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Dickens, David Copperfield (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Dickens, David Copperfield (extrait). Le jeune David Copperfield travaille depuis peu aux Entrepôts Murdstone & Grinsby. Il y gagne un salaire de misère, mais assorti de l'envie de se poser en homme. Il tente un geste, entre dans une taverne. La description du physique de l'enfant -- trop petit -- joue là comme indicateur d'anomalie, d'erreur, de hiatus : thèmes repris et déclinés par Dickens tout au long du roman. L'enfant Copperfield -- double autobiographique de Dickens -- est une personne déplacée, qui n'a d'autre certitude qu'une connaissance précise, concrète, de la misère. Dickens insiste beaucoup sur ce point. On entend, à cette insistance, l'inquiétude qui peut mener l'entreprise autobiographique. David Copperfield de Charles Dickens (chapitre 11) J'étais tellement jeune et si petit que souvent, quand j'allais au comptoir d'un nouveau café pour prendre un verre de bière ou de porter, afin d'humecter ce que j'avais avalé comme dîner, on avait peur de me le donner. Je me rappelle une chaude soirée où j'entrai dans la salle d'un café et demandai au patron : -- Combien coûte un verre de votre meilleure bière... la toute meilleure ? Car c'était une circonstance particulière ; je ne sais plus laquelle ; c'était peut-être mon anniversaire. -- Deux pence et demi, dit le propriétaire, c'est ce que vaut la Véritable Bière Superfine. -- Alors, dis-je en exhibant cette somme, veuillez me servir un verre de Véritable Superfine, s'il vous plaît, et sans faux col. En réponse, le patron me dévisagea de la tête aux pieds par-dessus le comptoir, avec un curieux sourire ; et au lieu de me servir la bière, il passa la tête derrière la cloison et dit quelque chose à sa femme. Celle-ci, qui était de l'autre côté, parut alors, son ouvrage à la main, et se joignit à lui pour m'examiner. Je nous revois tous les trois en ce moment : le patron, en bras de chemise, appuyé contre l'embrasure de la fenêtre du café ; sa femme, passant la tête par-dessus la porte coupée ; et moi, un peu confus, levant la tête, de l'autre côté du comptoir, pour les regarder tous les deux. Ils me posèrent bon nombre de questions (me demandant par exemple comment je m'appelais, quel âge j'avais, où j'habitais, ce que je faisais, et comment j'étais venu là). À toutes ces questions, afin de ne compromettre personne, je crains bien d'avoir inventé des réponses appropriées. Ils me servirent ma bière (mais je soupçonne que ce n'était pas de la Véritable Superfine) ; et la patronne ouvrant la petite porte coupée du comptoir, et se penchant vers moi, me rendit mon argent et me donna un baiser mi-admiratif mi-compatissant, mais tout entier maternel et généreux, j'en suis sûr. Je sais que je n'exagère pas, même inconsciemment et sans le vouloir, la modicité de mes ressources et les difficultés de mon existence. Je sais que si par aventure M. Quinion me donnait un shilling, je le dépensais pour m'offrir un dîner ou un goûter. Je sais que, misérable enfant, je travaillais du matin au soir, avec des hommes et des garçons vulgaires. Je sais que je traînais dans les rues, nourri d'aliments insuffisants en qualité comme en quantité. Je sais que, sans la miséricorde divine, j'aurais pu devenir, tant l'on s'occupait peu de moi, un petit bandit ou un petit vaurien. Source : Dickens (Charles), David Copperfield, trad. par Sylvène Monod, Paris, Garnier-Flammarion, 1978. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

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