Devoir de Philosophie

Dominique aujourd'hui présente

Publié le 18/01/2011

Extrait du document

Chez Eluard comme chez tous les surréalistes, il n'y a pas de poésie sans l'intercession d'une femme aimée, une muse. C'est elle quiprovoque, soutient et assure le lien avec l'univers poétique. Eluard a multiplié les muses, la première Gala le quitte pour Dali, la seconde,Nusch, meurt prématurément. Eluard fait donc la connaissance de sa dernière muse, Dominique, de 19 ans sa cadette, trois ans après la mort de Nusch. Et de trois, telle phénix, l'oiseau qui renaissait indéfiniment, Eluard renaîtà la vie et à la poésie, il se perpétue semblable à lui même de femme en femme. Ce poème est un véritableépithalame à l'adresse de Dominique qu'il épousera la même année. Le poème se compose de 14 quatrains d'octosyllabes à rime libre, sans ponctuation  1 Un passé à oublier, un avenir sombre  "Tu es venue", cette courte phrase qui sera ensuite martelée est précédée de quatre quatrains dans lequel notre poète témoigne de sasolitude avant la rencontre de Dominique. Par le jeu de l'assonance en "i", voyelle courte, fermée, aiguë, un son plaintif, Eluard nous fait part de la banalité, de l'automatisme de son existence depuis la mort de Nusch. Aucune profondeur dans sa réflexion, dans sa prosodie, aucun échange, aucune communication. Le présent est dépourvu d'intérêt, il est à la dérive, se laissant aller. Son seul effort quotidien est d'essayer de se souvenir du bonheur d'autrefois mais ses pensées, ses songes sont autant de cauchemars qu'il préfère oublier, il n'a plus foi en l'avenir. Il vit au jour le jour entre un passé qu'il préfère oublier comme une descente dans les ténèbres et un futur "en butte" aux difficultés. Les mots qui étaient hier sa raison d'être lui apparaissent inaccessibles "coincés", les véhicules qui les transportent ont "les roues usées", les lignes d'écriture sont "mortes", elle ne constituent plus de messages. L'action des êtres humains est comparée à desgirouettes, des automates, sans aucun plan. Le poète se voit sedégrader physiquement et psychiquement. Son corps n'a plus de vie, c'est un squelette et son cœur ne réagit plus aux "vapeurs des sentiments", sentiments qui se sont consumés et qui laissent encore échapper un léger souffle. Son cœur est désormais "réglé comme un cercueil", il ne réagit plus à rien, il n'attend plus que la mort pour y être admis. Cette perspective de la mort, du suicide était déjà présente dans "Notre vie".  2 Une rencontre salvatrice  S'il est une rencontre qui arrive au bon moment, c'est bien celle de DominiqueLe poète retrouve soudainement toute sa ferveur, une nouvelle jouvence. "Tu es venue", c'est la phrase que l'on prononce lors d'une rencontre souhaitée à laquelle on ne s'attendait plus, Eluard n'en revient pas, il reprendra la formule quatre fois à intervalles réguliers toutes les deux strophes, toujours placée en tête comme pour affirmer que c'est bien l'élément primordial et donner de l'élan à son nouvel enthousiasme. "L'après midi crevait la terre" nous rappelle la chaleur étouffante du Mexique où a eu lieu leur rencontre, les terres craquelées par la sécheresse. La rencontre avec Dominique est perçue comme une véritable "réorientation" par un être complètement "déboussolé". Le poète retrouve force, séduction et magnétisme, il attire, organise comme "un aimant" mais il aime aussi et l'adjectif "aimant" s'applique bien à sa situation. Il est réglé "comme une vigne", il va pouvoir produire à nouveau des fruits qui deviendront du vin source de plaisir, d'ivresse. Les hommes qu'ils voyaient auparavant comme des girouettes, ont une direction, un but, ils travaillent en commun comme des "abeilles". Désormais la destinée du couple "notre chemin" se confond avec celle des autres hommes, "le but des autres" nous rappelant étrangement l'idéologie communiste dont Eluard était l'un des messagers. La perspective du miel futur produit par cette ruche correspond à la perspective optimiste à l'époque du communisme, un travail fragmenté dont on partage les résultats. Eluard retrouve subitement le sens de son action, la poésie etl'engagement communiste. Il multiplie ses "désirs de lumière" dans ces deux domaines pour se donner une raison à son action. Ce sont ces abeilles qui l'éclairent sur le rôle de chacun pour le bien de tous. "Tu es venue, j'étais très triste", avec cette allitération de la dentale "t", la répétition comme un martèlement de ce son, Eluard insiste sur la période noire qu'il vient de traverser après la mort de Nusch. Cette rencontre, il y adhère tout de suite par un "oui", celui de l'amour comme celui que l'on doit prononcer pour se marier. Mais elle est jeune, très jeune, c'est une "petite fille" qui avec 19 ans d'écart pourrait être sa fille, il l'aime donc comme "un garçon ne peut aimer que son enfance" avec les yeux étonnés de l'enfance pour qui tout est découverte, mais aussi platoniquement, pudiquement, car c'est une femme enfant. 3 Un retour sur sa jeunesse La jeunesse de Dominique lui rappelle sa propre jeunesse, il revient vers celui qu'il fut pour mieux vivifier celui qu'il est et mieuxconstruire celui qu'il sera. Pour notre poète, "vieillir c'est organiser sa jeunesse", la jeunesse de Dominique le plonge dans un passé lointain, à ses débuts de poète lorsqu'il écrivait des "chanson sans fausse note", une poésie d'une grande pureté dans le feu de l'amour, avec un cœur infatigable. Eluard réitère sa formule "Tu es venue", qu'il complète par une allitération en "v" rappelant le vrombissementd'un moteur qui se met en marche, dissipant les pensées morbides lorsqu'il "creusait la nuit", "caressait les ombres". Les difficultéss'évanouissent, la boue se dissout, les glaçons de la mort fondent, le temps n'est plus figéles ténèbres disparaissent, il a de nouveau envie de vivre. La chute est enrayée, il crie déjà victoire, "gloire", l'ombre, les pensées négatives se sont envolées, le fardeau de sa vie s'est allégé, il a repris son ascension vers les sommets aériens remplis de vie, de lumière. Sa misère, son chemin de croix, sa prison, se sont effacés laissant place à la contemplation d'horizons multiples, de ciel sans limited'éternité. Désormais son regard qui s'était fermé, opacifié est "clair" par le seul pouvoir du "jour de son amour". Sans amour le monde est vide, désert ou l'on s'égare comme un aveugle-né, désormais avec Dominique, il aime, donc il est. Elle redevient sa conscience comme un écho secret. Dans le dernier quatrain par une suite d'oxymores, Eluard nous fait prendre conscience de cette dualité, sa pensée est "calme" et "agitée", le "silence, "sonore", "l'écho", "secret", l'aveugle", "voyante". Dominique malgré ses silences répond à ses pensées et à ses paroles, elle voit sans voir à la façon des voyantes. L'homme et la femme sont commemagnifiés par le couple. "Tu m'as couvert de ta confiance" qui est isolé et qui termine le poème pourrait marquer la dépendance périlleuse, l'aliénation à cette femme. Chez Eluard tout péril dans cette limitation est écarté pour être ouverture sur le monde, sur l'humanité et au-delà. Conclusion. Dans "Dominique aujourd'hui présente", On assiste à un miracle de transfiguration amoureuse par la présence d'une femme. Sans la présence de cet autre privilégié qu'est la femme, le moi éluardienperd son être, il est réduit au néant. Eluard aimait à rappeler la pensée du Marxiste Feuerbach que "Là où il n'y a pas de toi, il n'y a pas de moi". Que se forme un couple et aussitôt le monde déploie sessplendeurs autour des amoureux. Cette affirmation de la nécessité de l'amour que l'on trouvait dans les premiers vers d'Eluard vient se greffersur une réalité. Ce poème est parmi les derniers poèmes d'amour heureux d'Eluard, il n'en a pas la grandeur des débuts mais on y trouve beaucoup plus d'émotion.

Vocabulaire Dominique  Dominique Eluard, journaliste, dernière compagne d'Eluard, de son vrai nom Odette Lemort, (1914-12 juin 2000. ) avait 19 ans de moins qu'Eluard et 35 ans lors de sa rencontre au Mexique. C'est une renaissance qu'il salue dans son recueil le Phénix (1951). Pour Éluard, le poème d'amour est une célébration du rôle intercesseur de la Femme, l'inspiratrice, la muse, le lien avec le Monde et l'univers poétique. Les femmes muses et les espoirs idéologiques ont été les deux engagements existentiels et poétiques de Paul Éluard.  Phénix Oiseau fabuleux de la mythologie égyptienne. Comme la légende lui attribuait le pouvoir de renaître, il devint le symbole de l'immortalité, des résurrections. Le phénix est un oiseau qui ressemble au héron. Son nom vient du mot grec qui désignait la couleur rouge (couleur du feu) en référence à la légende sur sa mort et sa résurrection dans les flammes.  Épithalame Poème épique composé pour un mariage.  Oxymore Rapprochement de deux mots qui semblent contradictoires ex : 

Liens utiles