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Désarmement à marche forcée

Publié le 22/02/2012

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7-8 décembre 1988 - Mikhaïl Gorbatchev sait que ses deux principaux adversaires sont le temps et les lourdeurs de plomb de la société qu'il s'est juré de transformer. C'est bien pourquoi il multiplie les initiatives en politique étrangère : il est plus aisé de faciliter la solution ou l'apaisement de certains conflits régionaux, voire de réduire des amoncellements d'armes que de transformer un bureaucrate frileux en un expert compétent, un moujik décervelé par soixante-dix ans de terreur et d'infantilisation en un paysan consciencieux, un ouvrier abruti par l'alcool en un travailleur ponctuel et soucieux de son travail. Le numéro un soviétique n'aura pas déçu son monde à New-York, même s'il n'y est finalement resté que trente-six heures. L'annonce d'une réduction unilatérale de 10 %, d'ici deux ans, des effectifs de l'armée rouge est de bon augure. Certes, cinquante mille hommes seulement vont être retirés de RDA, de Hongrie et de Tchécoslovaquie, les autres ponctions devant intervenir en des lieux beaucoup moins stratégiques pour l'Europe occidentale. Il n'en demeure pas moins que ce geste va faciliter l'ouverture au début de l'année des négociations de Vienne sur la réduction des armes conventionnelles en Europe. L'initiative de Mikhaïl Gorbatchev ne suffira pas à régler tous les problèmes, tellement est grande la disproportion entre les forces occidentales et celles du pacte de Varsovie. Mais elle témoigne d'une réelle volonté d'aller de l'avant. Il ne cache d'ailleurs pas qu'il agit ainsi dans l'intérêt bien compris de l'URSS : la modernisation du pays passe incontestablement par une réduction des dépenses militaires. Reste à savoir s'il va réussir à imposer son point de vue aux dirigeants soviétiques les plus conservateurs. La démission du maréchal Akhromeev de son poste de chef d'état-major, bizarrement annoncée à New-York, indique clairement que les résistances sont fortes. C'est sans doute pourquoi le secrétaire général s'est lancé dans une véritable marche forcée, comme pour mieux épuiser les tenants de l'ordre ancien. Conscient de sa popularité à l'Ouest, il prend l'Occident à témoin de ses intentions, dans l'espoir d'arracher les masses soviétiques à leur torpeur sceptique. Tel était l'un des principaux buts de la tournée qui devait le conduire de New-York à Londres, via La Havane : prouver à son peuple, par télévision interposée, qu'il est pris très au sérieux en Occident. Pourquoi, dans ces conditions, la majorité silencieuse soviétique n'en ferait-elle pas autant en dépit des orages qui s'accumulent à l'horizon ? Mikhaïl Gorbatchev a dû interrompre une démonstration qui aurait été à coup sûr jugée de mauvais goût après la catastrophe qui vient d'endeuiller la malheureuse Arménie. BULLETIN DE L'ETRANGER Le Monde du 9 décembre 1988

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