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En quoi le passage de la scène de l'incident du train dans la neige dans La Bête Humaine de Zola marque-t-elle un point de non-retour dans l'intrigue?

Publié le 01/05/2012

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zola

Ce passage est extrait de La Bête Humaine de, roman publié en 1890 par Emile Zola, auteur naturaliste du XIXème siècle. C'est le 17ème de 20 tomes de sa fresque romanesque racontant la vie d'une famille, d'un point de vue de sociologue et d'historien. Ce roman est à la fois réaliste (naturaliste plus précisément avec des descriptions précises), policier et tragique. L'extrait étudié a une tonalité fantastique. A travers ce commentaire, nous allons répondre à la question « En quoi ce passage marque-t-il un point de non-retour dans l'intrigue ? » Premièrement, je vais m'intéresser à la question de la lutte entre l'homme et la nature, deuxièmement à la lutte entre la machine et la nature, et enfin à ce qui rend cette scène épique et fantastique.

 

I] La lutte de l'homme contre la nature

 

Cet extrait est écrit à la 3ème personne et nous sommes informés des pensées et des sensations des personnages. L'omniscience nous montre que Jacques est en train de relever un vrai défi comme le prouvent ces expressions : « son cœur battait à grands coups », « il ne sentait plus le froid ». L'imparfait est ici utilisé permet de montrer l'état de stress et d'adrénaline constant, ça appuie l'idée de lutte, du défi fou de vaincre la nature.

Nous savons peu sur Jacques et Pecqueux durant l'action : le train est mis en avant. Zola nous décrit seulement les gestes de Jacques comme par exemple « la main au volant, il fit machine arrière » et non ses sentiments qu'il donne après l'action, à la fin de la première lutte. Ce retrait de l'homme traduit une totale confiance et l'amour que Pecqueux et surtout Jacques portent à la machine. En effet, Jacques est plus attaché à la Lison (son train qui porte un nom de fille) qu'aux femmes. Cependant, il ne faut pas oublier que l'homme reste le maître et contrôle le train, son allié, d'où la description des actions de Jacques avant celle de la Lison (« elle eut un han ! », « la Lison, raidissant les reins, buta du poitrail »). On retrouve la mise en garde de Zola de la fin du livre : « il ne faut pas laisser la machine contrôler, il faut rester le maître ».

 

II] La lutte de la machine contre la nature

 

La Lison mérite tout cet amour de Jacques. En effet, elle est puissante et obéissante. Zola utilise beaucoup de personnifications pour le prouver : celui d'un bûcheron (« elle eût un han ! Terrible de bûcheron »), du géant ' »avec son souffle enragé de géante »), de cyclope (« œil vivant de cyclope ») ou de qui cheval qui a peur (« il sembla qu'elle se mit à souffler d'un petit souffle court »). Cet amour rend même la Lison plus humaine : « tout vibrante du choc », « raidissant les reins », « reprendre haleine », « banda ses mucles de métal ». Zola appuie, avec ses nombreuses personnifications sur le fait que la Lison est puissante. De plus, cette lutte est montrée comme une véritable guerre, la neige est « éventrée », dans une « tranchée profonde », parmi une véritable armée, une « tombée continue de flocons » qui envahissent le mécanisme du train. Pour décrire les actions, Zola utilise énormément de virgules, donnant un rythme haletant à l'action comme dans la phrase « Alors, à deux reprises, il dut recommencer la manœuvre, recula, fonça sur la neige, pour l'emporter ; et, à chaque fois, la Lison, raidissant les reins, buta du poitrail, avec son souffle enragé de géante. ». Ces virgules répétées marquent des pauses dans la phrase qui nous indiquent que l'action est haletante, le rythme rapide et l'adrénaline présente.

 

III] Une scène épique et fantastique

 

Cette scène est en effet épique mais fantastique à commencer par la personnification du train. Lui donner une image de cyclope ou de géante lui donne un aspect mythologique au récit et par conséquent fantastique. Après le second combat, la Lison est vaincue par la nature : « et la Lison s'arrêta définitivement ». La défaite de l'héroïne peut rappeler la mythologie nordique où les dieux du bien meurent lors de la lutte finale contre les forces du mal, le Ragnarok. Ce détail renforce le côté épique et fantastique (car mythologique) du texte. De plus, cet extrait est tragique vu la façon dont la Lison « meurt » et cette fin poignant « Son souffle s'éteignit, elle était immobile, et morte. ». Ces deux élements fortifient l'idée de la scène épique et fantastique. D'autre part, le passé simple utilisé pour décrire les actions du combat montre qu'elles sont soudaines, comme dans une vraie lutte, haletante contre un élément de la nature.

 

Ce passage qui met en scène l'avancée périlleuse de la locomotive dans la neige montre en effet un point de non-retour dans l'intrigue car Jacques perd héroïquement sa machine qu'il aimait comme une femme. Sa disparition donne un effet tragique dans cette scène épique, ce qui doit être d'autant plus poignant pour Jacques, qui deviendra par la suite, de plus en plus pris par ses pulsions meurtrières qui le pousseront à tuer la seule femme qu'il aimait presque autant qu'il aimait la Lison. Il s'est battu contre les forces de la nature pour sauver son train. On peut se demander si Séverine, qui était dans le train, aurait fait de même pour sauver son Jacques.

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