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Enseignement / apprentissage de la grammaire en contexte universitaire, compte rendu de stage FLES

Publié le 18/09/2012

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UNIVERSITÉ TOULOUSE LE MIRAIL UFR LANGUES, LITTÉRATURE ET CIVILISATION DÉPARTEMENT DES SCIENCES DU LANGAGE MASTER PROFESSIONNEL 2ème ANNÉE « APPRENTISSAGE ET DIDACTIQUE DU FRANÇAIS LANGUE ÉTRANGÈRE ET SECONDE « L'ENSEIGNEMENT / APPRENTISSAGE DE LA GRAMMAIRE EN CONTEXTE UNIVERSITAIRE Compte rendu du stage pédagogique en F.L.E.S. à l'Université de Stellenbosch, Afrique du Sud PRÉSENTÉ PAR : MAUD MARCINKOWSKI RESPONSABLE : PROFESSEUR MICHEL BILLIÈRES SESSION : SEPTEMBRE 2008 Sommaire Sommaire Remerciements Introduction CHAPITRE I : CONTEXTE ET PRÉSENTATION DE L'INSTITUTION 1.1. Le contexte sud-africain 1.1.1. La place des langues en Afrique du Sud A. Profil linguistique B. Le problème des langues C. La Constitution D. La politique linguistique de l'Afrique du Sud et son efficacité 1.1.2. L'afrikaans à Stellenbosch A. L'afrikaans dans la ville B. L'afrikaans à l'Université de Stellenbosch 1.1.3. Le français en Afrique du Sud A. Présence française et influence du français B. La situation aujourd'hui : les partenariats France-Afrique du Sud 1.2. L'institution : l'Université de Stellenbosch 1.2.1. Généralités A. Présentation de l'institution B. Le stage M.A.E. 1.2.2. Fonctionnement du département des Langues Vivantes Étrangères (Departement Moderne Vreemde Taale / Department of Modern Foreign Languages) A. Politique pédagogique : discours officiel B. Les sections d'allemand et de mandarin : quelles méthodologies ? a) La section de Mandarin b) La section d'Allemand 1.3. La section de français 1.3.1. Présentation A. Curriculum a) Modules proposés b) Type de cours dispensés c) Formation des groupes d) Évaluation e) Remarques B. Lecteurs 1.3.2. Mon rôle en tant que stagiaire A. Pratiques pédagogiques a) La préparation b) L'enseignement c) L'évaluation B. Autres attributions a) Cours du soir b) Concours de la francophonie c) Colloque et présentation d) Administration 1.4. Conclusion CHAPITRE II : L'ENSEIGNEMENT / APPRENTISSAGE DE LA GRAMMAIRE F.L.E. EN CONTEXTE UNIVERSITAIRE 2.1. Concept de grammaire 2.1.1. Définitions du terme « grammaire « 2.1.2. La grammaire en didactique A. Grammaire d'apprentissage B. Grammaires descriptives et grammaires pédagogiques C. Grammaire d'enseignement 2.2. La situation d'enseignement / apprentissage de la grammaire à l'Université de Stellenbosch 2.2.1. Type de grammaire : Langue et Langage, Oreste Pucciani et Jacqueline Hamel A. Description de la méthode a) Le manuel de l'étudiant b) Le manuel du professeur c) Langue et Langage au laboratoire B. Origine : la méthodologie d'Émile de Sauzé C. Principes méthodologiques D. Remarques 2.2.2. Pratiques grammaticales en classe A. Explications et réflexion B. Exercices a) Généralités b) Types d'exercices c) Critiques C. Evaluation a) Modalités b) Contenus évaluables c) Analyse d'une évaluation D. Correction et traitement de l'erreur a) Le jugement b) Le traitement de l'erreur c) Corrections de test 2.3. Perspectives 2.3.1. Les problèmes posés par le contexte universitaire à Stellenbosch A. Les conditions d'enseignement B. Le profil des étudiants C. Les objectifs de la section de français 2.3.2. La place de la littérature en F.L.E. : le débat dans les universités sud-africaines Conclusion Notes Annexes Bibliographie Webographie Table des matières Remerciements Avant même de commencer le compte rendu de mon stage, je tiens à remercier plusieurs personnes : - les membres de l'équipe pédagogique de la section de Français de l'Université de Stellenbosch : Catherine du Toit, Chet Fransch, Marietjie Fouché, Éric Levéel, Silvia Mucina, Marie-Anne Staebler, Johanna Steyn, et Karlien van der Schyff. - les responsables et les organisateurs de ma venue en Afrique du Sud : Philippe Aldon, attaché de coopération pour le français et Jérôme Cosnard, responsable du pôle langue française de Dibuka. Merci à vous toutes et à vous tous pour votre accueil chaleureux et à votre soutien tout au long de cette année et lors de la rédaction de ce rapport de stage. Introduction Depuis plusieurs années maintenant, le Ministère des Affaires Étrangères offre des postes de stagiaire aux étudiants de Master professionnel en Français Langue Étrangère. Ces postes sont difficiles à obtenir car la demande est forte : ce sont des stages rémunérés et encadrés par les ambassades de France dans les pays collaborant au projet, les étudiants ont donc la possibilité d'étendre leur réseau de connaissances bien plus facilement. Ces stages n'offrent pas seulement un cadre institutionnel avantageux, mais aussi une expérience humaine de 9 mois dans un pays étranger. C'est dans ce cadre que je suis partie en Afrique du Sud afin de réaliser mon stage de Master 2 « Apprentissage et Didactique du Français Langue Étrangère et Seconde «. C'est l'Université de Stellenbosch dans la province du Cap Occidental qui m'a ouvert ses portes et à qui j'ai apporté un soutien logistique. Ce stage a débuté le 4 février 2008 et s'achèvera le 30 octobre 2008. Toutefois, même s'il me reste encore plus d'un mois de travail à effectuer, il est également temps de faire le point sur ce que j'ai accompli. Cette année, il ne s'agissait plus de proposer des analyses de cours comme compte rendu de stage, il s'agissait de comprendre en quoi ce stage est différent par rapport à celui des autres. Avant de partir, j'avais un projet particulier en tête : je souhaitais mettre en avant ma formation en phonétique corrective, méthode verbo-tonale par la mise en place de cours de rattrapage sous forme de cours de correction phonétique. En effet, compte tenu de la population étudiante, l'étude que j'avais l'intention de mener avant de me lancer dans les cours de rattrapage aurait été la comparaison des trois systèmes langagiers français, afrikaans et anglais. En effet, la plupart des étudiants de l'Université de Stellenbosch sont déjà bilingues voire même trilingues. Cette étude était assez ambitieuse car j'avais dans l'idée de : . premièrement, étudier les caractéristiques phonétiques et acoustiques des trois langues donc de comparer les phonèmes, la distribution, la syllabation et la prosodie de ces trois langues ; . deuxièmement, proposer des corrections théoriques de fautes que pourraient faire les étudiants ; . troisièmement, faire des enregistrements d'étudiants volontaires au cours de rattrapage en tenant compte de trois points importants: ils doivent être de langue maternelle afrikaans, ils auront appris l'anglais à l'école et ils ont commencé le français cette année. Il semble important de faire ce choix pour éviter tout problème ultérieur d'analyse. . quatrièmement, voir comment la théorie s'applique dans la pratique à partir de l'analyse des enregistrements. Au bout de quelques mois, je me suis vite rendue compte de la masse de travail engendrée par l'enseignement en lui-même et de la masse de travail que je m'étais prévue. Après concertation avec le Professeur Michel Billières, il m'a fallu me concentrer sur mon stage en lui-même plutôt que de chercher à contrôler son contenu. C'est à partir de là que j'ai réalisé l'importance de la grammaire dans mon enseignement. Ce compte rendu de stage aura donc deux axes majeurs. Dans un premier temps, je me pencherai sur le contexte de mon stage : en quoi travailler dans une université sud-africaine est un contexte unique ? Pour répondre à cette question, je m'intéresserai à la place des langues locales et du français en Afrique du Sud et à l'université de Stellenbosch. Cela me permettra ensuite de présenter l'institution et la section de français dans laquelle je poursuis mon apprentissage du métier de professeur de français. Dans un second temps, je lèverai la question de l'enseignement / apprentissage de la grammaire en contexte universitaire. Par le biais d'une définition précise du terme de « grammaire «, je ferai la présentation de la méthode et de la méthodologie utilisées à l'Université de Stellenbosch afin de mieux éclairer les problématiques engendrées par le contexte lui- même. Je proposerai également des analyses de mes pratiques de classe pour montrer l'emploi de la méthode dans son environnement didactique. Je finirai mon travail par quelques perspectives du monde du français langue étrangère en Afrique du Sud (les contraintes du système universitaire, le débat de la place de la littérature). CHAPITRE I : CONTEXTE ET PRÉSENTATION DE L'INSTITUTION 1.1. Le contexte sud-africain Avant de nous intéresser au cadre professionnel dans lequel j'ai effectué mon stage, il me semble opportun de le replacer dans un contexte plus global. En effet, l'enseignement du Français Langue Étrangère en Afrique du Sud a une résonnance particulière de part l'histoire du pays. Cette partie aura pour but de présenter brièvement la situation linguistique de l'Afrique du Sud en ayant une vue d'ensemble sur la place des langues dans le pays ainsi qu'à Stellenbosch. Cela nous permettra également de nous interroger sur la place du français dans un tel contexte. 1.1.1. La place des langues en Afrique du Sud A. Profil linguistique L'Afrique du Sud reconnait 11 langues officielles : 4 langues Nguni (Ndebele, Swazi, Xhosa et Zoulou), 3 langues Sotho (Pedi, Sotho et Tswana) et le Venda, le Tsonga, l'Afrikaans et l'Anglais. Toutefois, d'après le rapport LANGTAG (Language Plan Task Group) d'août 1996, environ 70 autres langues sont également utilisées. Les langues sont généralement classées en deux catégories : les langues bantoues et les langues dites germaniques (l'anglais et l'afrikaans). D'après le dernier recensement effectué en 2001, les 11 langues officielles se répartissent de manière très inégale parmi les 44 millions de sud-africains. Comme le montrent les deux figures[i] ci-dessous, la langue la plus parlée est le zoulou avec presque 24% de locuteurs. Toutefois, et nous le verrons par la suite, il ne s'agit pas de la langue dont le poids politique est le plus grand. Population classée en fonction de leur langue première : Langue du foyer Population % de la Population Afrikaans 5 983 426 13.3 Anglais 3 673 203 8.2 Ndebele 711 821 1.6 Xhosa 7 907 153 17.6 Zoulou 10 677 305 23.6 Pedi 4 208 980 9.4 Sotho 3 555 186 7.9 Tswana 3 677 016 8.2 Swazi 1 194 430 2.7 Venda 1 021 757 2.3 Tsonga 1 992 207 4.4 Autres 217 293 0.5 B. Le problème des langues L'Afrique du Sud connaît de nombreux problèmes similaires à ceux d'autres pays d'Afrique, tels que la pauvreté, le chômage, la violence et la répartition inégale de ces ressources. Dans tous ces domaines, les langues jouent un rôle crucial et il existe plusieurs obstacles à la résolution de ces problèmes. Vic Webb[ii] en dénombre six principaux : 1/ La dominance de l'anglais : selon lui, les communautés noires surestiment l'utilité et l'importance de l'anglais. Elles poussent donc leurs enfants à suivre leur enseignement dans cette langue et dévalorisent complètement l'utilisation des langues bantoues alors qu'elles sont parlées par presque 80% de la population sud-africaine. 2/ La mauvaise compétence des locuteurs en anglais. 3/ Les langues bantoues mal-adaptées : ces langues n'ont quasiment aucune valeur économique et même leurs locuteurs ne pensent pas qu'elles puissent être utilisées comme instruments d'apprentissage / enseignement, d'activités économiques, de mobilité sociale ou d'autres affaires publiques. Certains pensent même que ces langues ne sont pas adaptées linguistiquement (n'ayant pas le lexique ou le registre). Toutefois, n'oublions pas que nous créons constamment des mots afin de nous adapter à notre monde moderne et selon Webb, il faudrait rendre ces langues plus techniques. 4/ Les difficultés de l'établissement du multilinguisme et ce, malgré la Constitution : en effet, l'anglais est la langue de travail du parlement et des tribunaux. Elle est aussi la langue préférée dans le cadre éducationnel et dans le monde du travail et des médias. Comme l'explique Webb[iii] : « A particular facet of the problem of multilingual communities is the restricted ability of citizens to communicate cross-culturally on a meaningful level. In South Africa, this inability is the result of at least the following: - the absence of a national lingua franca at the basic levels and in the basic domains of public life - underdeveloped multilingualism, with most non-black citizens having knowledge only of Afrikaans and English and therefore incapable of communicating with members of the black communities in a Bantu language, and - the absence of training in cross-cultural communicative skills in school language learning programmes (for example, dealing with cultural differences in interpretative schemata, conflicting contextualisation clues, and conflicting discourse conventions). « Enfin, il est presqu'impossible économiquement de mettre en place une politique qui mettrait sur le même pied d'égalité les 11 langues officielles et ce, dans tous les domaines de la vie publique du pays. 5/ La politisation des langues : ce problème a mené à une intolérance linguistique et ethnique de certaines langues. Ainsi, par exemple, l'afrikaans, malgré ses racines ancrées dans les communautés dites « coloured «, a été idéalisée et mythifiée comme la langue de l'homme blanc. Le résultat en est une connotation négative de la part de nombreuses communautés. 6/ La standardisation des langues : alors que la France a son Académie pour régir les lois du « bon français «, l'Afrique du Sud se pose la question de savoir quel anglais devrait être accepté comme adéquat dans les contextes publics formels. De même, à la fin des années 1990, il avait été proposé d'harmoniser les deux grands groupes de langues bantoues (les langues Nguni et les langues Sotho) pour les livres de classe et pour les documents officiels, ce qui aurait eu de grands avantages économiques. Toutefois, une levée de boucliers de la part des membres des communautés de langues bantoues en a eu fini de cette proposition, ces communautés craignant pour leur identité socioculturelle (voire même politique). Tous ces problèmes ne sont bien évidemment que la partie émergée de l'iceberg et l'on peut se demander quelle politique linguistique a été mise en place afin d'octroyer aux 11 langues officielles le même statut. Ainsi, notre prochaine partie se penchera sur le sujet au travers l'analyse de la Constitution sud-africaine. C. La Constitution Il me semble important de rappeler au début de cette partie que durant toute la période de l'Apartheid en Afrique du Sud, les langues ont mené un grand combat et ce, tout autant que les populations. En effet, il faut garder en mémoire le caractère politique et social de chaque langue : l'afrikaans a été l'instrument des nationalistes afrikaners alors que l'anglais, la langue du combat contre l'oppresseur (ce qui peut expliquer son statut actuel dans les communautés noires). Cette rivalité historique entre les deux langues date surtout de la période de colonisation de l'Empire britannique au XIXème siècle. Dans ce combat de titans, les langues bantoues n'avaient aucun poids politique. À la fin de l'Apartheid, marqué par les premières élections démocratiques au suffrage universel, en 1994, l'Afrique du Sud a souhaité se doter d'une constitution qui définisse la toute nouvelle rainbow nation[iv] . En 1996, la loi 108 est adoptée mais elle reste plus connue sous le nom de « Constitution de la République d'Afrique du Sud «. Cette loi s'ouvre par un préambule des plus intéressants. Le voici proposé ici dans son texte original[v]. « PREAMBLE We, the people of South Africa, Recognise the injustices of our past; Honour those who suffered for justice and freedom in our land; Respect those who have worked to build and develop our country; and Believe that South Africa belongs to all who live in it, united in our diversity. We therefore, through our freely elected representatives, adopt this Constitution as the supreme law of the Republic so as to - Heal the divisions of the past and establish a society based on democratic values, social justice and fundamental human rights; Lay the foundations for a democratic and open society in which government is based on the will of the people and every citizen is equally protected by law: Improve the quality of life of all citizens and free the potential of each person; and Build a united and democratic South Africa able to take its rightful place as a sovereign state in the family of nations. May God protect our people. Nkosi Sikelel' iAfrika. Morena boloka setjhaba sa hesp. God seën Suid- Afrika. God bless South Africa. Mudzimu fhatutshedza Afurika. Hosi Katekisa Afrika. « Outre le fait de reconnaître les erreurs du passé et de vouloir « établir une société basée sur des valeurs démocratiques «, ce préambule pose les jalons d'un futur multiculturel et plurilingue : les populations sont désormais « unies dans [leur] diversité « et le préambule s'achève par un « Que Dieu bénisse l'Afrique du Sud « traduit en 6 langues (en langue Nguni, en langue sotho, en afrikaans, en anglais, en venda et en tsonga). Dans le premier chapitre de la Constitution, on retrouve toute une partie concernant la place que la nouvelle Afrique du Sud souhaite donner à ses langues. « Languages[vi] 6. (1) The official languages of the Republic of South Africa are Sepedi, Sesotho, Setswana, siSwati, Tshivenda, Xitsonga, Afrikaans, English, isiNdebele, isiXhosa and isiZulu. (2) Recognising the historically diminished use and status of the indigenous languages of our people, the state must take practical and positive measures to elevate the status and advance the use of these languages. (3) a. The national government and provincial governments may use any particular official languages for the purposes of government, taking into account usage, practicality, expense, regional circumstances, and the balance of the needs and preferences of the population as a whole or in the province concerned; but the national governement and each provincial governement must use at least two official languages. b. Municipalities must take into account the language usage and preferences of their residents. (4) The national governement and provincial governments, by legislative and other measures, must regulate and monitor their use of official languages. Without detracting from the provisions of subsection (2), all official languages must enjoy parity of esteem and must be treated equitably. (5) A Pan South African Language Board established by national legislation must - a. promote, and create conditions for, the development and use of - (i) all official languages; (ii) the Khoi, Nama and San languages; and (iii) sign language; and b. promote and ensure respect for - (i) all languages commonly used by communities in South Africa, including German, Greek, Gujarati, Hindi, Portuguese, Tamil, Telugu and Urdu; and (ii) Arabic, Hebrew, Sanskrit and other languages used for religious purposes in South Africa. « À la lecture de ces dispositions, on peut constater que le gouvernement sud-africain doit fortement s'engager envers une politique plurilingue et envers la promotion des langues bantoues. En outre, le but de ces dispositions n'est pas d'avoir 11 langues officielles dans toutes les fonctions officielles et tous les domaines de la vie publique mais réunir les principales communautés par la reconnaissance de toutes les langues du pays. De plus, la mise en ?uvre de ces dispositions est soumise à la législation mais aussi à des clauses dérogatoires (l'usage, l'aspect pratique, les frais, les circonstances régionales et l'équilibre entre les besoins et les préférences de la population), qui peuvent très bien l'ébranler si elle n'est pas définie plus précisément. C'est d'ailleurs ce qui pose quelque peu problème. En effet, puisque leur exécution n'est pas exactement déterminée, ses dispositions ne peuvent pas vraiment être considérées comme une politique linguistique en tant que telle et elles reflètent plutôt une vision, un but à long terme à atteindre par le gouvernement. Elles sont toutefois une grande avancée comparées au gouvernement précédent. De plus, pourquoi a-t-il été choisi onze langues officielles ? Comme je l'ai fait remarquer plus haut, il faut bien garder en tête le caractère politique de chaque langue. Ainsi, en 1994, le Parti National souhaitait que l'anglais et l'afrikaans soient conservés en tant que co-langues officielles et que les langues bantoues soient reconnues comme langues officielles régionales. Quant à l'African National Congress (ANC), il ne souhaitait voir que l'anglais comme seule et unique langue officielle de l'Afrique du Sud. Au final, on est loin d'avoir à faire à un choix rationnel, issu d'une réflexion sociolinguistique, s'agissant ici d'un accord purement politique. D'ailleurs, prendre des décisions de ce type est une chose mais les mettre en ?uvre en est une autre. En effet, puisque toutes les fonctions officielles ne peuvent être exécutées en 11 langues tout le temps et puisque les ressources humaines et matérielles sont indisponibles, comment peut-on concrétiser de telles dispositions ? L'idée générale, ici, est surtout de prendre en considération les langues régionales dans la politique du pays donc sans être égales les unes aux autres, les langues officielles sont considérées paritairement et traitées équitablement. Après avoir dépeint la place des langues dans la constitution, il nous faut voir les conséquences de celle-ci sur la société sud-africaine. D. La politique linguistique de l'Afrique du Sud et son efficacité Comme nous l'avons précisé précédemment, la Constitution ne donne pas la manière (comment ?) et les outils (avec quoi ?) d'atteindre son objectif de multilinguisme. C'était, après l'adoption de celle-ci, au tour du pouvoir exécutif de faire appliquer le texte. En 2003 (neuf ans, tout de même, après la fin du régime d'Apartheid), après de nombreux rapports (en particulier, celui du groupe de travail LANGTAG dont nous avons déjà fait allusion au début de ce chapitre) et de brouillons de loi, le Cabinet a finalement approuvé le National Language Policy Framework , dont le South African Languages Bill[vii] fait parti. Cette proposition de loi a plusieurs buts : - rendre effectives les dispositions stipulées dans la Constitution ; - promouvoir l'utilisation équitable des langues officielles ; - permettre à tous sud-africains d'utiliser les langues officielles de leur choix afin d'assurer un accès égal aux services et aux programmes gouvernementaux, à l'éducation, au savoir et à l'information ; et, - proposer un cadre de régulation afin de faciliter la concrétisation des obligations constitutionnelles en matière de multilinguisme. Le gouvernement sud-africain a chargé le Department of Arts and Culture de développer une politique linguistique et de coordonner sa mise en ?uvre. Le D.A.C. doit travailler en collaboration avec le Pan South African Language Board, dont l'action a pavé le chemin de cette proposition de loi puisqu'il a été le premier conseil chargé de, entre autre, promouvoir les langues officielles dès 1995. Donc, depuis 1995, l'Afrique du Sud s'est lentement dotée d'armes législatives afin de mener à bien ses ambitions. Toutefois, lorsqu'on prend l'exemple du PanSALB, il a souvent été critiqué pour être une commission vide de pouvoir. En effet, son manque de poids politique vient surtout d'un financement inadéquat de la part du gouvernement. Une aide financière et des ressources inadaptées n'ont pas facilité le travail de la commission et ont même eu pour conséquence de retarder, par exemple, la progression d'unités nationales lexicographiques, établies par le PanSALB, qui sont responsables de la composition des dictionnaires en langues indigènes. Enfin, il est clair que la promotion du multilinguisme et le soutien de cette diversité linguistique, parallèlement aux transformations sociales réalisée dans d'autres domaines, n'ont pas été encore intégrés à l'agenda du planning national. Comme le souligne Gerrit Brand dans un article datant de 2004, « a thorough analysis of developments over the last decade, against the background of 300 years of colonialism, segregation and apartheid, suggests that language is one of the pivotal factors that will determine the direction in which [the South African] society will develop[viii]. « Nous en revenons donc à cette idée qui nous a suivis tout au long de cette brève présentation de la place des langues en Afrique du Sud : le pouvoir d'une langue vient donc de sa capacité à faire pression politiquement, ce que toutes les langues sud-africaines n'arrivent pas encore à faire. 1.1.2. L'afrikaans à Stellenbosch[ix] Même si nous n'avons pas l'intention de faire une étude purement linguistique (ou phonétique) dans ce rapport de stage, il me semble tout de même justifier de présenter Stellenbosch sous cet aspect car tout en Afrique du Sud passe par la langue que l'on utilise. Ainsi l'image que j'avais de la ville avant d'arriver n'était pas très glorieuse : je m'attendais à rencontrer des gens très conservateurs (linguistiquement parlant) et très nationalistes. Il y en a sûrement mais ce ne sont pas eux que j'ai rencontré. La langue à Stellenbosch est une fierté et il faut souvent savoir regarder au-delà des préjugés. A. L'afrikaans dans la ville Lors de la multiplication du nombre de langues officielles en Afrique du Sud, l'afrikaans a forcément commencé un nouveau combat pour « survivre « dans ce nouveau rapport aux langues. Non pas, qu'il fallait désormais se battre contre 10 autres langues, mais plutôt contre une, l'anglais, qui était / est devenue la seule langue officielle de fait. Toutefois, certaines provinces d'Afrique du Sud, comme le Cape Oriental, et même certaines municipalités sont toujours majoritairement afrikaans, comme par exemple Stellenbosch. Près de 70% de la population de la ville parle afrikaans, pas seulement des Afrikaners mais aussi des populations dites « coloured «. Comme nous le rappelle Jaco Alant dans son ouvrage Parlons Afrikaans[x], « Sont noirs près de la moitié des six millions de locuteurs de langue maternelle afrikaans. Le système raciste les avait catégorisée « coloured « (« colorés «) : case fourre-tout mal rendue par la traduction française « métis «, et dont la seule définition n'aura jamais été que négative. Ni Blanc (surtout pas ça), ni d'origine « indigène « (de langue bantoue), ni d'origine asiatique (indienne ou chinoise). « La ville a été fondée en 1679 par le gouverneur hollandais Simon van der Stel mais c'est avec la création de l'université indépendante de Stellenbosch que son caractère Afrikaner s'est vraiment affirmé. En effet, contre toute attente, elle a servi la cause Afrikaner au moment où l'impérialisme britannique (politique, culturel et linguistique) semblait avoir triomphé. C'est l'université qui a permis de faire évoluer l'afrikaans d'un patois local en une langue de lettres et de sciences. B. L'afrikaans à l'Université de Stellenbosch Comme nous venons de l'expliquer, la ville de Stellenbosch vit aussi au rythme de son université implantée au beau milieu de la ville. L'université de Stellenbosch est traditionnellement une institution afrikaans et la plupart des enseignements se font dans cette langue. Les enseignements en anglais viennent principalement d'universitaires étrangers (je ne fais pas allusion ici aux Néerlandais ou aux Flamands car leurs langues sont très proches de l'afrikaans) ou d'origine d'autres provinces à tendance anglophone (la région de Durban par exemple). N'oublions pas que le débat sur les langues en Afrique du Sud se joue également dans le domaine de l'éducation et les universités du pays ont du également refléter la politique du gouvernement. C'est pourquoi en 2002, l'université de Stellenbosch (U.S.) s'est dotée d'une politique linguistique et d'un plan d'action (pour la mise en ?uvre de cette politique) au sein même de son institution. Ainsi, on peut lire sur le site de l'université[xi], à propos de sa politique linguistique : « 1. The University is committed to the use and sustained development of Afrikaans as an academic language in a multilingual context. Language is used at the University in a manner that is directed towards its engagement with knowledge in a diverse society. 2. The University acknowledges the special status of Afrikaans as an academic language and accepts the responsability to promote it. At the same time, it takes account of the status of English as an international language of communication and of isiXhosa as an emergin academic language. 3. The University distinguishes between the use of the three languages in the following manner: - Afrikaans is by default the language of learning and teaching at undergraduate level, while English is used to a greater extent at the postgraduate level; - isiXhosa is promoted as an emerging academic language. The University creates opportunities for students and staff to acquire communication skills in isiXhosa. 4. The institutional language of the University is, by default, Afrikaans, while English is also used, depending on the circumstances, as an internal language of communication. All three languages are used, where possible, for external communication. « L'université de Stellenbosch, sans renier son passé d'institution afrikaner, cherche à intégrer la langue Afrikaans dans une société multilingue par le biais de l'incorporation de l'anglais et surtout du xhosa dans le milieu académique. D'ailleurs, il m'est souvent arrivé de m'asseoir et de simplement écouter les étudiants autour de moi. Non seulement l'afrikaans est dans presque toutes les bouches mais elle a évolué avec l'influence de l'anglais. Certains puristes considèreront les anglicismes (l'intrusion de mots ou d'expressions anglaises dans la langue afrikaans) comme ne faisant pas parti du bon usage[xii] ; pour ma part, l'anglais me semble être une autre influence étrangère sur la langue, étant arrivé assez tardivement dans le pays, et dont le rôle dans le développement de l'afrikaans a été considérable. Il est bien possible qu'il en ait un encore plus grand dans le futur car ce sont les jeunes sud-africains d'aujourd'hui qui emploient ce qu'on appelle l' « engfrikaans «. 1.1.3. Le français en Afrique du Sud A. Présence française et influence du français La présence française en Afrique du Sud remonte à l'installation de Huguenots au Cap en 1688, suite à la révocation de l'Édit de Nantes par Louis XIV en 1685. En effet, de nombreux protestants ont fuit la France pour les Pays-Bas et moins de 200 d'entre eux sont arrivés dans cette nouvelle contrée, avec la VOC (Vereenigde Oostindische Compagnie, soit la Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales), qui ne souhaitait pas voir le développement d'une identité française indépendante. C'était donc une petite communauté qui n'avait pas le droit de parler le français même entre eux. Ainsi, la présence des français dans cette région est restée anecdotique. C'est sûrement pour cette raison que le français n'a pas reçu, au même titre que l'allemand, le grec ou le portugais, la protection de la Constitution sud-africaine. Toutefois, depuis les années 1980 (avec les politiques diplomatiques de Valérie Giscard d'Estaing et de François Mitterrand envers les pays francophones, anglophones et lusophones d'Afrique), la France est de plus en plus considérée comme l'interlocuteur principal de l'Afrique. Comme le fait remarquer Dominique Darbon, en 1990, dans son article « Les relations franco-sud-africaines depuis 1977 « : « Pour nombre de dirigeants sud-africains, la politique africaine de la France apparaît dans bien des domaines comme un modèle. Les accords de coopération militaire et économique conclus entre la France et nombre d'États de l'Afrique sub-saharienne sont, de nos jours encore, considérés comme un canevas riche d'enseignements pour de futures relations avec les pays africains. [xiii] « L'Afrique du Sud reste un pays africain et s'il souhaite avoir une plus grande influence en Afrique, il lui faudra passer par une des langues africaines qui comptent beaucoup politiquement et économiquement, le français (et donc par la France). D'ailleurs, pourquoi près de 400 étudiants de l'université de Stellenbosch ont-ils choisi de faire du français ? Principalement pour sa portée professionnelle sur le continent africain. D'après un article[xiv] publié sur le site du journal Libération, « en Afrique du Sud, l'apprentissage du français ne se limite pas au champ diplomatique. Les Sud-Africains sont en effet devenus les plus gros investisseurs sur le continent noir. « La connaissance du français est devenu un véritable atout et le besoin de professeurs en Français Langue Étrangère est croissant. Toutefois, les Alliances françaises du pays ont du mal à faire à la demande, confrontée à une pénurie de personnel qualifié principalement due à la difficulté pour ceux-ci d'obtenir un visa de travail. Le gouvernement sud-africain privilégie les demandeurs d'emploi locaux, ce qui est très louable, mais la plupart d'entre eux n'est souvent pas ou peu qualifiée. B. La situation aujourd'hui : les partenariats France-Afrique du Sud Comme nous venons de l'expliquer, l'enseignement et l'apprentissage du français en Afrique du Sud sont liés à la politique sud-africaine d'ouverture à l'Afrique et au monde. Sur le plan intérieur, le français est un outil utile à la professionnalisation d'acteurs économiques et commerciaux dans les échanges avec les pays francophones d'Afrique. Sur le plan extérieur, c'est un outil nécessaire au service de la construction de l'influence politique et économique sud-africaine en Afrique et dans le monde. L'organisation de la Coupe du monde de football de 2010 en Afrique du Sud ne fait qu'intensifier la demande de langue française et l'élargir à de nouveaux segments des activités sociales et culturelles de ce pays. Le 11 septembre 2006, les gouvernements français et sud-africain ont signé un document de partenariat fixant pour 5 ans les domaines de coopération bilatérale et les objectifs prioritaires auxquels les deux pays vont consacrer leurs moyens. La France a ainsi gagé 400 millions de rands (soit plus de 34 millions d'euros) au service du développement des infrastructures, des petites et moyennes entreprises mais aussi 30 millions de rands (environ 2,5 millions d'euros) pour la promotion du français en Afrique du Sud et au Lesotho. Sur 5 ans, de 2007 à 2011, le Service de Coopération et de l'Action Culturelle (SCAC) de l'Ambassade de France en Afrique du Sud s'attachera donc à appuyer l'enseignement et l'apprentissage du français comme outil de communication interafricaine en valorisant la plus value que sa maîtrise confère sur le marché du travail. Pour cela, le SCAC travaille en partenariat avec les ministères concernés, les sections de français de douze universités, l'Association des Études françaises en Afrique australe (AFSSA), le réseau des Alliances Françaises, l'Institut Français d'Afrique du Sud (IFAS), le réseau des établissements à programme scolaire français, le réseau des centres de Français Langue Étrangère en France et en Afrique, la Chambre de commerce et d'industrie franco-sud-africaine ainsi qu'avec les organismes de coopération régionale (Conseil régional de l'Ile-de-France et de l'Ile de la Réunion) et de coopération multilatérale (Organisation Internationale de la Francophonie, Agence Universitaire de la Francophonie, TV5) qui apportent aussi des cofinancements sur projets. Les propositions de coopération sont orientées selon trois objectifs principaux. Ces objectifs sont développés comme suivent sur le site de l'Ambassade de France en Afrique du Sud : « [...] l'Ambassade de France et les Alliances Françaises mettront en ?uvre les actions suivantes : - Cours de français dans les institutions et les entreprises, en s'appuyant notamment sur l'action d'un Assistant technique français placé auprès du Ministère des Affaires étrangères de la République d'Afrique du Sud et sur des stagiaires français placés auprès des Départements de Français des universités ; des étudiants défavorisés seront spécialement soutenus ; - Formation de professeurs de français et appui pédagogique, en particulier au travers d'un centre de ressources doté d'un site Internet (Centre d'Information sur la France Contemporaine « Dibuka «) ; un effort particulier sera consenti en faveur de la formation de professeurs issus des milieux historiquement défavorisés (Soweto) ; - Promotion des industries audiovisuelles en Afrique (formations, diffusion des productions, accès aux marchés, protection des auteurs, conservation du patrimoine), notamment au travers d'un nouveau FSP « Diversité audiovisuelle « en cours de mise en place et d'appuis aux institutions sud-africaines (salons du film, télévision, radios, musique, écoles de journalistes). La perspective d'un appui de la France à la création d'une chaîne de télévision continentale d'expression francophone, lancée par la télévision publique sud- africaine (SABC), revêtirait à cet égard un caractère stratégique[xv]. « Il me semblait important de poser la situation sociolinguistique de l'Afrique du Sud et la politique de la France dans le pays avant de présenter l'institution dans laquelle s'est déroulé mon stage. En effet, beaucoup de choses, concernant l'université de Stellenbosch, s'expliquent par le profil linguistique à la fois du pays, de la région et de la ville et la politique française en faveur du développement de la francophonie. Il est donc grand temps d'entrer dans les détails de mon stage par le biais de la présentation de mon institution d'accueil. 1.2. L'institution : l'Université de Stellenbosch Au-delà du fait que l'on puisse apprendre une langue en milieu « naturel « (en direct en pays étranger), la plupart du temps, l'apprentissage doit se faire dans des établissements « spécialisés « dans un pays différent de celui dont on apprend la langue : établissements scolaires ou universitaires, centres culturels, écoles de langues, institutions privées. D'après Michèle Pendanx[xvi], « Selon la situation d'enseignement / apprentissage où l'on se trouve, on a affaire à différents publics : leurs représentations, leurs attentes, leurs motivations et leurs besoins, c'est-à-dire une partie de ce qui constitue leur rapport à la langue étrangère peuvent être extrêmement divers [...] « C'est pour cette raison qu'il me semble nécessaire de me pencher sur les particularités liées à l'université de Stellenbosch. Non pas qu'elle ait un fonctionnement totalement inédit (en comparaison à d'autres universités à travers le pays) mais la politique pédagogique de son département de Langue Vivantes Étrangères a de quoi surprendre, surtout en ce qui concerne sa méthodologie ; enfin, devrais-je dire, ses méthodologies. Cette partie aura donc pour but de présenter mon institution d'accueil ainsi que d'exposer le fonctionnement du département dont la section de français fait partie. 1.2.1. Généralités A. Présentation de l'institution[xvii] L'Université de Stellenbosch (U.S.) dont nous avons déjà donnée quelques informations liées à son histoire linguistique, est la plus ancienne université d'Afrique du Sud. Elle est installée dans le c?ur des vignobles du Cape Occidental, à environ 50 kilomètres du Cap. Depuis ses débuts en 1866 (à l'époque, on parlait du « Stellenbosch Gymnasium « qui ne comptait qu'environ 500 étudiants et 39 professeurs), l'université n'a cessé de grandir. En 2007, plus de 23 000 étudiants se sont inscrits à U.S. et on comptait un peu plus de 2000 membres du personnel dont 800 professeurs d'université. La recherche est l'une de ses principales fiertés avec environ 50 centres de recherches et l'un des pourcentages les plus élevés en matière d'étudiants de troisième cycle (postgraduate) d'Afrique du Sud, environ 33% de la population étudiante, dont 10% sont des étudiants étrangers. Il me semble aussi que l'autre fierté de l'université vient de ses nombreux athlètes (les Maties[xviii]). De nombreux joueurs de rugby célèbres (Danie Craven ou bien encore, Stuart Abbott) sont sortis diplômés d'U.S. et encore récemment, l'équipe de rugby d'Afrique du Sud s'est entraînée sur les terrains de Coetzenburg, une petite partie des installations sportives de l'université. Le rugby, ici, est une vraie religion (dont je suis une fervente adepte!) et même s'il est possible de pratiquer toutes sortes de sport, c'est le rugby qui rassemble la population étudiante. En effet, j'en ai fait l'expérience lors de la finale interuniversitaire entre les Ikeys de l'Université du Cap et les Maties en mars 2008 : l'ambiance m'a rappelé celle des matches de Coupe du Monde, en octobre 2007. Outre la recherche et le rugby, l'enseignement du français à U.S. a également une longue histoire derrière lui. À l'origine, il était regroupé avec l'allemand et le néerlandais dans le Département de Langues Vivantes car pendant de nombreuses années, il n'y avait qu'un professeur pour l'enseignement des trois langues. La création de l'université de Stellenbosch en 1918 (lorsque l'institution a enfin pris ce nom) a aussi vu la création de son Département de Français indépendant de celui d'Allemand, et ce, jusqu'en 1998, date à laquelle, le Département de Langues Vivantes Étrangères a été reformé. L'université de Stellenbosch et le département de Langues Vivantes Étrangères ont toujours eu pour but de tisser des liens avec d'autres universités à l'étranger (comme l'université de Bordeaux qui est en partenariat avec le département de viticulture) mais aussi avec des gouvernements étrangers. C'est dans le cadre de la coopération entre la France et l'Afrique du Sud que j'ai le bonheur de faire mon stage à l'université de Stellenbosch. B. Le stage M.A.E. Comme pour la finalisation de la première année de Master « Apprentissage et Didactique du Français Langue Étrangère et Seconde «, il m'a fallu trouver un stage afin de compléter mon année universitaire. La réalisation d'un stage à l'étranger (ou non) était pour moi une formidable occasion de concrétiser un de mes rêves professionnels : enseigner le Français Langue Étrangère en milieu universitaire et en Afrique du Sud. À la fin de ma première année de Master, nous avions déjà été informés de la possibilité d'un stage rémunéré et supervisé par le Ministère des Affaires Étrangères français et je m'étais toujours dit qu'il fallait que je tente l'aventure. En effet, chaque année, le Ministère des Affaires Étrangères français propose des stages longs de neuf mois aux étudiants de Master 1 et 2 en Français Langue Étrangère. Pour l'année 2007/2008, le ministère a offert 210 stages (160 stages civils et 50 stages militaires) dans 67 pays, dont 8 stages en Afrique du Sud. Les stages proposés en Afrique du Sud sont repartis dans les endroits les plus dynamiques du pays, c'est-à-dire à : - l'Alliance Française de Prétoria, où la stagiaire actuelle (Marie Drevet) s'occupe de la formation de diplomates sud-africains au français des relations internationales ; - l'Université de Witwatersrand, à Johannesbourg (Jessy Verger) ; - l'Alliance Française de Johannesbourg (Annabelle Mei) ; - l'Université du Lesotho à Roma (Julie Sapolin); - l'Université et l'Alliance Française de Port Elizabeth : la stagiaire (Marie Sicre) forme au français des étudiants en journalisme ; - l'Université de Stellenbosch, et - l'Université du Cap qui accueille deux stagiaires cette année : l'une (Julie Lesauvage) s'occupe de l'enseignement des travaux pratiques aux étudiants en BA Honours Teaching French as a Foreign Language (équivalent de la Licence), inauguré l'année dernière ; et l'autre (Hélène Binesse) est responsable de la mise en place d'une plateforme informatique pour la section de français de l'université. L'atout des stages M.A.E., en mon sens, vient de son organisation très avantageuse pour le stagiaire. En effet, alors que de nombreux stages ne sont pas rémunérés et peu intéressants, ces stages permettent non seulement de vivre une expérience personnelle très enrichissante mais aussi et surtout de vivre une expérience professionnelle fructueuse. Professionnellement, ce stage m'a permise de rencontrer les acteurs du F.L.E. en Afrique du Sud (et surtout du Cape Occidental) par le biais de l'Attaché de coopération pour la promotion du français, Mr Philippe Aldon, par le biais de Mr Chet Fransch, ancien directeur de l'Alliance Française de Stellenbosch (qui m'a fait rencontrer l'actuelle directrice, Leïla Kopff), par le biais de mes collègues de l'Université, etc. Il me semble que les stages M.A.E. ouvrent certaines portes qui auraient été plus difficiles à ouvrir par des chemins différents. Après cette introduction aux contextes de mon stage, il me faut prendre en considération le cadre dans lequel on enseigne le français à l'Université de Stellenbosch. En effet, comme nous l'avons précisé, la section de français fait partie du département des langues vivantes étrangères, au même titre que l'allemand et le mandarin. Toutefois, les trois sections ne fonctionnent pas tout à fait de la même manière. 1.2.2. Fonctionnement du département des Langues Vivantes Étrangères (Departement Moderne Vreemde Taale / Department of Modern Foreign Languages) Comme je l'ai précisé auparavant, les sections d'allemand, de français et de mandarin sont regroupées en un seul et même département, celui des Langues Vivantes Étrangères. Contrairement à l'Université Toulouse Le Mirail qui offre la possibilité de s'ouvrir à de nombreuses langues et cultures européennes (anglais, italien, espagnol, polonais, etc.), l'Université de Stellenbosch propose en plus des cours de langue du département de langues vivantes étrangères, des cours de xhosa, d'afrikaans, de néerlandais et d'anglais (chacun ayant son propre département). Au vu de cela, il est bien évident que la situation linguistique de l'Afrique du Sud, dont nous avons déjà parlé, tend à favoriser les langues ayant un lien avec ou un intérêt particulier pour le pays. Ainsi ont survécu l'allemand, le français et a émergé le mandarin. Dans cette partie, nous allons nous intéresser à ce qui est dit dans les documents officiels donnés aux étudiants, puis nous nous intéressons à la section de français plus particulièrement. A. Politique pédagogique : discours officiel Au début de l'année universitaire (en février 2008), il a été demandé à tous les lecteurs du département de distribuer une brochure concernant ce dernier aux étudiants de cours magistraux. Cette brochure contient une partie en anglais et une partie en afrikaans car, rappelons-nous de la politique linguistique de l'université, « [l]a langue institutionnelle de l'université est, par défaut, l'afrikaans, mais l'anglais est également utilisé, selon les circonstances, comme langue interne de communication «. Elle donne également des informations concernant les différents modules d'enseignement (module uiteensettings / module outlines), la répartition des notes au long de l'année (puntetoekennig / mark allocation), les attentes du département vis-à-vis des performances des étudiants (studenteprestasie / student performance) et bien sûr, les dates importantes, les emplois du temps et les listes de livres (belangrike datums, roosters, boekelyste / important dates, time tables, booklists) pour les trois sections. De ce livret, il me semble que la partie la plus intéressante est son introduction qui fait écho à ce que le site du département décrit dans son approche des langues : « The Department of Modern Foreign Languages offers a ful range of undergraduate modules in French, German and Mandarin as well as programmes leading towards Honours and Masters Degrees in French and German, an MPhil in Hypermedia for Language Learning, a Doctorate Degree (DLitt) in German or in Comparative Literature. First year modules are designed to admit students at different language proficiency levels ranging from true beginners to students who matriculated in the respective suject. All modules in French and German are taught in the target language. Based on an intercultural and communicative approach, programmes are designed to provide a thorough competence in the spoken and written language. Students who major in any of the languages offered by the Department will have gained a critical appreciation of the language, literature and culture of the relevant countries from an African perspective. The Department has strong connections to France, the German speaking countries and China and encourages students to take advantage of student exchange programmes. While members of staff are decidedly student oriented they have forged many links with the international research community[xix]. « À la lecture de cette introduction, la place de l'approche communicative semble être particulièrement importante. Rappelons-nous que dans l'approche communicative, on n'apprend pas la langue pour ensuite pouvoir communiquer mais il s'agit de lier les deux en profondeur. Toutefois, après six mois de stage, il m'apparaît qu'au-delà du discours, il y a la réalité du fonctionnement du département qui fait que l'institution impose une successivité dans les apprentissages : on apprend la langue et ensuite, on communique. De plus, au vue des compétences offertes par le département, on propose aux étudiants d'apprendre à analyser et à critiquer de manière argumentative la langue (c'est-à-dire la grammaire), la littérature et la culture. L'expression orale est très contrôlée et même si des classes de conversation sont organisées (pour une expression plus libre, moins guidée), elles sont proposées hors cursus. Hélas, tout ce qui n'est pas obligatoire est souvent peu populaire : les étudiants ont souvent besoin d'une « carotte « pour participer à ce type d'activités extra- universitaires[xx]. Les priorités de recherches du département sont particulièrement intéressantes et mettent en avant les vraies compétences que peuvent acquérir les étudiants au cours de leurs études au sein des différentes sections : - La pédagogie des langues étrangères et plus particulièrement, la suggestopédie et les TICE (Technologies de l'Information et de la Communication pour l'Éducation) : Foreign Language Pedagogy emphasising on Suggestopedia and Educational Hypermedia. - Études socio-culturelles (socio-cultural studies) - Études en communication interculturelle et transculturelle (studies in intercultural and transcultural communication) - Études en littérature (comparée) et théâtrales : (comparative) literature and theatre studies - Études de communication (media studies) - Analyse filmique (film analysis) Au vue de ces quelques priorités, on ne peut que remarquer l'absence de la linguistique des langues enseignées et encore moins de son application en didactique. Comment proposer une pédagogie des langues étrangères sans réflexion sur celles-ci ? Il me semble que le département a contourné le problème en mettant au centre de son enseignement l'importance de la culture et de l'environnement dans l'apprentissage des langues au travers d'études culturelles et littéraires des langues. Toutefois, le discours du département est-il en phase avec la réalité des pratiques ? Si oui, est-ce que ces pratiques sont suffisantes pour satisfaire à la fois les besoins des étudiants et les contraintes de l'université ? Nous ne répondrons qu'en partie à ces questions par le biais d'une étude des pratiques faites au sein des sections d'allemand et de mandarin. En effet, c'est aussi le but de ce rapport de stage que de s'interroger sur les pratiques qui seraient les plus à même de rendre autonome linguistiquement les étudiants du département de langues vivantes étrangères et en particulier, la section de français. B. Les sections d'allemand et de mandarin : quelles méthodologies ? Bien que faisant partie du même département, les sections d'allemand, de français et de mandarin ont fait leur propre choix méthodologique en matière d'enseignement de la langue étrangère, même si elles conservent une méthode d'évaluation similaire (en l'occurrence, le contrôle continu). Cette partie va donc analyser les préférences pédagogiques des sections d'allemand et de mandarin afin de pouvoir mieux les comparer, par la suite, aux choix faits par la section de français. Pour se faire, nous allons nous appuyer sur les programmes et les descriptions de cours donnés sur le site internet du département de langues vivantes étrangères[xxi]. N'ayant enseigné qu'aux étudiants de première et deuxième année, nous allons aussi mettre en avant les choix faits pour ces étudiants afin d'avoir une idée plus claire des différences entre sections. a) La section de Mandarin Depuis quelques décennies déjà, on constate que la Chine prend de plus en plus d'importance sur l'échiquier mondial. Tout comme l'intérêt d'apprendre le français sur le continent africain, l'apprentissage du mandarin est vu dans de nombreux pays comme une compétence utile. Ainsi, depuis quelques années, l'université de Stellenbosch a mis en place des cours de mandarin et la section n'a cessé de grandir. Depuis janvier, deux nouvelles recrues ont été envoyées par le gouvernement chinois grâce à un accord passé entre les ministères de l'Education chinois et sud-africain il y a quelques années, afin de prendre en compte la demande croissante. La section de mandarin offre quatre modules d'enseignement : - Mandarin 178 : Introduction au mandarin et à la culture chinoise (Mandarin 1ère année) doit permettre aux étudiants de développer un savoir langagier (les différents tons, environ 400 caractères utilisés communément et fonctionnement grammatical basic) et des compétences langagières (compréhension et expression écrites et orales) en 3 cours magistraux et 2 cours de travaux pratiques par semaine. - Mandarin 278 : Étude continue du mandarin et de la culture chinoise (Mandarin 2ème année) - Mandarin 318 : Étude du mandarin et de la culture chinoise 1, niveau intermédiaire, semestre 1 (Mandarin 3ème année) - Mandarin 348 : Étude du mandarin et de la culture chinoise 2, niveau intermédiaire, semestre 2 (Mandarin 3ème année) [xxii]. À la lecture des descriptions des modules de mandarin indiquées dans la brochure du département[xxiii], on voit vite qu'il s'agit d'une langue dont les perspectives d'apprentissage sont différentes de langues « cousines « comme l'allemand et le français. En effet, les étudiants doivent passer par une formation aux caractères chinois et à l'aspect tonal de la langue. Ainsi, les étudiants sont sensés développer des savoirs (phonétiques, lexicaux et grammaticaux) et des compétences (compréhension écrite et orale, et expression écrite et orale) particulières, qui évoluent selon l'année suivie (1ère, 2ème ou 3ème). En effet, si l'on prend l'exemple des objectifs d'apprentissage de la première année de mandarin, les étudiants doivent être capables, à l'issue de cette année, de : - avoir des connaissances langagières : *au niveau phonétique, ils apprennent à avoir une bonne maîtrise des voyelles, des tons, des changements de tons, des tons légers du mandarin et une bonne prononciation du « r « rétroflexe ; *au niveau lexical, ils apprennent et doivent reconnaître 300 à 400 caractères utilisés couramment pour lire et comprendre le sens de ces caractères ; *au niveau grammatical, il s'agit là de comprendre et définir les points de grammaire de base utilisé dans les textes étudiés. - développer des compétences langagières : *l'écoute ou compréhension orale, les étudiants s'exercent à comprendre un mandarin élémentaire avec des structures de phrases très simples et avec un minimum de caractères ; *l'expression orale doit permettre aux apprenants de conduire une conversation simple dans un contexte communicatif de tous les jours, et ce, sans hésitation. *la lecture ou compréhension écrite est basée sur la reconnaissance, la traduction et la classification des caractères chinois rencontrés dans des textes, avec l'aide du dictionnaire. Le vocabulaire couvre alors 300 à 500 caractères. *l'écriture ou expression écrite avec comme but de savoir écrire et rédiger des phrases simples à l'aide du vocabulaire donné au cours de l'année. Les autres modules de mandarin utilisent le même schéma descriptif et les demandes en vocabulaire et en compréhension s'intensifient. À la suite d'un entretien avec Wang Mei, l'une des nouvelles lectrices de la section, j'ai pu confirmer cette impression que le mandarin ne s'enseignait pas du tout de la même manière que les langues dites « latines «. En effet, au vue de son analyse, les caractères et les tons de la langue so...

« à l'Université de Stellenbosch, Afrique du Sud PRÉSENTÉ PAR : MAUD MARCINKOWSKI RESPONSABLE : PROFESSEUR MICHEL BILLIÈRES SESSION : SEPTEMBRE 2008 Sommaire Sommaire. »

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