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E) LA PEINTURE DU SUJET.

Publié le 23/10/2012

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E) LA PEINTURE DU SUJET. SIGNIFICATION EXTÉRIEURE ET SIGNIFICATION INTÉRIEURE Aucun individu, aucune action ne peut être sans signification ; dans tout individu et par toute action l'Idée de l'humanité se développe de plus en plus. Aussi n'y a-t-il aucun événement de la vie humaine que l'on doive exclure du domaine de la peinture. On est très injuste envers les grands peintres de l'école hollandaise ; chez eux on n'estime que l'habileté technique ; pour le reste, on les dédaigne, parce qu'ils ont le plus souvent représenté des objets tirés de la vie ordinaire et que l'on ne considère comme intéressants que les événements tirés de l'histoire ou de la Bible. L'on devrait avant tout se rappeler que la signification intérieure d'une action est complètement différente de la signification extérieure ; que souvent ces deux significations sont séparées l'une de l'autre. La signification extérieure consiste dans l'importance d'une action par rapport à ses suites pour et dans le monde réel ; elle dépend donc du principe de raison. La signification intérieure de cette même action consiste dans la profondeur des vues qu'elle nous ouvre sur l'Idée de l'humanité, lorsqu'elle met en lumière les faces moins explorées de cette Idée au moyen d'individualités nettement et fortement accentuées qu'elle place dans des circonstances convenables et auxquelles elle permet par là même de développer leurs propriétés. C'est seulement la signification intérieure qui a de la valeur en art : il appartient à l'histoire d'apprécier la signification extérieure. Toutes deux sont complètement indépendantes l'une de l'autre ; elles peuvent se présenter ensemble, mais elles peuvent aussi apparaître séparément. Une action de la plus haute importance historique peut être, au point de vue de sa signification intérieure, des plus banales et des plus vulgaires ; réciproquement, une scène de la vie journalière peut avoir une signification intérieure considérable, du moment qu'elle met en pleine et claire lumière les individus, l'activité humaine, le vouloir humain, surpris dans leurs replis les plus secrets. Deux actions peuvent aussi avoir, malgré la différence de leur signification extérieure, une signification intérieure tout à fait identique ; au point de vue de cette dernière, par exemple, il est fort indifférent que ce soient des ministres qui jouent le sort des pays et des peuples sur une carte de géographie, ou bien des paysans, attablés dans un cabaret, qui se disputent au jeu de cartes ou au jeu de dés ; il est également indifférent que ce soit avec des figurines d'or ou de bois qu'on joue aux échecs. En outre, les scènes et les événements qui composent pour tant de millions d'hommes la trame de la vie, leurs faits et gestes, leurs misères et leurs joies, ont déjà, en cette qualité, assez d'importance pour être du domaine de l'art et pour lui fournir, grâce à leur riche complexité, la matière nécessaire à la représentation de l'Idée si complexe de l'humanité. L'instant lui-même, dans tout ce qu'il a de fugitif et de momentané, peut être fixé par l'art : c'est ce qu'on appelle aujourd'hui un tableau de genre ; cette représentation produit une émotion subtile et particulière : car, en fixant dans une image durable ce monde fugitif, cette succession éternelle d'événements isolés qui composent pour nous tout l'univers, l'art accomplit une oeuvre qui, en élevant le particulier jusqu'à l'Idée de son espèce, semble réduire le temps lui-même à ne plus fuir. Disons enfin que les événements historiques, importants au point de vue extérieur, ont quelquefois un inconvénient au point de vue de la peinture : il arrive souvent que ce qu'il y a de significatif en eux ne peut être représenté d'une façon intuitive, mais doit au contraire être ajouté par la pensée. A ce point de vue, il faut en général distinguer dans un tableau la signification nominale de la signification réelle : la première est tout extérieure, elle réside dans une pure notion que l'on veut bien ajouter ; la seconde consiste dans une face particulière de l'Idée de l'humanité qui devient par le moyen du tableau saisissable à l'intuition. Supposons, par exemple, que la signification extérieure soit : Moïse trouvé par une princesse égyptienne ; voilà une circonstance singulièrement importante pour l'histoire ; la signification réelle, au contraire, j'entends ce qui est effectivement offert à notre intuition, c'est un enfant, abandonné sur un berceau flottant, sauvé par une femme de haute naissance : voilà un fait qui a pu se produire assez souvent. C'est le costume seul qui dans ce cas peut renseigner un homme instruit sur l'événement précis dont il s'agit ; mais le costume n'a de valeur que pour la signification nominale ; pour la signification réelle, il n'en a aucune : car cette dernière n'a trait qu'à l'homme en tant qu'homme, et non point à ses déterminations contingentes. Les événements tirés de l'histoire n'offrent donc aucun avantage comparativement à ceux que l'on prend dans la simple possibilité et que par conséquent on ne péut désigner sous une dénomination individuelle, mais seulement sous une rubrique générale : car ce qu'il y a de vraiment significatif dans les premiers, ce n'est point la partie individuelle, ce n'est point la circonstance particulière considérée comme telle ; c'est au contraire ce qu'ils contiennent de général, c'est le côté de l'Idée de l'humanité qui s'exprime par eux. (Monde, I, 240-1.) F) LA POÉSIE I. LA POÉSIE ET L'HISTOIRE La poésie s'étend dans un domaine immense. Toute la nature, les Idées à tous les degrés peuvent être exprimées par elle ; et, selon les Idées qu'elle exprime, elle est tantôt descriptive, tantôt narrative, tantôt purement dramatique. Si, dans l'expression des degrés inférieurs de l'objectité de la volonté, les arts plastiques l'emportent sur la poésie, parce que la nature inconsciente et purement animale manifeste presque tout son être dans un seul instant qu'il s'agit bien de saisir ; au contraire l'homme, qui ne se manifeste pas seulement par l'attitude et l'expression de sa physionomie, mais par une suite d'actions et aussi de pensées et d'affections concomitantes, l'homme est l'objet principal de la poésie : et ici, aucun art n'est capable d'égaler la poésie ; car elle a ce qui manque aux arts plastiques, le développement progressif. L'expression de l'Idée, qui est le degré le plus haut de l'objectité de la volonté, c'est-à-dire la peinture de l'homme dans la série continue de ses aspirations et de ses actions, tel est donc le but élevé de la poésie. Sans doute, l'expérience et l'histoire nous apprennent aussi à connaître l'homme : mais

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