, Molière et sa compagnie trouve leur place au Petit Bourbon sous la protection de Louis XIV. Apres plusieurs comédies qui font sa notoriété, Molière publie Le Tartuffe, qui, dès sa première représentation suscita le mécontentement de la Compagnie du Saint Sacrement qui parvint à l’interdire. En réaction à cette controverse, et également par provocation, Molière publie alors Don Juan, farce burlesque dénonçant notamment les abus de l’hypocrisie de l’Eglise ainsi que certaines valeurs des honnêtes hommes de l’époque qui ne les respectaient pas parfois eux-mêmes. Don Juan incarne alors dans la pièce un libertin sans limites qui ne prend pas garde des différents avertissements qu’il reçoit. La tirade de Sganarelle est la suite d’un véritable interrogatoire auquel il soumet son maître, à propos des croyances ou des incroyances de ce dernier. Après avoir décrit ce en quoi il ne croyait pas, Dom Juan emploie la formule célèbre "Je crois que 2 et 2 font 4", qui marque le fait que sa seule croyance réside dans les mathématiques. Il prononce cette phrase sous forme de boutade, mais aussi avec une réelle sincérité de ton. C'en est trop pour Sganarelle qui ne contient pas son indignation. Il va ici mener ses dernières tentatives pour convaincre son maître, après épuisement des autres arguments. Un sentiment de supériorité et d’assurance anime ici Sganarelle et il pense renforcer sa position par ses différents arguments, qui semblent pour lui incarner l’évidence même. Mais, par le silence de son maître, il ne tarde pas à comprendre sa déconfiture finale.

 

I) La supériorité initiale

 

Sganarelle est le garant de la morale traditionnelle. Il emploie volontiers des termes méprisants : "belle, beau, à ce que je vois" et des formules impersonnelles qui lui permettent de prendre ses distances : "il faut...".

Pour lui, la religion s'oppose à l'arithmétique ; or, effectivement, son maître rejette la religion chrétienne et toute métaphysique, mais pas forcément l'existence de Dieu, à qui il lance plutôt un défi.

Pour Sganarelle, la morale traditionnelle garantit le triomphe du bon sens et de la religion, assure la distinction entre le vrai et le faux ; il se livre à une parodie de sentence, arguant d'une sagesse innée, plus authentique pour lui que toute forme de sagesse acquise et par conséquent douteuse. La science (l'arithmétique par exemple) peut aveugler et on sent combien en tant qu’homme du peuple, il tire sa supériorité du caractère inné de sa foi ; d'où les oppositions lexicales entre l'abondance de négations (point, personne, jamais et la valeur négative de "petit") et les termes mélioratifs (mieux, tous, vois, comprends).

 

II) Des arguments logiques et évidents pour Sganarelle

 

Ils sont très imagés et enfantins, révélateurs de la naïveté du personnage : l'image du champignon coïncide avec le cadre (la forêt) ! C'est l'idée d'un Dieu démiurge (opposition avec l'expression "tout seul") créateur du monde en sept jours (opposition avec l'expression "en une nuit"). Un argument que, justement, Dom Juan n'a pas réfuté par avance, ce qui provoque le sourire du spectateur amusé de l'agressivité sans raison de Sganarelle.

Sganarelle suppose que la force de son argumentation proviendra de l'abondance de son énumération (parodie de la période oratoire) ; il ne choisit pas ses exemples : il les trouve à l'endroit même où se situent les deux personnages (repères spatiaux importants) et dans sa propre personne : Sganarelle est un homme concret, qui ne conçoit pas d'images mentales mais raisonne sur ce qu'il voit.

L'exemple de la machine humaine prouve, selon lui, que l'homme n'est pas né ex nihilo, pas plus que l'ensemble de l'univers : mais son raisonnement n'aboutit à rien ; le jeu de scène peut montrer l'énervement progressif d'un Sganarelle à court d'argument, devant l'impassibilité de son maître. Après une première suspension et une nouvelle énumération, c'est l'arrêt définitif de son flot de paroles : dès qu'il faut dépasser le stade de la simple description admirative, la tentative d'argumentation tourne court.

 

III) La décrépitude de Sganarelle

 

C'est le silence de Dom Juan qui fait basculer l'assurance de son valet : Dom Juan ne joue pas le jeu : dans les exercices rhétoriques traditionnels, il y a toujours un objectant désigné ; or Dom Juan laisse au contraire Sganarelle s'enferrer, sachant très bien quelle sera l'issue de son beau discours. Attention au sens de "si vous voulez" qui équivaut à une supplication : "je vous en prie".

Ici, puisqu'il s'agit de principes théologiques, une argumentation toute en finesse serait nécessaire : Dom Juan sait que Sganarelle est incapable d’interrompre son maître

Molière ne cherche pas particulièrement à nous fait rire de cette déconfiture du valet : certes, Sganarelle est ridicule, le spectateur ne peut adhérer à des arguments sans consistance et à un discours on ne peut plus maladroit ; la chute de l'orateur illustre celle de la tirade. Mais il n'approuve pas davantage l'habileté de Dom Juan, dont le comportement hypocrite ne peut le rendre sympathique aux yeux du public. Molière ne prend pas la défense de Dom Juan, même s'il met en face de lui un adversaire qui n'est guère à la hauteur.

 

Nous avons donc pu constater que cette scène est assez théorique et précède la mise en application des principes de Dom Juan devant le pauvre. Mais cette scène reste dans la tonalité comique : les jeux de scène y contribuent, ainsi que la diction de Sganarelle, dont on a déjà admiré les talents oratoires dans sa tirade sur le tabac. Sganarelle tente ici d’affirmer sa supériorité intellectuelle par des démonstrations sans grand intérêt ou hors de sa maîtrise et se ridicule par là. Cette situation est renforcée par le silence de Don Juan qui réduit à néant le raisonnement de son valet.

Liens utiles