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FORÊT DE CRÉCY - COLETTE, Les Vrilles de la vigne

Publié le 02/10/2010

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FORÊT DE CRÉCY - COLETTE, Les Vrilles de la vigne A la première haleine de la forêt, mon coeur se gonfle. Un ancien moi-même se dresse, tressaille d'une triste allégresse, pointe les oreilles, avec des narines ouvertes pour boire le parfum... Le vent se meurt sous les allées couvertes, où l'air se balance à peine, lourd, musqué... Une vague molle de parfum guide les pas vers la fraise sauvage, ronde comme une perle, qui mûrit ici en secret, noircit, tremble et tombe, dissoute lentement en suave pourriture framboisée dont l'arôme enivre, mêlé à celui d'un chèvrefeuille verdâtre, poissé de miel, à celui d'une ronde de champignons blancs... Ils sont nés de cette nuit, et soulèvent de leurs têtes le tapis craquant de feuilles et de brindilles... Ils sont d'un blanc fragile et mat de gant neuf, emperlés, moites comme un nez d'agneau; ils embaument la truffe fraîche et la tubéreuse. Sous la futaie centenaire, la verte obscurité solennelle ignore le soleil et les oiseaux. L'ombre impérieuse des chênes et des frênes a banni du sol l'herbe, la fleur, la mousse et jusqu'à l'insecte. Un écho nous suit, inquiétant, qui double le rythme de nos pas... On regrette le ramier, la mésange; on désire le bond roux d'un écureuil ou le lumineux petit derrière des lapins... Ici, la forêt, ennemie de l'homme, l'écrase.

Introduction. Ce sont les vacances. Colette séjourne « en marge d'une plage blanche » au bord de la baie de la Somme. Laissant derrière elle ce rivage marin qui la déconcerte toujours un peu, elle, la Bourguignonne, elle est partie pour une promenade en automobile; voici qu'au milieu de ce « pays plat de Picardie » se montre soudain la forêt de Crécy. Le texte. Le premier paragraphe traduit une réaction immédiate, involontaire et primitive comme l'instinct; la forêt est perçue comme un être vivant (haleine : le vent n'est plus un phénomène physique, il est la respiration d'un organisme); et c'est un être vivant que cette haleine va atteindre, non seulement dans sa sensibilité (mon coeur se gonfle) mais dans le souvenir de ce qu'il fut jadis (un ancien moi-même).

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