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Publié le 05/02/2014

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Le Mariage de Figaro - Beaumarchais ACTE III - Scène 16 - Extrait BARTHOLO. Des fautes si connues ! une jeunesse déplorable.MARCELINE, s'échauffant par degrés. Oui, déplorable, et plus qu'on ne croit ! Jen'entends pas nier mes fautes ; ce jour les a trop bien prouvées ! mais qu'il est dur deles expier après trente ans d'une vie modeste ! J'étais née, moi, pour être sage, et je lasuis devenue sitôt qu'on m'a permis d'user de ma raison. Mais dans l'âge desillusions, de l'inexpérience et des besoins, où les séducteurs nous assiègent pendantque la misère nous poignarde, que peut opposer une enfant à tant d'ennemisrassemblés ?Tel nous juge ici sévèrement, qui, peut-être, en sa vie a perdu dix infortunées !FIGARO. Les plus coupables sont les moins généreux ; c'est la règle.MARCELINE, vivement. Hommes plus qu'ingrats, qui flétrissez par le mépris lesjouets de vos passions, vos victimes ! C'est vous qu'il faut punir des erreurs de notrejeunesse ; vous et vos magistrats, si vains du droit de nous juger, et qui nous laissentenlever, par leur coupable négligence, tout honnête moyen de subsister. Est-il un seulétat pour les malheureuses filles ? Elles avaient un droit naturel à toute la parure desfemmes : on y laisse former mille ouvriers de l'autre sexe.FIGARO, en colère. Ils font broder jusqu'aux soldats !MARCELINE, exaltée. Dans les rangs même plus élevés, les femmes n'obtiennent devous qu'une considération dérisoires ; leurrées de respects apparents, dans uneservitude réelle ; traitées en mineures pour nos biens, punies en majeures pour nosfautes ! Ah ! sous tous les aspects, votre conduite avec nous fait horreur ou pitié !FIGARO. Elle a raison !LE COMTE, à part. Que trop raison !BRID'OISON. Elle a, mon-on Dieu, raison !MARCELINE. Mais que nous font, mon fils, les refus d'un homme injuste ? Neregarde pas d'où tu viens, vois où tu vas : Cela seul importe à chacun. Dans quelquesmois ta fiancée ne dépendra plus que d'elle-même ; elle t'acceptera, j'en réponds. visentre une épouse, une mère tendre qui te chériront à qui mieux mieux. Sois indulgentpour elles, heureux pour toi, mon fils ; gai, libre et bon pour tout le monde ; il nemanquera rien à ta mère. Victor Hugo Hernani, Acte I scène II. Dona SolJe vous suivrai. Hernani            Parmis mes rudes compagnons,Proscrits dont le bourreau sait d'avance les noms,Gens dont jamais le fer ni le coeur ne s'émousse,Ayant tous quelques sang à venger qui les pousse ?Vous viendrez commander ma bande, comme on dit ?Car, vous ne savez pas, moi je suis un bandit ! Quand tout me poursuivait dans toutes les Espagne, Seul, dans ses forêts, dans ses hautes montagnes,Dans ses rocs, ou l'on n'est que de l'aigle aperçu,La vieille Catalogne en mère m'a reçu.Parmi ses montagnards, libres, pauvres et graves,Je grandis, et demain, trois mille de ses braves,Si ma voix dans leurs monts fait résonner ce cor.Viendront... -Vous frissonez ! Réfléchissez encor.Me suivre dans les bois, dans les monts, sur les grèves,Chez des hommes pareils aux démont de vos rêves,Soupçonner tout, les yeux, les voix, les pas, le bruit,Dormir sur l'herbe, boire au torrent, et la nuitEntendre, en allaitant quelque enfant qui s'éveille,Les balles des mousquets siffler à votre oreille,Etre errante avec moi, proscrite et s'il le fautMe suivre ou je suivrai mon père, -à l'échafaud. Dona SolJe vous suivrai. Lorenzaccio Alfred de Musset Acte III Scène 3 une rue Alors qu'ils se rendent chez les Pazzi, Pierre et Thomas sont arrêtés par un officier allemand et conduits en prison. Alexandre de Médicis a décidé de faire comparaître devant le tribunal les deux fils Strozzi. Leur père se lamente de l'iniquité de la justice qui va condamner les fils d'une honorable famille républicaine . Lorenzo arrive. Et a une longue discussion avec Philippe Strozzi. LORENZO. Je te fais une gageure. Je vais tuer Alexandre ; une fois mon coup fait, si les républicains se comportent comme ils le doivent, il leur sera facile d'établir une république, la plus belle qui ait jamais fleuri sur la terre. Qu'ils aient pour eux le peuple, et tout est dit. je te gage que ni eux ni le peuple ne feront rien. Tout ce que je te demande, c'est de ne pas t'en mêler ; parle, si tu le veux, mais prends garde à tes paroles ; et encore plus à tes actions. Laisse-moi faire mon coup ; tu as les mains pures, et moi, je n'ai rien à perdre.PHILIPPE. Fais-le, et tu verras.LORENZO. Soit, - mais souviens-toi de ceci. Vois-tu dans cette petite maison cette famille assemblée autour d'une table ? ne dirait-on pas des hommes? Ils ont un corps, et une âme dans ce corps. Cependant, s'il me prenait envie d'entrer chez eux, tout seul, comme me voilà, et de poignarder leur fils aîné au milieu d'eux, Il n'y aurait pas un couteau de levé sur moi.PHILIPPE. Tu me fais horreur. Comment le coeur peut-il rester grand avec des mains comme les tiennes?LORENZO. Viens, rentrons à ton palais, et tâchons de délivrer tes enfants.PHILIPPE . Mais pourquoi tueras-tu le duc, si tu as des idées pareilles?LORENZO . Pourquoi ? tu le demandes ?PHILIPPE . Si tu crois que c'est un meurtre inutile à ta patrie, pourquoi le commets-tu ?LORENZO . Tu me demandes cela en face ? regarde-moi un peu. j'ai été beau, tranquille et vertueux.PHILIPPE. Quel abîme ! quel abîme tu m'ouvres !LORENZO. Tu me demandes pourquoi je tue Alexandre ? Veux-tu donc que je m'empoisonne, ou que je saute dans l'Arno? veux-tu donc que je sois un spectre, et qu'en frappant sur ce squelette (il frappe sa poitrine), il n'en sorte aucun son ? Si je suis l'ombre de moi-même, veux-tu donc que je m'arrache le seul fil qui rattache aujourd'hui mon coeur à quelques fibres de mon coeur d'autrefois ? Songes-tu que ce meurtre, c'est tout ce qui me reste de ma vertu? Songes-tu que je glisse depuis deux ans sur un mur taillé à pic, et que ce meurtre est le seul brin d'herbe où j'aie pu cramponner mes ongles? Crois-tu donc que je n'aie plus d'orgueil, parce que je n'ai plus de honte ? et veux-tu que je laisse mourir en silence l'énigme de ma vie ? Oui, cela est certain, si je pouvais revenir à la vertu, si mon apprentissage du vice pouvait s'évanouir, j'épargnerais peut-être ce conducteur de boeufs. Mais j'aime le vin, le jeu et les filles ; comprends-tu cela ? Si tu honores en moi quelque chose, toi qui me parles, c'est mon meurtre que tu honores, peut-être justement parce que tu ne le ferais pas. Voilà assez longtemps, vois-tu, que les républicains me couvrent de boue et d'infamie ; voilà assez longtemps que les oreilles me tintent, et que l'exécration des hommes empoisonne le pain que je mâche ; j'en ai assez de me voir conspué par des lâches sans nom qui m'accablent d'injures pour se dispenser de m'assommer, comme ils le devraient, j'en ai assez d'entendre brailler en plein vent le bavardage humain ; il faut que le monde sache un peu qui je suis et qui il est. Dieu merci, c'est peut-être demain que je tue Alexandre ; dans deux jours j'aurai fini. Ceux qui tournent autour de moi avec des yeux louches, comme autour d'une curiosité monstrueuse apportée d'Amérique, pourront satisfaire leur gosier et vider leur sac à paroles. Que les hommes me comprennent ou non, qu'ils agissent ou n'agissent pas, j'aurai dit aussi ce que j'ai à dire; je leur ferai tailler leurs plumes si je ne leur fais pas nettoyer leurs piques, et l'humanité gardera sur sa joue le soufflet de mon épée marqué en traits de sang. Qu'ils m'appellent comme ils voudront, Brutus ou Erostrate, il ne me plaît pas qu'ils m'oublient. Ma vie entière est au bout de ma dague, et que la Providence retourne ou non la tête, en m'entendant frapper, je jette la nature humaine à pile ou face sur la tombe d'Alexandre ; dans deux jours les hommes comparaîtront devant le tribunal de ma volonté.PHILIPPE. Tout cela m'étonne, et il y a dans tout ce que tu m'as dit des choses qui me l'ont peine, et d'autres qui me font plaisir. Mais Pierre et Thomas sont en prison, et je ne saurais là-dessus m'en lier à personne qu'à moi-même. C'est en vain que ma colère voudrait ronger son frein ; mes entrailles sont émues trop vivement ; tu peux avoir raison, mais il faut que j'agisse ; je vais rassembler mes parents.LORENZO. Comme tu voudras ; mais prends garde à toi. Garde-moi le secret, même avec tes amis, c'est tout ce que je demande. (ils sortent) Acte 1 Scène 1 de Antigone de Jean Anouilh Antigone entrouvre la porte et rentre de lextérieur sur la pointe de ses pieds nus, ses souliers à la main. Elle reste un instant immobile à écouter. La nourrice surgit. LA NOURRICE Doù viens-tu? ANTIGONE De me promener, nourrice. Cétait beau. Tout était gris. Maintenant, tu ne peux pas savoir, tout est déjà rose, jaune, vert. Cest devenu une carte postale. Il faut te lever plus tôt, nourrice, si tu veux voir un monde sans couleurs. Elle va passer LA NOURRICE Je me lève quand il fait encore noir, je vais à ta chambre pour voir si tu ne tes pas découverte en dormant et je ne te trouve plus dans ton lit! ANTIGONE Le jardin dormait encore. Je lai surpris, nourrice. Je lai vu sans quil sen doute. Cest beau, un jardin qui ne pense pas encore aux hommes. LA NOURRICE Tu es sortie. Jai été à la porte du fond, tu lavais laissée entrebâillée. ANTIGONE Dans les champs, cétait tout mouillé, et cela attendait. Tout attendait. Je faisais un bruit énorme toute seule sur la route et j'étais gênée, parce que je savais bien que ce n'était pas moi qu'on attendait. Alors, j'ai enlevé mes sandales et je me suis glissée dans la campagne sans quelle sen aperçoive. LA NOURRICE Il va falloir te laver les pieds avant de te remettre au lit. ANTIGONE Je ne me recoucherai pas ce matin. LA NOURRICE A quatre heures! Il n'était pas quatre heures! Je me lève pour voir si elle n'était pas découverte. Je trouve son lit froid et personne dedans. ANTIGONE Tu crois que si on se levait comme ça tous les matins, ce serait tous les matins aussi beau, nourrice, d'être la première fille dehors? LA NOURRICE La nuit! C'était la nuit! Et tu veux me faire croire que tu as été te promener, menteuse! D'où viens-tu? Antigone, a un étrange sourire. C'est vrai, c'était encore la nuit. Et il n'y avait que moi dans toute la campagne à penser que c'était le matin. C'est merveilleux, nourrice. Jai cru au jour la première, aujourd'hui Camus, Les Justes, Extrait de l'Acte IITous regardent kaliayev qui lève les yeux vers Stepan. Kaliayev, égaré.Je ne pouvais pas prévoir... Des enfants, des enfants surtout. As-tu regardé des enfants ? Ce regard grave qu'ils ont parfois... Je n'ai jamais pu soutenir ce regard... Une seconde auparavant, pourtant dans l'ombre, au coin de la petite place, j'étais heureux. Quand les lanternes de la calèche ont commencé à briller au loin, mon coeur s'est mis à battre de joie, je te le jure. Il battait de plus en plus fort à mesure que le roulement de la calèche grandissait. Il faisait tant de bruit en moi. J'avais envie de bondir. Je crois que je riais. Et je disais "oui, oui"... Tu comprends?Il quitte Stepan du regard et reprend son attitude affaisée.J'ai couru vers elle. C'est à ce moment que je les ai vus. Ils ne riaient pas, eux. Ils se tenaient tout droits et, regardaient dans le vide. Comme ils avaient l'air triste ! Perdus dans leurs habits de parade, les mains sur les cuisses, le buste raide de chaque coté de la portière ! Je n'ai pas vu la grande duchesse. Je n'ai vu qu'eux. S'ils m'avaient regardé, je crois que j'aurais lancé la bombe. Pour éteindre au moins ce regard triste. Mais ils regardaient toujours devant eux.Il lève les yeux vers les autres. Silence. Plus bas encore.Alors je ne sais pas ce qu'il s'est passé. Mon bras est devenu faible. Mes jambes tramblaient. Une seconde après, il était trop tard. (Silence. Il regarde à terre.) Dora, ai-je rêvé, il m'a semblé que les cloches sonnaient à ce moment là ? DoraNon, Yanek, tu n'as pas rêvé.Elle pose la main sur son bras. Kaliayev relève la tête et les voit tous tournés vers lui. Il se lève. KaliayevRegardez-moi, frères, regardes moi Boria, je ne suis pas un lâche, je n'ai pas reculé. Je ne les attendais pas. Tout s'est passé trop vite. Ces deux petits visages sérieux et dans ma main, ce poids terrible. C'est sur eux qu'il fallait le lancer. Ainsi. Tout droit. Oh non ! Je n'ai pas pu.Il tourne son regard de l'un à l'autre.Autrefois, quand je conduisais la voiture, chez nous en Ukraine, j'allais comme le vent, je n'avais peur de rien. De rien au monde, sinon de renverser un enfant. J'imaginais le choc, cette tête frêle frappant la rout, à la volée...Il se tait.Aidez-moi...Silence. Texte B  : Jean-Paul SARTRE, Les Mouches, acte II, scènes 3 et 4, 1943 [L'histoire se passe dans la ville d'Argos. Egisthe, après avoir assassiné Agamemnon, et épousé Clytemnestre sa femme, a instauré un régime de terreur. Oreste, fils de la reine, revient quinze ans plus tard, suivi par Jupiter. Electre, sa soeur, traitée en esclave, incite le peuple à la révolte. Egisthe la chasse. Elle se cache avec Oreste dans le palais.] SCÈNE IIIEGISTHE, CLYTEMNESTRE, ORESTE et ELECTRE (cachés) EGISTHE. [... ] -- Je regrette d'avoir dû punir Électre.CLYTEMNESTRE. -- Est-ce parce qu'elle est née de moi ? II vous a plu de le faire, et je trouve bon tout ce que vous faites.EGISTHE. -- Femme, ce n'est pas pour toi que je le regrette.CLYTEMNESTRE. -- Alors pourquoi ? Vous n'aimiez pas Électre.EGISTHE. -- Je suis las. Voici quinze ans que je tiens en l'air, à bout de bras, le remords de tout un peuple. Voici quinze ans que je m'habille comme un épouvantail : tous ces vêtements noirs ont fini par déteindre sur mon âme.CLYTEMNESTRE. -- Mais, Seigneur, moi-même...EGISTHE. -- Je sais, femme, je sais : tu vas me parler de tes remords. Eh bien, je te les envie, ils te meublent la vie. Moi, je n'en n'ai pas, mais personne d'Argos n'est aussi triste que moi.CLYTEMNESTRE. -- Mon cher seigneur...Elle s'approche de lui.EGISTHE. -- Laisse-moi, catin ! n'as-tu pas honte, sous ses yeux ?CLYTEMNESTRE. -- Sous ses yeux ? Qui donc nous voit ?EGISTHE. -- Eh bien, le roi. On a lâché les morts, ce matin.CLYTEMNESTRE. -- Seigneur, je vous en supplie... Les morts sont sous terre et ne nous gêneront pas de sitôt. Est-ce que vous avez oublié que vous-même inventâtes ces fables pour le peuple ?EGISTHE. -- Tu as raison, femme. Eh bien, tu vois comme je suis las ? Laisse-moi, je veux me recueillir.Clytemnestre sort. SCÈNE IVEGISTHE, ORESTE et ELECTRE (cachés) EGISTHE. -- Est-ce là, Jupiter, le roi dont tu avais besoin pour Argos ? Je vais, je viens, je sais crier d'une voix forte, je promène partout ma grande apparence terrible, et ceux qui m'aperçoivent se sentent coupables jusqu'aux moelles. Mais je suis une coque vide : une bête m'a mangé le dedans sans que je m'en aperçoive. A présent je regarde en moi-même, et je vois que je suis plus mort qu'Agamemnon. Ai-je dit que j'étais triste ? J'ai menti. Il n'est ni triste ni gai, le désert, l'innombrable néant des sables sous le néant lucide du ciel : il est sinistre. Ah ! je donnerais mon royaume pour verser une larme !Entre Jupiter. Texte C  :  Albert CAMUS, Caligula, acte II, scène 5, 1944. [Depuis la mort de sa soeur Drusilla, Caligula, jeune empereur romain, prend conscience de l'absurdité du monde. II décide d'exercer un pouvoir absolu, tyrannique et cruel sur son royaume.] ACTE II SCÈNE 5 Il mange, les autres aussi. Il devient évident que Caligula se tient mal à table. Rien ne le force à jeter ses noyaux d'olives dans l'assiette de ses voisins immédiats, à cracher ses déchets de viande sur le plat, comme à se curer les dents avec les ongles et à se gratter la tête frénétiquement. C'est pourtant autant d'exploits que, pendant le repas, il exécutera avec simplicité. Mais il s'arrête brusquement de manger et fixe avec insistance Lepidus l'un des convives.Brutalement. CALIGULA. -- Tu as l'air de mauvaise humeur. Serait-ce parce que j'ai fait mourir ton fils ?LEPIDUS, la gorge serrée. -- Mais non, Caïus, au contraire.CALIGULA, épanoui. -- Au contraire ! Ah ! que j'aime que le visage démente les soucis du coeur. Ton visage est triste. Mais ton coeur ? Au contraire n'est-ce pas, Lepidus ?LEPIDUS, résolument. Au contraire, César.CALIGULA, de plus en plus heureux. -- Ah ! Lepidus, personne ne m'est plus cher que toi. Rions ensemble, veux-tu ? Et dis-moi quelque bonne histoire.LEPIDUS, qui a présumé de ses forces. -- Caïus !CALIGULA. -- Bon, bon. Je raconterai, alors. Mais tu riras, n'est-ce pas, Lepidus ? (L'oeil mauvais.) Ne serait-ce que pour ton second fils. (De nouveau rieur.) D'ailleurs tu n'es pas de mauvaise humeur. (II boit, puis dictant.) Au..., au... Allons, Lepidus.LEPIDUS, avec lassitude. -- Au contraire, Caïus.CALIGULA. -- A la bonne heure! (Il boit.) Écoute, maintenant. (Rêveur.) Il était une fois un pauvre empereur que personne n'aimait. Lui, qui aimait Lepidus, fit tuer son plus jeune fils pour s'enlever cet amour du coeur. (Changeant de ton.) Naturellement, ce n'est pas vrai. Drôle, n'est-ce pas ? Tu ne ris pas. Personne ne rit ? Ecoutez alors. (Avec une violente colère.) Je veux que tout le monde rie. Toi, Lepidus, et tous les autres. Levez-vous, riez. (Il frappe sur la table.) Je veux, vous entendez, je veux vous voir rire.Tout le monde se lève. Pendant toute cette scène, les acteurs, sauf Caligula et Caesonia, pourront jouer comme des marionnettes.Se renversant sur son lit, épanoui, pris d'un rire irrésistible.Non, mais regarde-les, Caesonia. Rien ne va plus. Honnêteté, respectabilité, qu'en dira-t-on, sagesse des nations, rien ne veut plus rien dire. Tout disparaît devant la peur. La peur, hein, Caesonia, ce beau sentiment, sans alliage, pur et désintéressé, un des rares qui tire sa noblesse du ventre. (Il passe la main sur son front et boit. Sur un ton amical.) Parlons d'autre chose, maintenant. Voyons. Cherea, tu es bien silencieux.CHEREA. -- Je suis prêt à parler, Caïus. Dès que tu le permettras.CALIGULA. -- Parfait. Alors tais-toi. J'aimerais bien entendre notre ami Mucius.MUCIUS, à contrecoeur. -- A tes ordres, Caïus. Texte D : Eugène IONESCO, Le Roi se meurt, 1962. [Bérenger 1er ne veut pas comprendre le destin inexorable que son médecin et sa première femme lui ont annoncé : il va mourir. La seconde épouse du Roi, Marie, est présente.] LE ROI. -- Viens vers moi,MARIE. -- Je voudrais bien. Je vais le faire. Je vais le faire. Mes bras retombent.LE ROI. -- Alors, danse. (Marie ne bouge pas.) Danse. Alors, au moins, tourne-toi, va vers la fenêtre, ouvre-la et refermeMARIE. -- Je ne peux pas.LE ROI. -- Tu as sans doute un torticolis, tu as certainement un torticolis. Avance vers moi.MARIE. -- Oui, Sire.LE ROI. -- Avance vers moi en souriant.MARIE. -- Oui, Sire.LE ROI. -- Fais-le donc !MARIE. -- Je ne sais plus comment faire pour marcher. J'ai oublié subitement.MARGUERITE, à Marie. -- Fais quelques pas vers lui.Marie avance un peu en direction du Roi.LE ROI. -- Vous voyez, elle avance.MARGUERITE. -- C'est moi qu'elle a écoutée. (A Marie.) Arrête. Arrête-toi.MARIE. -- Pardonne-moi, Majesté, ce n'est pas ma faute.MARGUERITE, au Roi. -- Te faut-il d'autres preuves ?LE ROI. -- J'ordonne que les arbres poussent du plancher. (Pause.) J'ordonne que le toit disparaisse. (Pause.) Quoi ? Rien ? J'ordonne qu'il y ait la pluie. (Pause, toujours rien ne se passe.) J'ordonne qu'il y ait la foudre et que je la tienne dans ma main. (Pause.) J'ordonne que les feuilles repoussent (ll va à la fenêtre.) Quoi ! Rien ! J'ordonne que Juliette entre par la grande porte. (Juliette entre par la petite porte au fond à droite.) Pas par celle-là, par celle-ci. Sors par cette porte. (Il montre la grande porte. Elle sort par la petite porte, à droite, en face. A Juliette.) J'ordonne que tu restes. (Juliette sort.) J'ordonne qu'on entende les clairons. J'ordonne que les cloches sonnent. J'ordonne que cent vingt et uns coups de canon se fassent entendre en mon honneur. (Il prête l'oreille.) Rien ! ... Ah si ! J'entends quelque chose.LE MÉDECIN. -- Ce n'est que le bourdonnement de vos oreilles, Majesté.

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