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ecjs democratie brésilienne

Publié le 10/01/2011

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http://conflits.revues.org/index1887.html#tocto1n4

Le Brésil est le pays le plus vaste et le plus peuplé d'Amérique latine. Sa superficie s'élèvent à 8 512 000 km²pour une population de 192 759 333 habitants ,c'est aussi le cinquième pays du monde par la superficie et par sont nombre d'habitants.République fédérale et libérale, le Brésil présente de forts contrastes géographiques et sociologiques. Alors qu'une grande partie du territoire est couvert par la forêt amazonienne pratiquement vide d'êtres humains, la côte sud-est abrite les mégapoles de Sao Paulo et Rio de Janeiro l'une des plus grande \"région urbaine\" autour de la ville de Belo horizente .mais Les inégalités économiques sont parmi les plus élevées du monde .Il existe, dans les nouvelles démocraties d’Amérique latine, un écart entre la loi et sa mise en oeuvre effective. Sur ce continent, l’égalité de tous les citoyens devant la loi ne correspond nulle part complètement à la vie réelle. Toute intervention de l’Etat se fait au nom de la communauté tout entière ,sans que cessent pour autant les transgressions de la loi par ceux qui sont censés protéger les intérêts de la collectivité , mais ne sert très souvent qu’à renforcer le pouvoir des élites. Même dans des moments fondateurs de la démocratisation au Brésil, comme pendant les deux décennies suivant 1985, les vestiges de l’autoritarisme persistent toujours. La démocratie est le régime politique dans lequel le pouvoir est détenu ou contrôlé par le peuple, sans qu'il y ait de distinctions dues la naissance, la richesse, la compétence... . En règle générale, les démocraties sont indirectes ou représentatives, le pouvoir s'exerçant par l'intermédiaire de représentants désignés lors d'élection au suffrage universel.

-Qu'est ce qui fait de la démocratie Brésilienne un état de non droit ?

Nous verrons dans un premier temp en quoi la citoyenneté trés limitée au Brésil puis une démocratie et la violence illégal de l'état et enfin le tranformisme et sa continuité .

 

 

 

 

 

 

 

 

Même si les garanties fondamentales du citoyen ont toujours été bien définies dans les Constitutions brésiliennes, l’exercice d’une pleine citoyenneté est toujours resté limité pour le plus grand nombre. De tous temps, dès l'antiquité pourrions nous dire, une Constitution trouve ses racines dans le système social. Et comment cela pourrait-il en être autrement pour le Brésil ? Il faut bien se rendre compte que loin des idéaux qui figurent dans les Constitutions, les procédures juridiques et le fonctionnement de la loi reflètent les réalités cruelles de la société brésilienne. Ils n’arrivent pas à atténuer les énormes différences entre les pauvres et les riches : le système juridique est un outil et un réflexe de la société et, donc, de l’inégalité sociale. Il ne se place pas en dehors et au-dessus de la société et des réalités sociales, comme ayant une essence propre, une logique autonome ou une existence indépendante. L'État ne peut pas être différent de la société elle-même : il est le lieu où s’affrontent des intérêts, des conflits de classes. Dans ce cadre, tout gouvernement dépend de l’organisation particulière d’une société : un gouvernement, comme c’est le cas du Brésil, ne peut pas opérer sur des bases démocratiques dans une société où, à différentes périodes constitutionnelles, les femmes et les analphabètes ne votent pas, où les travailleurs ruraux et les domestiques ne sont pas défendus par des normes sociales, où une colossale disparité subsiste entre les revenus des citoyens, et surtout où ce tout social s’articule à un racisme structurel contre les Brésiliens d’origine africaine qui constituent 46% de la population.

Aucun régime ne peut être vraiment démocratique si ceux qui n’appartiennent pas à l’élite n’ont aucun accès aux droits ni aux instruments assurant un contrôle social effectif des élites. En plus des exigences minimales d’un constitutionnalisme démocratique – liberté de réunion, liberté d’expression, suffrage universel, élections régulières et propres, l’indépendance des pouvoirs – la démocratie réclame la réalisation d’un ensemble toujours plus élargi d’exigences. Celles-ci constituent l’état de droit, le due process of law, le droit à un jugement juste et équitable, au respect de l’intégrité physique des citoyens. Pendant toute la période républicaine au Brésil, quel que soit le régime, dictatures et démocraties confondues, on a toujours répondu de façon très restreinte à ces demandes.Après chaque transition politique, aucune des nouvelles classes dirigeantes n’a rendu effectives les grandes aspirations en matière de libertés et de droits qui ont marqué les mouvements de résistance. La criminalisation de la dissidence et des mouvements populaires dans les périodes non dictatoriales est une constante qui se manifeste à travers le temps (même s’il ne s’agit pas là d’un exotisme brésilien) : le travailleur immigrant comme révolutionnaire, les anarcho-syndicalistes entre 1900-1920, les communistes dans les années 1930 ou 1945, les syndicats urbains et ruraux dans les années 1960, les travailleurs sans terre dans les années 1990 et 2000 ont toujours été définis comme des délinquants sociaux, comme l’a si bien montré Michael Hall.

 

 

 

 

 

 

Toute mobilisation populaire, ouvrière et paysanne , toute « violence défensive », selon l’expression de Herbert Marcuse tend à être empêchée par les agents de l'État, grâce à l’usage récurrent d’une violence illégale, bien plus importante que le recours à l’extra légalité « normale », inhérente à la forme étatique. Rien ne montre aussi bien les limitations chroniques de l'État démocratique que le cas du Brésil entre 1946 et 1964, et après 1988 : un État est ce que le gouvernement en fait .

 

Malgré les modifications qui ont bouleversé la société brésilienne, chaque nouvelle étape politique non autoritaire a été marquée par la permanence accumulée d’éléments hérités de l’esclavage, de la concentration de la propriété de la terre et des revenus, de l’inégalité sociale et raciale, des micro-despotismes (selon l’expression de Guillermo O’Donnell) et d’un système complexe – très coriace et en même temps subtil – de hiérarchies. Les pratiques autoritaires, plus visibles dans les institutions de contrôle de la violence et du crime, comme la justice et la police, furent très peu modifiées après les changements de régime politique ou l’avènement d’élections démocratiques.

On ne prétend pas faire croire que le passé se prolonge automatiquement dans le futur grâce à un déterminisme quelconque d’ordre économique, psychologique ou sociologique. Nous ne voulons pas prétendre que les facteurs explicatifs de la violence et des violations des droits sont restés immuables au fil de toute la période républicaine. Pour une raison bien simple, comme l’a remarqué Michel Debrun, parce que « dans la même société, la force originaire de chaque passé se heurte à la force originaire d’autres passés, mais parce que les tendances – sauf quand elles sont cristallisées, et alors ce ne sont pas exactement des tendances mais des habitudes, des routines – comprennent toujours une composante de faiblesse ». Les continuités n’empêchent donc pas que des configurations nouvelles et inattendues puissent émerger à chaque conjoncture, telles des figures kaléidoscopiques, composées par des réseaux d’interdépendances entre des groupes et des acteurs politiques et sociaux .

La société civile contemporaine, soumise à une violence endémique qui s’est répandue depuis la dictature militaire jusqu’à la nouvelle démocratie, impose à l’Etat un défi essentiel : celui du monopole de la violence physique par l’Etat, de la construction d’une sécurité publique c’est-à-dire de la coexistence pacifique des citoyens qui passe par le contrôle de la violence privée. Dans les années 1990, les organisations des droits de l’Homme ont dû faire face à des défis qui dépassaient le simple registre et la dénonciation des violations des droits de la personne, comme cela a été le cas au moment de la résistance à la dictature militaire. La consolidation démocratique exige désormais que de nouveaux liens s’établissent entre les sphères autonomes de la société et les institutions politiques pour qu’un contrôle social s’exerce à l’égard des politiques publiques. Une telle tâche leur a peut-être été facilitée du fait que la promotion des droits de l’Homme est devenue elle-même une politique officielle de gouvernement – malgré toutes les limitations que nous avons évoquées pour ce qui concerne leur protection effective. Dès lors, les organisations de la société civile ont pu trouver un cadre de référence pour leur mobilisation. Bien sûr, la situation des groupes les plus vulnérables, comme les peuples indigènes et les populations pauvres dans les grandes régions métropolitaines soumises au contrôle de la terreur des bandes criminelles, reste toujours précaire. Certains territoires, comme les favelas de Rio de Janeiro, pâtissent de l’absence de l’Etat : ainsi, en décembre 2003 deux ministres ont été obligés de négocier avec des narcotrafiquants pour que ces derniers les autorisent à visiter une favela où aurait lieu un spectacle promu par une organisation non gouvernementale.

Mais la démocratie brésilienne et du a une certaine violence illégale de l'Etat

 

 L’avènement de la démocratie n’a pas suffi à garantir le contrôle de la violence illégale de l'État, même si cette violence n’est pas soutenue par le gouvernement fédéral – bien que, quelquefois, ces crimes bénéficient de la tolérance, voire même de la complicité de certaines autorités – ni à maîtriser la violence endémique dont pâtit la société. Les autorités fédérales ne sont pas sans ignorer les graves violations des droits de l’Homme pratiquées par les agents de l'État, comme cela a été le cas sous la première république, celle des oligarchies (1889-1930), après la transition de 1945 ou pendant les gouvernements de la démocratie populiste jusqu’au coup d'État de 1964. Mais, d’autre part, les gouvernements démocratiques n’ont pas été capables non plus de faire face à une violence endémique marquée par la spirale des homicides, de la criminalité et de conflits agraires qui chaque année ne cessent de s’aggraver.

 

Au cours des vingt dernières années (alors que la population est passée de 119 millions d’habitants en 1980 à 170 millions en 2000, ce qui équivaut à une croissance de 43%), 598 367 Brésiliens ont été assassinés. Dans cette même période, le taux de mortalité par homicide dans le pays a connu un accroissement de 130%, passant de 11,7 à 27 morts pour 100 000 habitants. Environ 62% de ces homicides ont eu lieu dans les années 1990 : en 1997, il y a eu au Brésil plus de 40 000 homicides pour une population de 156 millions d’habitants. Le Brésil présente un taux de 27,1 homicides pour 100 000 habitants, ce qui le situe au quatrième rang mondial, immédiatement après la Colombie (avec 68), El Salvador (37) et la Russie (28,4). Ces chiffres sont très supérieurs à ceux qu’on observe dans d’autres économies industrialisées : les Etats-Unis d’Amérique, le pays le plus violent du Groupe des Sept (G7), présente aujourd’hui un taux d’homicide de 11 pour 100 000 habitants. Si l’on considère la tranche d’âge des jeunes Brésiliens entre 15 et 24 ans, ce taux d’homicide double et atteint 54,1 pour 100 000 habitants. Pire encore, la croissance des homicides à l’encontre des jeunes est plus importante que la croissance du taux d’homicide dans la population en général .

Dans les conflits agraires, bien que les chiffres des homicides soient inférieurs à ceux qu’on observe dans les villes (à Rio de Janeiro et à São Paulo la moyenne annuelle d’homicides en 2002 a été d’environ 700), le nombre de travailleurs agraires assassinés a augmenté : en 2003, 73 travailleurs ont été assassinés lors de ces conflits, soit une augmentation de 69,8% par rapport à l’année précédente. Au total, 1690 conflits agraires ont été enregistrés en 2003.

En milieu urbain, le taux d’homicide et le nombre élevé des victimes de cette violence sociale se concentrent largement au sein de la majorité pauvre et misérable, dont les descendants des Africains, qui dans leur ensemble représentent la catégorie sociale la plus démunie. Les victimes noirs et métisses constituent des cibles sociales privilégiées : le taux d’homicides de blancs est de 20,6 pour 100 000 habitants, et de noirs de 34% pour 100 000 habitants. La proportion de victimes d’homicides dans la population noire ou métisse est donc de 65,3% supérieure à celle parmi les blancs. Dans ce cadre, il faut rappeler que les travailleurs blancs brésiliens possèdent en moyenne des revenus deux fois plus élevés que les travailleurs noirs (negros) et métis (pardos), selon une recherche effectuée dans six régions métropolitaines du pays. Le revenu moyen des travailleurs blancs était de R$ 1096, un montant équivalent à 205% de celui imparti aux travailleurs noirs et métis, R$ 535. Les différences entre noirs et blancs sont encore plus importantes, selon les données de la « Recherche Mensuelle de l’Emploi » (Pesquisa Mensal de Emprego, PME), qui compare le profil de l’emploi entre ces deux groupes. Les noirs et métis sont beaucoup plus présents dans des emplois à faible niveau de qualification qui procurent donc les salaires les plus bas. Parmi la population noire ou métisse occupée en mars de 2004, 11% étaient employés comme domestiques et 10% dans le bâtiment. Parmi les blancs, ces pourcentages étaient respectivement de 5% et 6%. Ces données montrent clairement la persistance d’un racisme structurel auquel la démocratie n’a jamais cherché à répondre d’une manière effective.

Une des « institutions de la violence », pour utiliser l’expression de Franco Basaglia, la torture, continue à être systématiquement utilisée par la police civile à l’encontre des suspects pauvres, très souvent des non-blancs, dans tous les commissariats de police du pays. Un rapport récent analysant les recommandations effectuées pendant la mission de l’ancien rapporteur sur la torture des Nations Unies, Sir Nigel Rodley, lors de sa visite au Brésil en août et septembre 2000, a signalé les faiblesses persistantes en matière de politiques publiques censées combattre la pratique systématique de la torture dans le pays. Tous les gouvernements depuis 1985 ont condamné la torture, la convention contre celle-ci fut ratifiée, mais les gouvernements démocratiques ont été incapables de mettre fin à la torture appliquée aux criminels de droit commun. Entre octobre 2001 et le 31 juillet 2003, SOS Torture, un service téléphonique mis en place pour recevoir des dénonciations anonymes de cas de torture, a enregistré 1336 cas de torture institutionnelle. La torture est pratiquée dans tous les Etats de la fédération, même les plus développés. Minas Gerais, São Paulo et Pará ont enregistré le plus grand nombre de cas. Presque la moitié des faits indiqués concernent des commissariats de police. 778 d’entre eux ont été saisis par le Parquet, mais 31 cas seulement ont fait l’objet de poursuites devant les tribunaux, avec six condamnations et quatre acquittements.

Désormais, les « indésirables » ne sont plus « bannis » pour l’Amazonie ou expulsés du pays, comme c’était le cas sous la vieille République jusqu’en 1930 : très souvent on les tue. Les exécutions sommaires par la police à São Paulo et Rio de Janeiro sont non seulement tolérées, mais dans certains cas aussi stimulées par les autorités. 264 personnes ont été tuées par des policiers en service ou en congé à São Paulo au cours du premier trimestre de l’année 2003, faisant presque trois morts par jour. Ce chiffre est supérieur au nombre de personnes tuées par des policiers au cours des dix dernières années. Les chiffres sont très similaires à Rio de Janeiro ; et même si dans d’autres Etats les morts sont moins nombreuses, la tendance reste la même. Une comparaison entre le Brésil et d’autres pays démocratiques (hormis ceux qui vivent des situations de guerre insurrectionnelle comme la Colombie), permet de vérifier que c’est au Brésil que l’on trouve le taux de violence policière létale le plus élevé au monde au cours des vingt dernières années.

Les efforts du ministère public pour mettre en accusation de nombreux policiers militaires impliqués dans des assassinats et des massacres, même si quelques condamnations ont été obtenues, n’ont pas abouti dans un bon nombre de cas. Ces échecs sont souvent dus au fait que les enquêtes concernant les crimes commis par des policiers militaires sont effectuées par la police militaire elle-même  il s’agit d’un IPM : Inquérito Policial Militar, réalisé de façon non professionnelle, sur la base de preuves réunies de façon très superficielle. C’est ce qui s’est passé en 1995, à Corumbiara, Etat de Rondônia, à l’occasion d’un massacre dont ont été victimes douze paysans sans terre : parmi les quatorze policiers militaires accusés, neuf ont été acquittés à la suite d’un jugement rendu entre août et septembre 2000. L’impunité des agents de l’Etat est virtuellement assurée pour ceux qui pratiquent des crimes à l’encontre de victimes pauvres, considérées «indésirables» ou «sous humaines ».

En ce début de siècle, un grand nombre d’institutions, relevant de la compétence des gouvernements des Etats, plutôt que de sauvegarder l’Etat de droit, continuent à le rogner en utilisant des tactiques brutales et létales pour traiter la violence. Il en est ainsi des actes de torture systématiques pratiqués, entre octobre 1999 et septembre 2000, à l’encontre d’adolescents délinquants enfermés à la FEBEM (Fundação do Bem Estar do Menor, Fondation du bien être de l’enfant, gouvernement de l’Etat de São Paulo) à São Paulo, y compris à l’encontre de ceux qui avaient dénoncé ces pratiques ; il en est également ainsi des assassinats de militants du mouvement des (paysans) sans terre lors des massacres commis par des policiers militaires ou par des employés d’entreprises de sécurité privées payés par des propriétaires de domaines (fazendeiros), comme au Mato Grosso do Sul en 2000. Pour les policiers, l'État de droit apparaît plutôt comme un obstacle et non pas comme une garantie de la sécurité publique. Très souvent, ils agissent comme des « gardes frontière» en protégeant les classes dominantes contre les pauvres, cibles préférentielles de la criminalité et de la répression.

D’autres types de violences impliquent des justiciers, des groupes d’extermination, des escadrons de la mort et des tueurs qui s’en prennent à ceux qui sont soupçonnés d’avoir pratiqué des crimes. La violence des gangs qui agissent à la périphérie des principaux centres urbains compte très souvent avec la participation et/ou la complicité de la police militaire ou civile. Des lynchages ont lieu surtout dans des centres urbains comme São Paulo, Rio, Salvador pratiqués par des groupes de personnes incitées à agir illégalement par des victimes de crimes ou par leurs familiers, ou encore, des fois, par des autorités locales (par exemple, des maires, des conseillers municipaux). Dans la plupart des cas, les lynchages ont pour but d’exécuter sommairement des suspects pris en flagrant délit ou extraits de force de leur cellule.

La Constitution de 1988 et la démocratie ont contribué à l’ouverture du pouvoir judiciaire à de nouveaux droits comme celui du consommateur, la protection de l’environnement et la protection plus efficace du droit à la retraite. Il y a même eu des innovations dans le domaine du droit du travail comprenant la reconnaissance des droits des travailleurs domestiques, ce qui a aussi contribué à la création de plusieurs syndicats de cette catégorie professionnelle sur l’ensemble du pays. Cependant, si l’on considère le droit pénal, la situation continue à être très précaire. Les pauvres et les victimes de la criminalité ne perçoivent pas la justice comme une institution de protection des droits des classes non privilégiées, mais comme une institution responsable de la criminalisation et de la répression subies par les classes populaires. L’accès des pauvres à la justice est presque inexistant : le nombre de procès élevé, dont la plupart concerne des entreprises, la lenteur des procédures profitant à ceux qui ne veulent pas rembourser leurs dettes ou qui en décalent le paiement, tout ceci porte préjudice à ceux qui ne peuvent se payer un long et coûteux procès.

     

L’application de la loi souffre aussi du racisme. Les accusés noirs ont des peines plus lourdes que celles infligées aux accusés blancs, ce qui indique l’interférence d’un biais racial, comme l’a signalé Sérgio Adorno à São Paulo. On pourrait dire que l’impunité est virtuellement assurée dans tout le pays pour presque tous ceux qui commettent des crimes contre les « indésirables » ou les « sans pouvoir ». Presque douze années après le massacre de 111 prisonniers dans la Maison d’arrêt Carandiru, dans la ville de São Paulo, aucun parmi la centaine de policiers militaires qui ont participé à ce massacre n’a été condamné… Il s’agit d’une situation de justice delayed, justice denied, comme il est dit dans le rapport portant ce titre publié par Amnesty International le 19 mai 2003, et qui constate que finalement au bout de 18 ans, seuls deux propriétaires de fazendas avaient été jugés pour l’assassinat de João Canuto, un leader des travailleurs ruraux. La réforme du pouvoir judiciaire a été décidée après treize années de discussions, espérons que celle-ci permette de limiter les difficultés d’accès à la justice pour tous… Malgré le dynamisme de la société civile dans la protection des droits, on retrouve un niveau très élevé d’acceptation de la violence illégale au sein de la population (sentiment partagé par ailleurs par les élites et par les classes dominantes). Cette attitude accroît les difficultés qui s’interposent à la promotion des droits de l’Homme, et à la lutte contre les formes de violence illégale. De plus, malgré l’existence de mouvements sociaux bien organisés, le principal et quelquefois le seul moyen de participation reste le vote (d’ailleurs obligatoire), la majorité de la population restant en fait à l’écart des organisations de la société civile en dehors des périodes électorales.Mais malgré cette faible adhésion à la démocratie, la population n’est pas sans percevoir que l’établissement d’un Etat de droit est une exigence vitale pour le gouvernement démocratique. Un sondage d’opinion réalisé par Nancy Cardia, en 1999, dans dix capitales brésiliennes, montre que la société brésilienne préfère la loi aux escadrons de la mort et que la majorité est contre la torture et la brutalité policière. Selon cette recherche, la majorité accepte la légitimité des grèves et la protestation sociale pacifique ; et ses résultats indiquent aussi que malgré le legs autoritaire du passé récent ou lointain, et malgré les taux encore faibles d’opinions favorables à la démocratie, il existe au sein de la population une sensibilité démocratique.malgré la violence qui persiste une certaine forme de « transformisme » s'y installe au brésil .

 

En effet ,les nouvelles coalitions au pouvoir, masquées sous un consensus populaire bâti lors des transitions politiques, n’oseront ou ne seront pas capables de se confronter avec l’héritage autoritaire ou ne le voudront pas. Cet héritage a toujours été sous-estimé par les anciennes oppositions lorsque celles-ci arrivent au pouvoir. Formées dans la résistance aux gouvernements autoritaires et au sein des mouvements sociaux pendant les transitions politiques, elles tendent à surestimer leurs propres capacités à promouvoir la démocratie sur des bases volontaristes sans avoir à régler la question du récent passé autoritaire. Dès leur accession au pouvoir, les partis politiques issus des anciennes oppositions ont le plus souvent renoncé à se débarrasser des « restes autoritaires » laissés par le régime autoritaire précédent et à promouvoir les réformes des institutions héritées de la dictature.

 

Les classes dirigeantes lors des transitions politiques, en particulier après 1985, semblent souffrir d’un « transformisme » qui voudrait qu’un parti progressiste auparavant dans l’opposition ne se transforme en un parti conservateur. Lorsque les cadres issus du réformisme radical qui a prôné le changement prennent en main les rouages du gouvernement, l’ancien radicalisme ne survit pas. Dans les politiques des nouveaux gouvernements, après la transition, il est difficile de trouver des traces des agitations de rues, des insurrections, des réunions de dissidents. La nature des groupes qui se présentaient comme des extrémistes quand ils étaient dans l’opposition aux régimes d’exception ou à la dictature se modifie.

Cette incapacité des classes dirigeantes à transformer l’ordre hérité des régimes autoritaires précédents a des conséquences : les institutions non réformées n’arrivent pas à contrôler les formes d’incivilité présentes dans la société brésilienne  toujours plus graves à la suite des régimes d’exception  et dans le cadre démocratique. La succession de chaque période autoritaire aggrave et réactive l’héritage autoritaire.

     

Évidemment, nous sommes conscients du fait que toutes les formes de société civile sont ravagées par des sources endogènes d’incivilité et que c’est là une caractéristique chronique de la société Au Brésil, les formes de répression arbitraire développées par l'État (ou les classes dominantes) pendant les périodes dictatoriales ont tendance à persister après cette phase, en pleine période d’organisation démocratique. Cette violence physique ouverte, interrompue contre les dissidences politiques, continue à déferler sur les populations pauvres et misérables. L’immense majorité des personnes punies ou arrêtées, à l’exception de ceux qui pratiquent des homicides ou des crimes hideux, est formée de pauvres dépourvus de moyens pour payer un avocat : au Brésil comme partout ailleurs en Amérique Latine, l’application du droit pénal est marquée par son caractère éminemment discriminatoire

 

Cependant, les limites de la démocratisation ne sont pas imposées par un personnel politique pratiquant ce « transformisme ». Bien au-delà de ce qui se passe sur la scène politique elle-même, nous devons considérer qu’un autre processus est à l’œuvre au sein même des appareils d'État. Il peut être très clairement observé au cours des deux décennies qui ont suivi la fin de la dictature militaire en 1985. Il part de l’idée selon laquelle il faut abandonner l’illusion présente lors de la résistance antérieure à la transition politique et consiste à percevoir l’appareil d'État comme quelque chose de neutre, capable de s’accommoder de façon automatique à la démocratie. Peut-être faut-il justement se rappeler que « les relations qui constituent le pouvoir d'État imprègnent la structure même de son appareil, celui-ci étant la condensation d’une relation de forces. C’est précisément cette nature de l'État - conçu comme relation - traversé d’un bout à l’autre par des contradictions de classes, qui attribue et légitime un rôle déterminé, et attribue un poids spécifique aux appareils et aux agents qui le composent ».

 

Lors de la transition de 1985, il n’y a pas eu d’altération des positions des classes dominantes : la transition n’a été possible que grâce à la défection de quelques

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