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Georges Mandel assassiné

Publié le 22/02/2012

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7 juillet 1944 - Quelques centaines de mètres après le carrefour de l'Obélisque, à Fontainebleau, sur la route de Nemours, une voiture noire s'arrête le 7 juillet 1944. En descendent quatre hommes vêtus de noir. Pour trois d'entre eux, c'est un uniforme, celui de la milice. Pour le quatrième, c'est, avec le haut col dur, depuis qu'il est entré en politique, une marque de dignité. " Le carburateur ne marche pas ", dit le milicien Mansuy. " C'est l'essence ", assure le civil. Le milicien Boero annonce qu'il va déboucher le gicleur. Le civil fait quelques pas. Mansuy l'abat de neuf balles de pistolet-mitrailleur et lui tire ensuite deux balles dans la tête. Ainsi meurt, à la veille de la libération, Georges Mandel, qui fut le bras droit de Clemenceau, ministre à poigne des PTT et des colonies et dernier ministre de l'intérieur de la IIIe République. Un homme glacial, efficace, ennemi acharné de l'Allemagne de Hitler, un " moine de la politique ", farouchement indépendant, qui se disait " de gauche en politique extérieure, de droite en politique intérieure ". Fils de riches commerçants juifs alsaciens du Sentier, les Rothschild-sans lien de parenté avec l'illustre famille de banquiers,-il s'était fait, bien avant la première guerre mondiale, l'homme lige de Clemenceau. Lorsque le Tigre devint président du conseil en 1917, il fut son chef de cabinet et, malgré ses rebuffades, son inspirateur. Après la guerre, à sa réputation d'homme à poigne, il ajoute, à partir de 1933, celle d'un adversaire farouche du nazisme. Il s'oppose, en vain, à toute concession à l'Allemagne. En 1939, il s'efforce de faire limoger le commandant en chef Gamelin, qu'il juge trop mou. Le 16 juin 1940, Mandel, ministre de l'intérieur, qui, au cours des dramatiques conseils des ministres qui ont jalonné la débâcle, s'est battu contre ce qu'il considérait comme le défaitisme de Pétain, tombe avec le cabinet Paul Reynaud. Dès le lendemain, Raphaël Alibert, garde des sceaux du gouvernement Pétain-Laval, le fait arrêter. Il comploterait, paraît-il, de faire assassiner les nouveaux ministres. Relâché, Mandel exige et obtient des excuses écrites de Pétain. Il gagne le Maroc sur le paquebot Massilia. Nouvelle arrestation dès son arrivée. On le ramène en France et on l'interne sans jugement. Il ira, pendant quatre ans, de prison en prison, la plupart du temps au secret. " Je condamne pour présomptions Georges Mandel à la détention au fort du Portalet ", dira seulement Philippe Pétain au bout d'un an et demi. Sa compagne, l'actrice Béatrice Bretty, dont il a une fille, s'efforce d'adoucir son sort. En novembre 1942, les Allemands, bien que Pierre Laval ait donné sa parole d'honneur qu'il n'arriverait rien à Mandel, s'emparent de lui. Avec Paul Reynaud, il est déporté dans une section spéciale du camp de concentration d'Oranienburg. Puis, avec Léon Blum, à Buchenwald. Le 28 juin 1944, Philippe Henriot, ministre milicien de l'information, est assassiné. A Alger, le colonel Magnien, officier collaborateur, est condamné à mort. Les Allemands proposent à Laval, qui refuse, de lui fournir des otages parmi les hommes politiques qu'ils détiennent. Pour lui forcer la main, et avec la complicité de chefs miliciens, ils ramènent Mandel à Paris. Max Knipping, chef de la milice en zone nord, veut compromettre Laval et complaire aux SS. Il force le directeur de la Santé à recevoir son prisonnier, qu'il vient chercher le 7 juillet et remet à Mansuy, l'exécuteur. Sur le corps de Georges Mandel, un papier qu'il a toujours conservé sur lui, et qu'il a fait lire à ses bourreaux : les excuses écrites de Pétain en 1940... JEAN PLANCHAIS Le Monde du 8-9 juillet 1984

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